{INVOCATION} l'été de tous les vices [pv... Truc ! ]

Parce qu'il fait chaud en plein été. Il fait chaud mais aussi très lourd et je n'aime pas sentir ce poids sur mes épaules, poids de cette atmosphère pesante et douloureuse pour mon petit cœur en soif de fraîcheur. Je couine dans la rue, mes pieds brûlant dans leurs chaussures, je n'ai pas l'habitude de l'été terrien, ni de son air étouffant, ni de son soleil tapageur, ennemi des étoiles s'il en est. Ma peau bronze pour s'en protéger et repousser ses rayons et j'essaie de rester à l'ombre car je n'aime pas sentir la lumière trouer mes yeux.
Et sur la route, y a des petites constructions étranges. On peut suivre un chemin et toujours en retrouver au bord de la chaussée, ces petites aubettes se retrouvent régulièrement sur mon chemin et je peux m'abriter et regarder les gens qui ne me voient pas. C'est amusant, je suis le seul à les dévisager comme ça ; personne n'aime croiser les prunelles d'un autre, alors ils s'évitent des yeux et s'ignorent. Pendant tout l'été, j'ai observé la populace sous les abris mais aussi dans les centres commerciaux, dans la gare, dans les marchés, dans les parcs… À moins d'être isolé et silencieux, personne regarde les autres.

Je n'ai pas d'argent alors la nourriture je m'en procure un peu n'importe comment… J'ai trouvé une gentille dame artisane qui le soir accepte de me donner les invendus de ses pâtisseries. Je les mange très vite pour ne pas me les faire voler par les autres qui n'ont comme moi d'autre toit que les ponts et les aubettes.
Cette fois, j'ai préféré discrètement dérober le sandwich entamé qui venait d'être posé et je suis parti en courant sans être poursuivi. Je ne sais pas trop comment ça marche, mais les gens ne me remarquent pas si je ne fais pas trop de bruit. C'est étrange. J'ai même volé un collier dans une petite boutique de bijoux pas chers dans une rue commerçante, personne ne s'est mis sur mon chemin. J'ai même pris une bouteille d'eau toute propre dans un super-marché pour essayer. Pareil pour le parapluie. Par contre, le sac à dos a fait de grands BIP BIP quand j'ai voulu passer entre les bornes en plastique par lesquelles j'étais entré, et les gens m'ont remarqué. De peur, j'ai lâché le sac et j'ai fui.

Ne me faites pas mal s'il vous plaît.

Aujourd'hui, j'ai envie de monter dans un bus. Mais pas un bus avec beaucoup de monde car ça me fait peur. Je choisis un abribus presque désert, il n'y a que deux gens. Et je les regarde très fixement du haut de mon petit mètre quarante. La dame a une petite ride fine sur le front et les yeux plissés rivés sur son écran de téléphone – je ne sais pas ce qu'il a de si intéressant. Le monsieur a à peu près le même âge je crois, peut-être un tout petit peu plus jeune ? Et des cheveux verts. Très très verts. Presque aussi clairs que sa peau pâle que le soleil crève de brûler vive. Et ça, c'est trop cool. Mais lui a l'air très ennuyé par la chaleur et l'attente, et c'est vrai que le bus commence à tarder. Et je commence à avoir soif aussi. Mais j'ai pas de bouteille d'eau sur moi, je l'ai perdue je ne sais plus comment.

Alors je me demande. Après tous les trucs bizarres que j'ai fait depuis que j'existe, pourrais-je produire de l'eau au creux de mes mains ? Je les ouvre vers le haut et je les approche en pliant mes doigts serrés jusqu'à ce qu'elles entrent en contact. Je veux de l'eau. J'ai soif. J'ai très soif. Je veux de l'eau très fort. Je veux de l'eau très très fort. Je veux de-

SPLASH.

Sans crier gare, l'équivalent d'un seau d'eau vient gicler sur tout l'abribus, mouillant tout le monde ici présent, même le téléphone que la femme fixait obsessivement en le caressant bizarrement avec ses doigts. De surprise, je pousse un cri aigu (comme celui de enfants que t'as envie d'égorger), attirant inévitablement l'attention des deux autres victimes de ma mésaventure. La dame me voit à peine, plus préoccupée par la santé de son gadget non-résistant à l'eau.
Le monsieur en revanche...