[FINIS] ~ L'existence précède l'essence avec laquelle Inshi veut s'immoler ~

couleur des yeux — gris ; couleur des cheveux — noir; taille — 1m74 ; poids — 55kg ; tatouages ou piercings — non ma pauvre viande ; cicatrices — non ma pauvre viande x2 ; style vestimentaire — je préférerais vivre à poil mais bon, je porte des trucs simples qu'on trouve partout, sans originalité.

Mon physique est semblable à celui de n'importe quel homme moyen en apparence. Je ne suis pas très grand ni trop petit, je suis maigre sans être squelettique et je n'ai rien d'un athlète. J'ai bien essayé de me mettre à courir, mais la cigarette et ses effets bienfaisant m'ont vite énoncé clairement leur intention de ne pas m'encourager dans cette noble voie. Pour le reste des sports... je suis maladroit et fainéant donc je n'ai pas vraiment cherché à persévérer. Toutes mes tentatives pour engager un régime de culture physique à mon corps (je ne sais même pas pourquoi j'ai voulu faire ça) se sont soldées par un échec et un abandon. Je me retrouve donc avec la force d'un vermisseau, l'endurance d'un enfant de 5 ans et l'agilité d'un centenaire.
En société je brille par ma négligence vestimentaire et ma posture naturellement avachie. J'ai beau fumé la cigarette comme un dandy je n'ai aucune prestance. Le regard d'autrui pèse lourd sur mon esprit, mon assurance ainsi que la fluidité de mes mouvements sont très limitées. J'ai l'air d'un robot en dysfonctionnement ou bien d'un prototype de riz soufflé qu'on aurait voulu rendre vivant.
J'ai souvent la mine déterrée, je ne dors pas beaucoup, mon regard n'est pas très vif. Constamment en manque je suis très nerveux et nombre de tics jalonnent mes manières bourrues. On dit souvent que j'ai l'air d'un zombie ou d'un drogué.
Malgré mon apparence détérioré les matériaux de base avaient pourtant l'air plutôt satisfaisant. Lorsque j'étais plus jeune on avait tendance à dire à mon propos que mon sourire est d'une chaleur inégalable et que mes yeux brillent d'un éclat sauvage.
Mon visage fin a quelque chose d'esthétique je crois, mais les poches noirs sous mes yeux, ma barbe mal rasé, mes cheveux ébouriffés et surtout mon air livide me rendent finalement peu charmant.
La seule chose que j'aime de mon physique ce sont mes yeux gris. Quand je les regarde de près dans un miroir j'ai l'impression d'y discerner un orage en gestation, un amas de nuages noirs où se cachent profondément enfuis l'éclat perdu du soleil noir de mes pupilles.

Bon pourquoi je dois vous parler à vous alors que je parle jamais à personne ? J'imagine que c'est comme un vain et désespéré sursaut de volonté d'existence de ma part. En mode « hey regardez moi je suis là et je vais vous parler de moi je suis trop cool allez quoi c'est bien je vous jure ! ». Pathétique. C'est pourtant ce que je m'apprête à faire. Allez je déballe tout sur moi, profitez je m'ouvre pas beaucoup.

Alors, si je devais exprimer ce que je suis avec des adjectifs clair et simple que toutes les âmes avariées de ce monde pourraient comprendre je dirais :

mélancolique, solitaire, renfermé, asociale, morne, inintéressant, peu combattif, méprisant, arrogant, paranoïaque...

Bon ne nous dépeignons pas de manière exagérément négative non plus, il y a un peu de bon en chacun de nous et je ne fais pas exception à la règle :

loyale, minutieux, créatif, attentif, habile (quand je suis seul seulement, dès que quelqu'un m'observe je fais n'importe quoi), consciencieux, compatissant, bien organisé, patient (j'ai même tendance à trop attendre) et puis je sais pas trop le mieux c'est que vous me découvriez par vous même, on est jamais assez juste avec soi même. Mais bon, c'est pas non plus une invitation à ce que vous m'approchiez, je préfère qu'on me laisse tranquille. De plus j'ai horreur qu'on me pose des questions sur moi.

