[TERMINÉE] My skin is cold and I've got no heart ✝ JUN

C'est une froide nuit de Janvier qu'elle m'a raconté son histoire, Jun. Elle m'a dit que ce n'était pas joli, que c'était soit tout noir, soit tout blanc. Elle m'a demandé de ne pas pleurer, de ne pas parler. Elle m'a dit qu'il y avait plein de choses. Mais des choses vides de vie, vides de sens, vides de tout. Elle m'a dit dans un long soupir qu'elle n'avait jamais raconté son histoire à personne. Et qu'elle ne la raconterais plus jamais après ça. Finalement, elle m'a lâché que sa vie ne valait pas grand chose. Puis elle a sourit et j'ai vue une larme chuter le long de sa joue. Je n'ai pas pleuré. J'ai souri.

Jun elle m'a dit qu'elle avait été toute seule la plupart du temps. Elle l'avait été tellement longtemps qu'elle pensait que c'était comme ça qu'on vivait; seul. Elle m'a dit qu'elle ne se souvenait pas de ses parents; ils étaient morts lorsqu'elle était encore toute jeune. Elle n'avait pas de famille. Elle m'a dit que sa maman était Japonaise et que son papa était Italien. C'est en revenant de l'hôpital, après sa naissance qu'ils sont morts. Mais pas elle. Et elle m'a dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi la vie l'avait laissée vivre. Elle trouvait que c'était un gâchis. Mais bon, on ne décidait pas de ce genre de choses, qu'elle m'a dit. Après elle s'est promenée de familles en familles, aucune ne voulant d'un enfant aussi turbulent qu'elle. Mais ça, elle ne s'en souvenait pas. Mais tu sais, en réalité moi je crois qu'elle s'en souvient. Elle fait comme si, mais ça lui a fait mal que personne ne veuilles d'elle. Quand elle a atteint ses seize ans, elle a pu partir vivre seule. Elle m'a dit qu'elle n'attendait que ça, d'être seule. Parce que lorsqu'on est seul, personne ne peut nous faire du mal. On s'enferme dans notre petit monde et on se coupe de tout. C'est ça qu'elle a fait, Jun. Elle s'est retirée, elle est plongée dans un grand océan tout noir où elle ne voyait rien. Elle s'est fermé les yeux hypocritement, se disant que c'était ce qu'elle voulait de toute façon. Elle m'a dit qu'elle s'est tellement mentis longtemps qu'elle ne savait même plus ce qu'elle ressentait réellement. Elle s'est noyée dans une mer de mensonges et d'incompréhension.

Mais malgré tout ça, Jun elle a continué de vivre. Enfin, vivre c'est un grand mot. Elle s'est contentée d'exister, en fait. Elle m'a dit que de vivre seule sans personne à seize ans, c'était difficile. Et je l'ai crue. C'est déjà difficile de vivre avec les autres, tout seul, c'est encore pire. Alors Jun elle a fait ce qu'elle pouvait; elle a arrêté l'école et elle s'est enrôlée dans des trucs pas toujours très nets. Elle m'a dit qu'on le veuille ou non, la vie continue d'avancer, avec ou sans nous. Alors il faut décider de prendre ce petit train ou non. De le prendre correctement ou non, on s'en fichait: l'important c'était de pouvoir embarquer, parce que sinon on perdait le fil, on sombrait et on ne pouvait plus suivre. Elle m'a dit qu'elle avait embarqué comme elle le pouvait. Elle a vendu de la drogue longtemps, elle a couché avec n'importe qui, n'importe quand, sans même savoir pourquoi. Elle ne les aimait pas. Elle voulait oublier, c'est tout. Combler ce vide qui la grugeait sans qu'elle ne s'en rende compte. Mais aucun d'eux n'arrivait à combler de trou noir au fond de son âme. Alors elle a tout fichu là. La drogue et tous ces mafieux qui profitaient d'elle. Elle a tout jeté en espérant que comme ça, elle trouverait une façon de combler ce vide.

