La Société Secrète des Etoiles Râleuses Misanthropes || ft Lynell

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La Société Secrète des Etoiles Râleuses Misanthropes

Viens on râle sur tout le monde

ft. Lynell

Si il y avait bien un lieu que Nessie appréciait, c'était le parc d'Hoshikami. De la verdure à perte de vue, un lieu parfaitement calme et serein à l'image de son pays d'origine. Et par là il n'entendait pas la Norvège, parce que ce lieu craignait au point qu'on s'y gelait en permanence et que la plupart des programmes TV étaient composés de télé réalité à la con (ce qui pouvait expliquer que Johannes soit un immense inadapté social ; il n'avait pas de bons exemples, entre son frère sociopathes et les gogoles de ces émissions). Non, ce à quoi il pensait, c'était le calme serein du ciel étoilé, éclairé par ses confrères et lui-même. D'un air distrait, le jeune homme aux cheveux blancs leva la main vers le ciel ; les humains devaient trouver tellement fascinant et romantique d'observer le ciel... bon, de son point de vue ça faisait un peu stalker malgré tout. Mais qu'importe ; maintenant qu'il était tombé de son perchoir... tout ça n'avait plus d'importance. Soupir laconique de la part de l'Etoile. Ah, si seulement il pouvait regagner un jour cette voûte cobalt, s'enrouler dans ce manteau bleu sombre, et briller de nouveau comme il le méritait... Mais il avait perdu son éclat comme il avait perdu son oeil. Cette Terre qu'il illuminait de sa place lointaine était désormais sa cage dorée, et il ne pouvait en réchapper, pauvre petit colibri qu'il était. Un simple geste de la main de la part d'un humain suffirait à lui briser les ailes... C'est pourquoi...

C'est pourquoi il passait ses journées à râler sur lesdits humains, ainsi que ces abrutis de pigeons – la différence était mince – assis sur ce banc comme un vieux c**. C'était, en effet, ce qu'il faisait le plus souvent, n'ayant clairement rien de mieux à faire. Il avait un colloc' pour l'aider à survivre et si, par le plus grand des mystères, les employeurs qui lui donnaient rendez-vous à dix heures (il était très grognon le matin, et oubliait souvent de mettre sa chemise à l'endroit) ne voulaient pas l'engager. Se faire jeter d'un KFC vide de monde était quand même un exploit, mais ça, il était heureusement trop innocent pour le savoir. Le jeune homme se contenta de saisir son Carnet à Envolées Lyriques, notant ses pensées quant à sa chute. Les trois quarts de ces gribouillis sans rimes ni vers ("c'est quoi, ça se mange ?"), souvent dissonants et assez kitsch, concernaient d'ailleurs son destin de héros de tragédie si triste et à plaindre. Parfois on trouvait des traces étranges ou des pages arrachées, d'autre fois, des feuilles tâchées d'eau salée... tout dépendait de son état d'esprit. Mais là, il était serein, anormalement serein en vérité. Juste d'humeur à râler un peu, mais ça n'avait jamais fait de mal à personne.

Il lança un petit coup d'oeil mi amusé, mi méprisant aux quelques personnes qui passaient par là. Par exemple, il y avait les gens particulièrement petits qui devaient manquer cruellement de magnésium. Quoi ? Lui non plus n'était pas une grande perche, surtout pour un nordique ? Humpf, ce n'était pas une raison. Il n'avait pas dû avoir les bons apports nutritifs lui non plus... et les maigres, ou obèses ? Eux non plus n'adaptaient pas leur régime alimentaire par rapport à leurs besoins, ce qui était une énième preuve du mépris des humains pour la science et la logique ! Hein, comment ça il était maigre comme une allumette et aimait bouffer du Nutella devant la télé quand il le pouvait... ? Ca... ne comptait pas, il était une Etoile. Un astre ! Les lois de la physique ne devaient pas s'appliquer de la même manière sur lui que sur les autres gens. La preuve, on le soulevait très facilement. Donc la gravité n'avait pas le même effet sur les étoiles que les humains, CQFD !

Un pigeon vint mettre fin à ses monologues hautement philosophiques, commençant à picorer les miettes de pain qui collaient à ses joues. Non sans pousser un cri d'horreur face à cette horrible bestiole crasseuse, Johannes esquissa un grand mouvement de recul, tombant sur le flanc – mais faisant également fuir le sale oiseau, victoire ! Cependant, force est d'admettre qu'il s'était fait vachement mal aux côtes. Douleur qu'il oublia vite en l'apercevant du coin des yeux.