Je vis en autarcie depuis ma majorité il y a un peu moins d'un an. Je suis allé m'installer dans le coin le plus reculé de Hoshikami, dans un appartement hérité de ma grand mère décédée il y a un an. Je me plais à me qualifier d'ermite (Inshi en japonais). Mon vrai prénom me rebute et je ne le divulguerais sous aucun prétexte.
Si je me suis coupé du monde (sans non plus partir trop loin, je ne suis pas suffisamment débrouillard pour cela) c'est parce que je n'aime pas mes semblables, ils m'effraient un peu. Le jugement d'autrui me terrifie. Pire encore est mon propre jugement sur moi même au milieu des autres. En clair je suis le genre de personne qui quand il se retrouve avec ses congénères panique sur la position à tenir et s'insulte mentalement parce qu'il fait n'importe quoi. Du coup, pour éviter de me détester je préfère encore être arrogant et blesser les autres, mais ça ne me plaît pas particulièrement donc pour le bien de tous et de moi même je préfère m'isoler. Et personne n'y a trouvé quelque chose à redire.
Vivre seul pendant tout ce temps m'a quelque peu déstabilisé les méninges. Je suis très craintif et le moindre bruit ou élément un tant soit peu inhabituel me plonge dans une peur disproportionnée contre laquelle je ne parviens pas à garder maîtrise. Je souffre d'une légère agoraphobie ce qui fait que chacun de mes déplacements constitue une épreuve difficile à surmonter.

Dans la famille on est plutôt littéraire, d'ailleurs l'un de mes ancêtres éloignés Natsume Sôseki est un célèbre romancier décédé à l'ère Taishô. Je ne déroge pas à la règle. Je passe mes journées à lire dans mon coin des romans que je sélectionne avec grand soin (j'ai des goûts difficiles) et que je  collectionne ensuite dans ma bibliothèque personnelle. J'adore l'odeur caractéristique des vieux ouvrages. J'ai acquis une très grande culture mais du reste je ne suis pas particulièrement vif et intelligent, à l'école je rentrais tout juste dans la moyenne, sauf en littérature où je dénotais.
Je me suis intéressé à l'écriture, mais je ne suis pas suffisamment persévérant, méthodique et talentueux pour concevoir un livre avec un début, un milieu et une fin cohérente et digne d'intérêt. Certains passages sont d'un grand style, les professeurs avaient tendance à me dire cela, mais l'ensemble faisait brouillon et anarchique. Mon écriture est trop irrégulière, sans forme ni plan ni organisation et j'ai du mal à aller jusqu'au bout de mon histoire ou même à la commencer, je n'ai l'esprit qu'à l'élaboration de paragraphes indépendant dans leur sens.
J'étais également un saxophoniste plutôt doué dans mon lycée, mais jouer en public était beaucoup trop difficile à supporter, tout ces regards oppressants... Je ne joue que pour moi même du coup je ne progresse plus. Je me contente très bien de ce dont je suis déjà capable. Mon répertoire est assez large.
Je collectionne les vieux vinyles ainsi que les vieux objets inutiles. J'entasse tout ça dans le capharnaüm qu'est devenu l'appartement que m'a légué ma grand mère. On dirait l'appartement d'un bobo antiquaire qui se voudrait intellectuel. Après je m'en occupe bien faut pas croire. Je préserve très bien tout les souvenirs de ma grand mère, j'en prends grand soin, tout est bien tenu et organisé. Elle me manque beaucoup.
J'ai réussi à me débrouiller pour suivre des cours à distance de la fac de littérature de Tôkyô.

Pour ce qui est de ma sexualité, aucune fille ne m'a jamais attiré. Pour cette raison je me suis longtemps demandé si je n'étais pas homosexuel et par curiosité j'ai eu quelques aventures de ce côté ci mais je me suis vite rendu compte que là aussi j'étais complètement frigide. Je crois pouvoir affirmer, non sans fierté, être asexuel. Je ne plais pas particulièrement (à part les romantiques qui affectionnent ce regard mélancolique dans mes yeux ternes) donc ce n'est une perte pour personne.
Pourtant il m'arrive que cette sentence de Rousseau, prononcée dans La Nouvelle Héloïse, me trotte dans la tête : « Malheur à qui n'a plus rien à désirer ». Je culpabilise d'être ainsi vide de tout désir, mais j'en suis fier aussi. Ça dépend des moments en fait. Je crois que je suis quelque peu paradoxal...