Jun m'a dit que c'est là qu'elle a rencontré un blond. Pas si mauvais garçon, mais pour le reste plutôt con. Elle m'a dit qu'il avait un sourire qui la faisait voyager. Elle m'a dit que lorsqu'il la regardait dans les yeux, son coeur se serrait. C'était pitoyable, qu'elle m'a dit. Il avait réussi à mettre quelques éclats de couleurs sur son âme noircie. Pour la première fois de sa vie, elle avait aimé quelqu'un. Aimé tout court, sans détours et sans questions. Comme elle avait été bête, qu'elle m'a dit en souriant tristement. Elle avait eu l'impression d'être sur une autre planète, d'avoir été transportée dans le ciel. Ce blond c'était son étoile, sa petite parcelle d'Univers à elle. C'était pas un truc nian nian, c'était un truc humain. Complètement, et totalement humain. Jun elle m'a dit que c'est le seul moment de sa vie où elle a eu l'impression d'être en vie. Oh, mais tu sais... on a eu vite fait d'éteindre cette petite étincelle au fond de ses yeux.

C'est un froid mois de Janvier que Jun a reçu un avis de recherche d'un groupe gouvernemental qui avait entendu parler de ses services de chasseuse de prime. Pour une grosse somme, elle devait capturer, vivant ou mort, un blond. Un blond qui avait un air étrangement familier. Son blond. Quand bien même elle n'aurait pas voulu, elle était prise au piège; si elle ne le ramenait pas, c'était elle qui finirait la gorge tranchée. C'était compliqué. C'est ironique, tu sais... elle avait finalement décidé de sortir de cet univers dangereux, noir, de se séparer des escrocs qui peuplaient la basse Italie, mais voilà qu'elle devait chasser la seule personne qui l'avait fait sourire. La seule personne qu'elle avait autorisé à fouiller dans son âme toute sombre. Et il s'avérait que cette personne était celle qui avait tué ses parents.

Alors Jun, elle a sorti son Colt, elle a mis une longue robe noire, a laissé ses cheveux tomber en cascade sur ses épaule et est sortie dans la nuit. Elle s'est rendue chez son blond, qui dormait à poings fermés. Elle m'a dit qu'elle s'est assise sur le bord de son lit et qu'elle a appuyé son flingue directement sur son coeur en déposant ses lèvres sur son front. Et elle m'a dit qu'en appuyant sur la gachette, elle lui a dit qu'elle devait le tuer parce qu'elle l'aimait. C'était toujours comme ça avec elle après tout; soit noir, soit blanc. Et la plupart du temps, sa vie était teintée de noir.

Jun m'a dit que par la suite son coeur s'est complètement refroidit. Encore plus qu'il ne l'était déjà. Alors elle est partie de ce pays qu'elle maudissait maintenant. Elle ne savait plus où aller. Elle n'avait jamais vraiment eu de chez-soi, mais là, elle sentait qu'elle serait mieux de tout simplement disparaître. S'effacer, s'envoler comme une dune de sable qui se fait fouetter par le vent. Alors elle est partie au Japon. Pour essayer de comprendre ses origines. Pour partir loin. Là où personne ne pourrait lui dire à quel point sa peau était devenue froide avec le temps.

Et c'est en venant ici qu'elle a appris qu'on était liés à une étoile. Mais Jun, elle s'en foutait. Elle ne voulait plus être liée à qui que ce soit. Elle avait pris ce risque une fois, et ce fût une fois de trop. Alors Jun, elle n'y croyait pas trop. Enfin si, mais elle s'en foutait bien. Elle faisait l'indifférente. Parce qu'elle ne tenait même pas à sa propre vie, elle se foutait qu'elle repose entre les mains de quelqu'un d'autre. Elle était peut-être liée à une étoile, mais jamais elle ne la laisserait s'approcher de la lune.

Et finalement, Jun elle m'a dit qu'elle aurait bien aimé avoir le coeur tout rose. Qu'elle aurait bien aimé rencontrer son étoile un peu plus tôt, assez tôt pour y voir une source d'espoir. Mais Jun elle m'a dit que la vie n'était pas comme ça. Jun elle m'a dit que la vie elle aimait nous voir souffrir. La voir souffrir.