Cette fille, il la voyait régulièrement, également assise sur un banc, celui d'à côté. Il ne lui avait jamais vraiment parlé ; mais leur passe-temps commun était de râler sur les gens alentour. C'était... le ciel qui les réunissait en ce lieu. Ah, cette situation était tellement romantique, il devait en écrire quelque chose ! Un poème peut-être ! Même si... il risquait de manquer de contenu. Bah oui, il ne la connaissait pas cette fille, et si ça trouve c'était une sale truie sans la moindre once de sympathie... Bref, vraiment pas poétique. Mais bon, il la voyait souvent, peut-être qu'il devrait se décider à lui parler, un de ces jours... peut-être qu'ils... pourraient boire un truc ensemble ? Ce serait marrant. Peut-être. Il parait que ça se faisait beaucoup chez les... amis ? Potes ? Il ne savait plus quel était le terme scientifique. Alors il essaya d'aller lui parler. Elle avait de drôles de cheveux bleus comme le ciel azur de cette belle journée d'hiver, des yeux... euh, il était trop loin pour les voir. Les mains dans les poches de sa doudoune, car il était frigorifié, il se leva, saisissant son carnet, pour aller s'asseoir du côté de la demoiselle. Un peu hésitant, de sa voix grave et rauque (qui surprenait toujours lorsqu'on voyait son visage de bambin), il lança :

"Euuh... bonjour ? Err, j'm'appelle Johannes. Je vous vois souvent dans le coin, donc, euh... ça vous dit de râler sur l'humanité ?"

Il haussa les épaules, lui adressant un regard confus, l'air de dire "Hey, c'est la première fois que je sociabilise, faut pas trop m'en demander. Et puis j'ai des yeux de cocker donc aime moi." Il en profita pour étudier d'un peu plus près le visage de son interlocutrice. Elle était jolie, son visage brillait d'un éclat de... de mépris... et de fatigue... ok, et elle avait des cheveux louches et une odeur étrange de pizza mais c'était pas grave elle était jolie. C'est pour le romantisme de la scène ! Même si il avait aucunement intention de la draguer (en vérité ce mot n'existait pas dans le vocabulaire de Hannes) tout devait être parfaitement calculé pour que la moindre scène quotidienne soit éclatante de beauté. Y compris le brossage de dents, oui.

"Enfin, on peut faire autre chose si vous voulez. J'sais pas... ce que vous voulez."

Il détourna son regard gris, ne savant plus trop quoi lui dire. Euuuh... C'était vachement gênant comme situation, non ? Comme la plupart des situations dans lesquelles il se retrouvait, en fait. Alors, il chercha une idée... une idée lumineuse, brillante, magnifique... et retira son bonnet noir à pompon pour le placer sur la tête de la jeune femme.

"Vous deviez avoir froid", expliqua-t-il tout simplement, l'air benêt.

Hors-sujet.

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Hannes & Lynell

Souvent, Lynell se calait sur ce banc. Souvent, Lynell était assise aux côtés d'un gars à qui elle n'avait jamais adressé la parole, qui était pour l'instant en train d'être étrange loin d'elle, et qui avait de drôles de cheveux blancs. Tout blancs. Enfin... qui était-elle, pour juger de la couleur capillaire d'un autre, alors qu'elle s'évertuait à avoir les siens de couleur bleue azur, ce qui n'était pas naturel non plus. C'était qu'elle s'y était habituée, et ne se voyait juste pas autrement. Peut-être était-ce aussi le cas de ce type maigrichon. Ou bien de tout ceux qui se teignaient les cheveux régulièrement. Un jour, on lui avait demandé si elle envisageait de se faire une autre couleur. Pour varier, qu'ils disaient. Elle avait répondu que non, le bleu, c'était sa vie, et qu'elle resterait comme ça, même lorsqu'elle serait fripée comme un pruneau. Car elle comptait vivre vieille, l'humain qui lui serait lié ne rentrant pas en compte dans ses paramètres. Répondre à la question de cet abruti avait été une grave erreur. Elle s'en était tellement mordu les doigts après ça. Pourquoi ? Eh bien, tout simplement parce qu'un de ses abrutis d'amis de ce gang dans lequel elle était autrefois, maintenant disparu, démantelé, et enterré, s'était amusé à la faire boire plus que son corps le lui permettait lors d'une soirée arrosée, et en avait profité pour mettre en pratique son plan machiavélique. Lorsqu'elle s'était réveillée le lendemain matin, avec la pire gueule de bois possible, elle avait découvert non sans horreur, que ses cheveux étaient devenus... roses. ROSES. Le rose bien pâle dégueulasse bannie de son propre champ lexical de la couleur. Autant vous dire qu'elle n'avait pas du tout apprécié, et avait détruit la face du traître qui avait fait le coup.

