❝ Stupid Boy ! — E I K O [END]

Les bas quartiers.
Là où règne la pauvreté.

« Bouh ta mère c'est qu'une cinglée !! »

C'est faux. Toi tu le sais mieux que quiconque. Ce n'est pas une cinglée, c'est une femme trompée trop tôt par un abruti de salaud que tu n'as jamais rencontré. C'est cette femme qui t'a élevé à bout de bras. Celle qui faisait les pires métiers qui soient pour que tu puisses étudier encore. Ce sourire et cette voix qui te rassurait, te disaient qu'un jour, tout irait sûrement mieux sans pouvoir y croire réellement. Parce qu'à bien y penser, le monde ne tourne plus rond depuis longtemps à présent. Ta mère c'est celle qui, trop jeune est tombée enceinte, ne savait pas vraiment quoi faire, mais a continué d'avancer sans t'oublier. La personne qui a ramené de l'argent sale, de l'argent gagné dans la honte, dans la souffrance, dans un plaisir simulé. Qui n'avait plus le choix, abandonnée, trompée, détestée.
Alors tu as frappé. Pour ta propre satisfaction, pour l'honneur que les gens disent perdu à jamais de ta génitrice, pour la critique facile, pour la colère juvénile, pour la haine que ceux qui t'entouraient, t'inspirent toujours.

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« Cette maison renferme cette femme qui couche partout pour de l'argent et son sale marmot. »

T'as bien entendu ça toute ta vie et depuis longtemps déjà tu t'en foutais. Les gens ne savent pas, ils ne savent rien, mais se sentent obligés de critiquer tout ce qui vit pour se donner une raison d'exister. C'est plus simple de voir les maux dans la maison d'à côté plutôt qu'à sa porte d'entrée. Eiko, t'es désabusé depuis trop longtemps de tous les yeux qui se rivent inlassablement sur toi. Au lycée, dans ton quartier, dans la ville en elle-même. Mais tu voulais vivre, ardemment tu voulais vivre comme n'importe qui en espérant que demain irait mieux. Comme ta mère te le promettait plus jeune. Un jour, les choses seraient forcément différentes.
Rien ne change jamais vraiment. Alors tu oublies, tu zappes, tu fermes les yeux sur tout ce qui respire.

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« Hey Eiko, c'est au bar ! »

La mélodie. Celle qui guidait toujours et cette tonalité que tu aimais à toucher du bout des doigts. Comme un rêve, plus tu travaillais, plus cela payait. Les efforts sont toujours récompensés. C'était bien la seule chose qui te faisait encore vibrer au milieu de tout ce vacarme inutile sur ta baraque pourrie, sur les pavés dégueulasses de ta rue, sur le métier caché de ta daronne. Il n'y avait que la musique pour panser l'infini sentiment d'être désabusé de tout, te rendant vivant. Sécher les cours avec tes potes pour jouer, pour chanter, pour crier. Parce que tu criais, tu cries toujours parfois, mais t'étais plus vivant avant, probablement. Stupidement il y avait encore l'espoir que tout serait diffèrent demain. Comme un gamin, t'espérais vainement. Encore et encore. Ta mère aimait t'entendre chanter, elle aimait te voir te défoncer comme jamais. Parce que son plus grand rêve, c'était bien de voir le tien se réaliser. Mais tu peux même plus lui offrir ça aujourd'hui.

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« Eiko... Pardonne-moi. Un jour, je t'en prie, pardonne-moi. »

Pourquoi ? Parce qu'elle t'a donné bien tout ce qu'elle pouvait et même parfois ce qu'elle ne pouvait plus ? Parce qu'elle a marché chaque nuit dans cette rue et chaque lendemain la tête haute ? Parce qu'elle s'est battue pour que tu puisses avancer à mendier parfois pour que tu puisses bouffer ? Tu n'as jamais réellement compris pourquoi elle te demandait de lui pardonner. Et pardonner quoi ? Rien n'aura jamais plus d'importance que ce seul sourire qu'elle t'offre chaque matin. Rien et tu ne comprenais donc pas pourquoi. Tout du moins avant que tout ceci ne commence à disparaître. Le monde se flétri, le monde meurt, le monde s'écroule peut-être. Le tien n'est qu'un tas de poussière.

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« Comment se porte votre mère ces derniers temps ? »

Cette même question dont tu ne sais donner une réponse claire. Elle oublie. Chaque seconde, chaque jour, chaque année. Le temps défile autrement à présent. Bientôt elle ne saura plus ce qui a fait sa vie. Un jour, elle ne saura plus qui lui sourit encore. Et cette peur qui grandit, qui étouffe, qui bouffe. T'as tout arrêté juste pour elle, juste pour espérer que ce jour n'arrive jamais. T'as tout plaqué Eiko, juste pour payer des médicaments hors de prix, lui permettre de passer des tests inutiles encore et encore dans le seul espoir qu'ils trouveraient la faille. Cette faille qui demain, te permettrait de te dire que tout ira bien. Parce que t'as peur derrière ce visage sans émotion, derrière ce gamin petit con, il y a un homme qui tremble à l'idée de perdre la seule personne qui puisse compter. T'as peur comme un gamin de te retrouver seul à dix-huit piges, seul avec ton meilleur pote de la race des canidés. Tes émotions sont instables au point de t'en bouffer la peau des doigts. Alors tu bosses. Encore et encore. Inlassablement. T'amasse autant d'argent que tu peux en trichant sur la légalité. Tu n'as pas l'âge de bosser, mais une fausse carte ça se trouve en cherchant bien. Des faux papiers, trafiqués qui te permettent de te démener jusqu'à tomber. Tu t'en branle de ce que le monde dit de toi.

Parce que tu ne veux pas voir demain arriver sans essayer. Parce que tu ne peux pas attendre de rentrer sagement de l'école un jour et te rendre compte qu'elle ne se souvient plus. Même plus de toi. C'est ça qui t'effraie le plus : Qu'elle meurt sans se souvenir d'elle-même, sans souvenir que c'est toi sa plus grande fierté.