Depuis mon appartement d'ermite, d'où je ne sors que très rarement, j'observe le monde avec un regard blasé. Je me tiens au courant pour la forme. Du reste, l'actualité se lit comme un livre populaire : c'est vide, déjà vu et inintéressant mais ça se laisse absorber.
Dernièrement les crépusculaires semblent occuper la scène médiatique. Leur cause est tellement insignifiante à mes yeux. Je ne prends pas leur menace au sérieux, puis je ne me sens pas vraiment concerné. J'ai beau habité Hoshikami, aucune étoile ou autre farfadet n'est jamais venu me voir. Et s'il venait l'idée à une étoile de venir frapper à ma porte, je pense que je ne lui répondrais pas.
En revanche, j'affectionne particulièrement cette nouvelle littérature qui mentionne ces êtres énigmatiques. Le mythe est accrocheur, même si on a du mal à y croire. Cela semble être un joli rêve... mais cela doit en rester un. Qu'on me laisse tranquille, j'ai l'habitude de n'intéresser personne et c'est pas demain la veille en restant dans mon trou à rat que ça risque de changer.

Ermite pour toujours !

Accoudé à la fenêtre j'observe placidement le paysage nocturne. Le grésillement de ma cigarette est seul à venir troubler le paisible silence qui s'épand au dehors. Des veloutes de fumée se détachent et s'envolent en embrassant le firmament étoilé et il me semble que mon âme suive cette ascension vouée à une triste dissolution. Ce soir la lune est morte. Une brise glaciale s'engouffre dans mon appartement en emportant à l'intérieur quelques cendres de ma cigarette qui bientôt s'éteint d'elle même. Le monde ne m'a jamais paru aussi vide qu'en cet instant. Le néant étend son implacable hégémonie sur la Terre. On dirait que tout n'est rien. L'empire du rien s'installe dans l'indifférence des masses inconscientes. Rien, rien, rien...

Alors que je me répète ces mots je ne peux réprimer un soupir en moi. Je ressens une étrange nostalgie... Mais une nostalgie de quoi ? Je n'ai que très peu de bons souvenirs... Il y a bien ceux que j'ai partagé avec ma défunte grand mère. Oui c'est à peu près la seul mémoire que je chéris... mais pour le reste ? Est-il possible que quelqu'un qui n'existe pas nous manque ? Est-il possible de ressentir une grande douleur sans avoir reçu de blessures ? Je me sens si faible que ça me dégoûte. J'ai envie de m'écraser le mégot brûlant dans la paume mais toute chaleur l'a déjà quitté, il n'est qu'humide et froid. Ma paume s'est juste un peu noircis sous la pression du mégot, je le jette au loin dans la nuit. Pour toute réponse le hululement d'une chouette. J'en reste pétrifier quelques secondes.

Je m'allonge sur le lit en posant les mains jointes derrière la tête. Dans l'obscurité l'œil de la nuit me regarde. Ce soir non plus je ne parviendrais pas à m'endormir. Alors sur ce vaste écran noir je projette le film de mes pensées, pour tromper l'ennui et rendre le silence et la solitude supportable.

J'ai une pensée pour ma grand mère Megumi, elle qui m'a tout donnée sans que je n'ai rien mérité. Je vis chez elle. Il y a un petit autel à son intention dans la chambre et je ne manque pas de lui rendre hommage, tout les jours. Je devine son portrait souriant et bienveillant dans la pénombre.

Le film se lance.

J'ai 4 ans. Mon père me dépose chez Megumi. Il repart sèchement sans dire bonjour et sans me dire au revoir. Je n'ai pas vu maman depuis 3 semaines. Elle travaille pour que je vive bien me dit Megumi. Megumi me montre un livre. Elle m'apprend à lire. Elle éveille en moi le goût de la littérature.

Je me rends compte que tout ce qu'il y a d'à peu près bien dans ma vie je le dois à Megumi. La littérature c'est grâce à elle que j'en suis devenu érudit. Et c'est elle qui m'a poussé à faire du saxophone. De temps à autre elle invitait des enfants pour prendre le thé à la maison et me les présentait, mais j'étais trop timide. Elle essayait de me faire sortir de ma bulle. Elle était le genre de personne très sociable, amie de tout le monde et ne comprenait pas pourquoi moi je restais toujours si seul.

C'est vrai ça ? Pourquoi donc suis je si seul ?

Le film continue.

