A glimmer is always
bound to fade in the dark.
Tu avais toujours été doté de mémoire. Toute ta vie là-haut, parmi les astres, tu t’en souviens parfaitement même si tu te contentais juste de briller, briller et encore briller. Une routine parfaite qui ne s’était interrompue qu’à ton arrivée sur Terre, quand tu avais finalement pu goûter la vie avec tous tes sens. Tu étais excité. Tout était neuf et beau, des trésors plein les rues. Et, maintenant, cette portion toute courte de ta vie renferme des souvenirs bien plus vivaces et bien plus imposants que tout le reste. La simple variété est effrayante.
Un sourire remonte à ton esprit et tes jambes se dérobent. Ton corps tombe et le pantalon d’un délicat brun clair que tu portes devient tâché par l’humus, quelques feuilles desséchées, reliques de l’automne, se mêlent à tout cela et tes mains deviennent boueuses. La boue, c’est froid. Le monde est froid, même. Après tout, il fait nuit alors toutes les couleurs ont perdu de leur chaleur. La lumière a quitté le monde.
Tu as goûté au bonheur. Ce met irrésistible dont on ne peut plus se passer. Vingt années sur cette Terre avaient été bien suffisantes pour cela. Des choses qui te passionnent, pour lesquelles tu es prêt à te battre, il y en a aussi. Le fromage. C’est bon, le fromage. Ton péché mignon, celui qui a fait de toi un terroriste. Et Kara... Tu secoues la tête pour ne pas y penser mais tout remonte en bloc. Tu n’es plus maître de tes actions, tu ne fais que les subir.
Vos corps, serrés l’un contre l’autre. Un baiser. Les battements de ton cœur, si pressants. Les battements du sien, si envoûtants. Un bonheur parfait, qui ne pourrait jamais se finir. Parce que vous étiez liés, humaine et étoile. Et que, lorsque l’un de vous quitterait le monde, l’autre suivrait. La seule personne a qui tu pouvais vraiment ouvrir ton cœur.
Déchirure.
Il ne fallait pas l’ouvrir. Le monde était injuste et ne cherchait qu’à blesser. L’étoile divine n’était qu’un faux dieu qui créerait du malheur. C’est ce que tu avais compris dès ton enfance. Des morts injustes. L’inégalité de la société humaine qui n’y contribuait pas. Et tout un bazar qui ne faisait qu’empirer, encore et encore. Et pour lequel la seule solution avait été de se battre. De commettre des crimes, d’essayer d’être flashy. Tout cela dans le simple but d’attirer son attention, de lui parler.
Le monde va mal. Il souffre. Depuis que les étoiles sont sur Terre, des gens meurent sans aucune raison autre que le lien, sans jamais connaître leur lié. Tout cela parce que celui-ci s’est suicidé où qu’il était condamné d’avance, vivant au fin fond d’un pays africain, là où l’on ne vit que peu de temps. Des chantages, un peu partout, occurrent en exploitant ce lien. Il est tellement facile de se laisser aller aux pulsions mauvaises de l’homme et de blesser autrui. Beaucoup trop facile.
Ça ne tourne pas rond. Ça ne tourne plus rond depuis longtemps. Et pourtant, toi, tu survis. Parce que tu ne t’approches plus des autres, ne les laisse plus entrer dans ton cœur. Il n’y a que ta liée qui est spéciale. Parce qu’elle est là jusqu’au bout et ne te sera pas dérobée injustement du fait des caprices d’un astre que tu as appris à haïr.
Mais il y avait des moments où tu l’aurais presque remerciée. Pour t’avoir permis de rencontrer Kara. Parce qu’elle était spéciale. Tu voulais la protéger, faire naître le sourire sur ses lèvres, à croquer. La tenir près de toi. C’était le lien. Mais c’est devenu plus que le lien, très vite. Un amour. Elle était née trois années après que tu ne sois tombée sur Terre alors vos âges apparents étaient un peu différents mais tu l’aimais. Tellement. Et c’était réciproque.
La meilleure chose qui te soit arrivée dans la vie.
A terre, tu ne vois plus rien. Tu ne ressens plus grand chose non plus. Des images défilent, les unes après les autres. Elles continuent encore à apparaître, appelant pensées et sentiments. Et ça fait mal. Lucian est mort. Lucian, lui, ce n’était pas Kara. Ce n’était pas grand chose, pour toi, et pourtant, ça t’a affecté plus que tu ne l’aurais pensé. Sans doute parce que tu t’es laissé piégé par ses paroles amicales et que, quelque part au fond de ton cœur, tu t’es ouvert.
Le fromage ne t’a pas laissé de choix. Le manipuler pour du fromage, dans un premier. Puis des révélations. Sur sa personne. Sur son implication au sein du Crépuscule. Et toujours du fromage. Ton cœur se serre. Qu’allez-vous devenir ? Et, surtout, où trouver de ce met si délicat ? Maintenant que tu étais devenu un paria, il n’était plus possible d’obtenir une rente régulière via les échecs. Ni de dépenser ton argent. Alors, importer tout ça depuis la France, l’Allemagne ou n’importe où n’était plus possible. Et le Crépuscule n’aurait jamais l’argent pour financer les délices auxquels tu avais habitué tes papilles.
Soit. Ça allait encore. Tu en profiterais un bonne fois pour toute pour te débarrasser de cette faiblesse bien trop prenante, même si tu étais dans un sale état. A droite. A gauche. Tu allais mal. Ouvertement. Mais ce n’était pas grave, parce qu’elle était à tes côtés. Et que tu réussissais quand même à sourire et à être heureux, vraiment. Pour la première fois depuis des années.
Une balle qui vole. C’était un travail. Un simple travail. Pas celui que tu effectuais d’habitude mais il fallait bien que quelqu’un s’y colle et se salisse les mains. Elle, elle était à côté de toi. Tu n’aurais pas voulu qu’elle assiste à cela mais tu n’avais pas vraiment eu le choix. Le corps de la pauvre tombe sur le sol, provoquant un simple choc. Contraction. La vie l’a quitté. Et un nouveau choc retentit à tes oreilles.
Morte. Ta liée. Et toi, tu vivais. Donc elle n’était pas celle que tu pensais. Tout n’avais été qu’un simple coup de foudre réciproque depuis le début. Un énorme coup de foudre. La réalité était aussi simple que celle-là. Mais, là encore tu ne parvenais pas à l’accepter.
Des feuilles te touchent. Ton corps s’écroule, entièrement, au milieu de la forêt. Les branches qui déchirent ta peau la bardent de sang. Ça fait mal. Ça devrait te réveiller. Mais, ce n’est pas ça le problème. Parce que c’est au fond de ton âme que tu te morfonds, que tu es déchiré, acculé. Plus rien ne va, tu ne fais que souffrir. Souffrir, encore et encore. Et tu n’es plus qu’une sorte de pantin qui n’est plus conscient de ses propres actes. Qui ne fait que ressentir.