Viens, mon beau chat ; Victoria

HRP :

Yukiko regarda autour d'elle. Quelque chose au fond d'elle lui disait qu'elle connaissait ces rues, et elle savait bien qu'elle devait les connaître, mais impossible de se repérer. Est-ce qu'elle avait déjà passé cette maison ? Impossible d'en être sûre.

Elle était descendue de son vélo et marchait à côté, se disant que de toute façon, quand on était perdu, la vitesse n'aidait pas. Et puis, à force d'avoir fait du vélo toute la journée, elle avait un peu mal aux mollets. Tout en continuant d'avancer, elle commença à machinalement fixer les maisons qu'elle dépassait, essayant de deviner ce qui se passait à l'intérieur. Si ça se trouve, cette maison semblait absolument normale mais était en fait un grand aquarium rempli de grosses carpes ! Et celle-là, est-ce qu'elle n'avait pas l'air un peu trop tranquille ?

Elle s'approcha lentement du portail, et plissa les yeux pour mieux voir. Cette maison était parfaite... trop parfaite. Elle cachait quelque chose, c'est sûr ! La lycéenne fit le tour de la maison, et, se hissant sur la pointe des pieds pour voir par dessus la barrière, elle constata qu'une grande baie vitrée donnait sur le jardin. « Parfait », se dit-elle, « comme ça je vais pouvoir en avoir le cœur net ». Elle sortit un petit caillou pointu de sa poche. Pas qu'elle ait l'habitude de se promener avec des cailloux, non – elle l'avait trouvé dans le parc et avait décidé de le ramasser parce qu'il était très joli. Elle serra son caillou dans son poing et recula d'un ou deux pas, fermant un œil et tirant la langue pour mieux viser...

Mais un miaulement l'interrompit.

- … Un chat ?

Elle se retourna rapidement et, dans la précipitation, lâcha son caillou à terre. Zut ! Elle avait bousculé un pauvre petit chat qui n'avait rien demandé ! Elle se confondit en excuse devant le félidé indigné :

- Pardon, monsieur le chat, je ne voulais pas vous pousser !

Mais heureusement pour elle, le chat était beaucoup moins fâché qu'elle ne se l'imaginait, et se contenta de la fixer. Peut-être qu'il se demandait pourquoi elle le vouvoyait.
Après lui avoir fait senti sa main, elle lui caressa doucement la tête, et fit un petit sourire en sentant sa fourrure douce sous ses petits doigts.

- Vous êtes perdu, vous aussi ? Vous devez être fatigué... Je n'ai rien à manger pour vous, mais si vous voulez, on va chercher notre chemin ensemble !

Sur ces mots, elle l'attrapa délicatement, et reprit son chemin initial. Elle n'avait aucune idée d'à qui appartenait ce chat, mais elle était déterminée à ne pas le laisser tomber, et à trouver sa maison. Il faut dire qu'elle avait toujours eu un très bon feeling avec les animaux – particulièrement les plus solitaires.
Faisant bien attention à ne pas lâcher le chat et à le garder dans une position assez confortable pour lui, elle reprit son chemin d'un pas déterminé. Elle arborait un énorme sourire, toute fière que Monsieur le Chat ait accepté de rester dans ses bras.

Évidemment, il ne lui était pas du tout venu à l'esprit qu'elle devait maintenant retrouver la maison du chat en plus de retrouver sa maison à elle, et que toute seule, cette tâche s’avérerait bien plus compliquée qu'elle ne se l'imaginait. Mais il faut bien être un peu optimiste de temps en temps, non ?

Alors que Yukiko se promenait tranquillement en regardant les maisons, son nouvel ami pressé contre sa poitrine, elle entendit des bruits de pas se rapprocher derrière elle. Elle se retourna, intriguée, pour connaître le visage qui correspondait à cette démarche rapide. C'était une grande dame, avec un regard très préoccupé. La jeune fille la dévisagea, l'air méfiant, et se demanda si elle l'avait vu avec son caillou.

- Bonjour. Dis moi, où as-tu trouvé cette fripouille ? Il s’est enfuit de chez moi parce que j’ai oublié de fermer une fenêtre, heureusement il n’est pas trop loin.
- Bah... dans la rue à-

Alors qu'elle parlait, elle s'arrêta net. Yukiko regarda le chat, puis la dame, puis derrière elle, puis le chat, puis la dame. Elle plissa les yeux. Qu'est-ce qui lui disait que c'était vraiment son chat ? Elle recula de deux pas, prête à décamper à tout moment pour protéger son nouvel ami.

- Comment j'peux être sûre que c'est ton chat ? T'as une preuve ?

En effet, cette brave Kiko n'avait absolument pas peur de faire la dure lorsque la situation était nécessaire - enfin, nécessaire selon elle. Ses parents n'arrêtaient pas de lui répéter de ne pas faire confiance aux étrangers, et elle mettait un point d'honneur à l'appliquer, tout particulièrement lorsqu'elle rencontrait des adultes. Et puis bon, elle avait dit au chat qu'ils chercheraient leur chemin ensemble, et elle aurait trouvé cela honteux de céder le chat au premier venu pour se débarrasser de cette promesse.

Elle gonfla ses joues pour se donner du courage - ce n'était pas le moment de perdre la face devant la dame, elle devait lui montrer qu'elle était très sérieuse.

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