J'ai 8 ans. Aujourd'hui à l'école les parents accompagnent leurs enfants. Mon père n'est pas venu, on se moque de moi. Il y a des rumeurs. Ma mère serait partie avec un autre homme et mon père serait un grossier alcoolique. Un camarade dont le père est policier raconte comment son « papou » a « vaillamment » sauvé la ville du « méchant » monsieur qui pue le saké. Le méchant monsieur qui pue du saké revient à la maison 3 jours plus tard. Je lui tends une histoire que j'ai écrite, il passe sa main dans mes cheveux sans y jeter un œil, puis s'effondre sur le canapé.  

Tiens je me demande ce qu'est devenu mon père. La dernière fois que je l'ai vu cela remonte à l'enterrement de Megumi. Il était arrivé en retard, mais sobre. Je crois qu'il n'a toujours pas d'emploi. Ma situation est donc meilleure que la sienne. J'ai une vie plutôt confortable grâce aux économies de Megumi dont j'ai hérité. Elle m'a tout donné... mon père en était malade de jalousie.

Et ma mère ?

Le film se poursuit.

J'ai 10 ans, c'est le jour de mon anniversaire. Avec Megumi on est partie faire les brocantes pour fêter ça. J'adore les brocantes. Dans les échoppes, des articles farfelus et exotiques aux aspects atypiques attirent mon attention. C'est là une vision du paradis. Megumi m'offre un vieux manuscrit de Sôseki Natsume son grand oncle et célèbre écrivain, le vendeur disait l'article authentique. Il y a aussi des vinyles et puis un saxophone magnifique. Mes yeux brillent en le voyant, Megumi n'y résiste pas et me l'offre à la condition que je n'en fasse pas qu'un simple objet de décoration. A l'école je m'inscris dans un club de musique. Je suis plutôt talentueux et les professeurs me remarquent. En classe je suis excellent en littérature, pour le reste je suis dans la moyenne. Un mois après  mon anniversaire je reçois un coup de fil de ma mère qui me souhaite mes 10 ans. Elle me demande comment ça va à l'école, je lui dis mes résultats, elle n'est pas satisfaite. Je lui dis que je fais du saxophone et que j'écris, elle me dit que je perds mon temps. Elle me dit qu'elle s'attendait à mieux de ma part puis raccroche. Je ne lui ai jamais dit qu'elle s'était trompée d'un mois pour mon anniversaire et depuis ce jour elle m'appelle toujours un mois en retard.

Je me demande ce qu'est devenue ma mère. Je crois qu'elle a trouvé quelqu'un d'autre, un Occidental d'après facebook. Je ne connais ma mère qu'à travers ce qu'elle poste sur facebook. Elle doit être sûrement loin à l'heure qu'il est, dans des îles Grecques ou bien dans un grand restaurant à Paris. Je n'ai pas regardé son compte depuis un bout de temps.

Le film ennuyeux de ma vie continue.

Mon adolescence défile. Je me vois seul la plupart du temps, en sport personne ne faisait équipe avec moi. Le cliché du loup solitaire. Je me mets à fumer, d'abord pour me donner un style, puis c'est devenu une habitude. Au saxophone je suis parmi les meilleurs, mais on ne me sélectionne pas pour les représentations, je suis incapable de jouer en public. En littérature mes professeurs sont impressionnés et me poussent à aller plus loin et à faire mieux dans les autres matières, mais je n'en fais rien. Je ne veux m'impliquer nulle part. Peut-être parce que je n'avais rien à prouver à personne : mes parents m'ignorent, Megumi est impressionnée par tout ce que je fais, elle qui m'éduquait depuis tout petit me voir capable de ramener quelques bonnes notes à la maison lui suffisait. Je voulais juste qu'on me laisse tranquille, voir tout ces gens tout les jours me fatiguaient suffisamment pour que je cherche à me surpasser en plus.