La jeune étoile, casque aux oreilles, le regard fixé au loin, mains dans les poches de sa veste, lâcha un petit sourire amusé, avec son éternelle clope au bec. Ah... C'était l'bon temps. Ou pas, en fait. Enfin, il y avait eu de bons moments, tout n'était pas noir, ni blanc. Disons qu'aider à tabasser des humains n'avait pas été la meilleure chose qu'elle avait faite dans son humble et courte vie terrestre. Ce sale type avait eu raison. Elle avait mis tellement de temps à l'admettre. Néanmoins, ça ne l'empêchait pas de mépriser cette curieuse espèce qu'était celle des humains. Oh, elle savait bien que de la part d'une étoile qui avait oublié ce qu'elle était autrefois jusqu'à son vrai nom, c'était hypocrite. Car au final, elle vivait une vie ressemblant à s'y méprendre à celle d'un humain lambda, si on oubliait le pouvoir qu'elle avait emporté du ciel, avec elle, seule réminiscence, seule preuve de son passé céleste. Coupant net le flux de ses pensées divaguant sur divers sujets pas aussi philosophiques que d'autres, un mouvement, quelqu'un qui visiblement se débattait et tombait attira son attention. L'oeil blasé, Lynell laissa pendre son casque autour de son cou et tourna la tête en direction de l'origine de ce raffut. Elle leva un sourcil interloqué. Il foutait quoi, lui ? Z'allez pas lui dire que c'était ce pigeon qui l'attaquait. On voyait ça que dans les films, dans des rps, ou bien des mangas. C'était pas la réalité, ça. Ou il les attirait ? Bref. Lynell décida qu'elle perdait son précieux temps à se poser des questions inutiles sur un type qui, au final, ne l'intéressait pas tant que ça. En même temps, rares étaient les gens qui lui étaient dignes d'intérêt.

Comme à l'accoutumée, il avait fini par se poser à ses côtés. A croire qu'il aimait bien ce coin, ce qu'elle lui accordait volontiers. Voilà un point commun qu'elle partageait avec cet inconnu. Et voilà que ce dernier, après un grand silence, lui adressait la parole d'une voix plus grave qu'elle ne l'avait imaginée jusqu'ici, prononçant des mots fort étranges pour une introduction haute en... couleur. Ou décoloration, dans son cas. Vieillesse ? Bref, vous avez compris, la narratrice s'essaie aux métaphores/jeux de mots sur la capillarité discutable de nos deux protagonistes. Bref, revenons-en à la réaction de Lynell. Cette dernière, à l'instant, venait d'esquisser un sourire moqueur. Elle souffla une bouffée de fumée, avant de répondre tranquillement.

-... J'sais pas si t'essaies de draguer, le maigrichon, mais c'est plutôt... original comme façon de faire.

Elle examina son expression d'un oeil inquisiteur. Il n'avait pas l'air d'être habitué à adresser la parole à des inconnus, et lui paraissait relativement maladroit. En fait, il lui faisait penser à un chiot, dont il manquait un oeil. Et Lynell n'aimait pas les chiots dépendants, qui croyaient qu'on les patpaterait à la moindre demande d'affection. Néanmoins, ils étaient facilement manipulables. Et ça, c'était un de ses passe temps favoris. Lynell pesait les pour et les contre, quand il lui adressa de nouveau la parole. Elle resta silencieuse, ne l'écoutant pas. Puis il retira son bonnet, pour le mettre sur la tête de la rebelle bleue, qui avait bugué un instant, plus hallucinée qu'autre chose. Une cendre de sa clope tomba avec légèreté sur le banc. Elle devait avoir l'air ridicule, avec ce pompon au sommet du crâne. Elle l'enleva, passant d'un air surpris à un air impassible, bien qu'elle ressentait un certain embarras, et l'enfonça sur la tête de son propriétaire dont les yeux furent aussi recouverts.

-Euh... Nan, merci, ça va... t'embêtes pas...

Elle jeta sur le sol sablé son mégot de cigarette terminée, et l'écrasa du pied, tout en s'affalant de nouveau sur le banc, bras sur le dos du siège en bois loin d'être aussi confortable qu'un bon canapé moelleux. Curieux, ce gars-là. Lynell regarda le ciel, pensive.

-J'sais pas à quelle fréquence tu viens te poser sur ce banc, maigrichon, mais est-ce que t'as déjà essayé d'admirer les étoiles d'ici ?

Cette question pouvait paraître bizarre, voire complètement hors sujet. Cependant, Lynell avait la sensation que ça ne pouvait pas être aussi étrange que le comportement maladroit de son compagnon de banc, et... qu'il pouvait être une étoile. Premièrement, il avait parlé de râler sur l'humanité, chose que Lynell adorait faire. Puis ce genre de questions, on ne les posait pas souvent comme ça. Sa propre question à elle était également un test. Subtil ou non, c'était à lui d'en juger. La jeune femme rajouta, sortant une nouvelle clope de son paquet flambant neuf.

-Si tu veux mon avis, tu manquerais quelque chose. On a une super vue, de ce banc.

Elle continua d'un air pensif et apaisé.

-M'enfin... Peut-être qu'il manque un peu d'humanité la nuit. Pas simple de se foutre d'eux, quand ils sont même pas là pour faire de la m*rde.

C'toi l'étoile, là. D:

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