Je me rappelle l'annonce de la mort de Megumi. J'étais dans ma chambre chez mon père, c'était toujours lui qui m'avait à sa charge même si dans les faits Megumi s'occupait plus de moi en une semaine que lui ne l'avait jamais fait de toute sa vie. Bref, j'étais entrain de lire, puis mon père ouvre la porte pour me dire d'un ton totalement neutre et limite désabusé : « mamie est morte, elle a fait une mauvaise chute dans l'escalier. L'ascenseur était en panne ». Megumi habitait au quatrième étage d'un immeuble reculé de la banlieue de Hoshikami.
J'étais resté médusé, incapable de comprendre quelle était l'information à retenir. Comme si l'ascenseur en panne avait plus d'importance que la « mauvaise chute » de Megumi. L'ascenseur en panne avait un sens, la mort de Megumi n'en avait pas à mes yeux.
Aucun chagrin ne me vint, même à l'enterrement. Tout fut si formel et impersonnel. On alla voir le notaire pour s'occuper de son testament : elle me donnait tout. Je n'en comprenais pas la raison. Elle avait seulement exprimé une condition : « Rentre à l'université de Tôkyô je sais que tu peux le faire et fais toi des amis s'il te plaît. »
Ensuite ma dernière année de lycée passa très vite, je réussis mon examen d'entrée à l'université de littérature de Tôkyô et parvint à exprimer le vœux d'effectuer mon cursus à distance. Le médecins psychiatre que je suis allé ausculter pour justifier ma demande avait décelé des traces d'agoraphobie et des tendances paranoïaque dans ma personnalité. Pour faire court, ma peur des autres n'a fait qu'augmenter avec les années et le décès de Megumi, seul lien social que j'avais, n'arrangeait pas les choses. Il était préférable que je puisse étudier depuis un lieu où je me sente en sécurité : l'appartement que Megumi me léguait, loin de l'agitation et des troubles de la ville, dans une banlieue paisible.
Je n'avais pas réussi à me faire d'amis malgré la volonté de Megumi... mes années de lycée n'avait été qu'angoisse et mal être social. Il n'y a pas eu de gros nuages sombres comme du harcèlement ou des violences à mon égard, mais plutôt un sentiment constant plus ou moins illusoire de haine contre moi. Je suis persuadé que tout le monde me haït, et je me hais d'en être persuadé. C'est à double tranchant.
Je n'ai eu que peu de contacts, dont une courte relation homosexuelle qui me mit dans l'embarras, mais je préfère ne pas revivre ces images, c'est encore quelque chose de tabou pour moi.

Je n'ai aucun désir.

Le film semble vouloir s'arrêter sur ce constat.
Jusque là j'ai plutôt bien suivis les instructions. Bon je n'ai pas d'amis, mais je parle à un cactus et pour moi c'est une personne comme les autres (sa présence m'inspire donc un peu de peur et je suis obligé de le dissimuler derrière un rideau pour me sentir mieux) et je ne suis pas retourné voir mon médecin psychiatre qui avait pourtant, disait-il, les moyens de me guérir de mon « petit mal-être ». Vaste programme selon moi et puis son expression trop chaleureuse ne m'inspirait rien qui vaille.

Bon, je n'ai aucun désirs et alors ? Ma vie se résume à mal-dormir, étudier, lire, manger des plats commandés et parler à un cactus quand le cœur m'en dit. C'est cool. Non ? Pourquoi vouloir plus.

Si je devais passer ma vie dans cet appartement... je crois que ça ne me dérangerait pas tant que ça. En fait si... dès fois je deviens fou. Alors je sors exceptionnellement. La dernière fois j'ai fait peur à ma voisine et elle a crié et j'ai pris peur aussi et j'ai crié. En y repensant c'est plutôt drôle.

M'enfin, je devrais essayer de dormir maintenant. Quelle heure il est ? Déjà 8 heures ? Diantre, le film mental de cette nuit fut bien long. Puis au final pour pas grand chose...

Je me sens tellement inutile et vide.

Ça ira mieux demain.

Enfin au réveil.

Oui ça ira mieux au réveil.

Il faudrait que je dorme avant de pouvoir me réveiller...

Boh pourquoi dormir ? Je vais observer le soleil se lever, c'est toujours un moment agréable.

Je me lève du lit pour m'accouder de nouveau à la fenêtre, sur le passage je m'empare de mon briquet et allume une cigarette.
La fumée projetée flotte et se confond dans la brume matinale. L'aurore miroite au loin comme un diamant qui s'éveille. A la vue des premiers rayons du soleil mes pupilles se dilatent et l'iris me brûle. Assommé par cet éclat imprévu je retourne au lit et m'y écroule, puis je m'endors lourdement, sans rêves.

Les dernières étoiles s'éteignent absorbées dans la lueur du soleil.