[ TERMINÉ ] KILL ME GENTLY ✖ feat Jarodbb

Kill me gently.L'écoeurante mélasse de ses pensées s'échappait peu à peu en quelques volutes de fumées. Elles se tordaient et lui rappellaient son instinct premier. Elle ne pensait plus, elle n'était plus, elle fonctionnait. Le chanvre brûlé l'apaisait, lui donnant l'impression que tout autour d'elle brûlait, se réduisait en cendres. Elle aimait la destruction, elle aimait le noir. Car comme ça elle oubliait que son âme n'était plus, elle oubliait qu'elle avait jadis été humainement humaine. Les liasses vertes traînaient sur une vieille table de salon alors qu'elle nettoyait doucement, presque délicatement son Colt. Une musique venue d'antan semblait planer dans la pièce, donnant à la jeune femme un air utopique, presque irréel. Il faisait noir et ses yeux brillaient d'étincelles malsaines, brillaient sachant ce qui allait se passer ce soir. C'était nuit de chasse; enfin. Elle ne serait pas la proie, elle n'était jamais la proie. C'était elle qui traquait, qui appuyait sur la gachette, qui tranchait, qui humais l'exhalaison du sang frais qui coulait sur le ciment, qui regardait son oeuvre achevée, décapitée, ensanglantée, éclairée par la faible lueur de la lune. Et elle trouvait ça beau, tellement beau. Tout ce sang, toute cette violence, toute cette absence de vie étaient les seuls éléments qui lui apportait autre chose que de l'indifférence. Il n'y avait que lorsqu'elle prenait une vie qu'elle se sentait vivante, qu'elle sentait quelque chose. Quelque chose d'autre que ce vide incessant qui l'habitait depuis maintenant trop d'années pour qu'elle espère un jour retrouver un semblant santé mentale saine.

Et c'était ça, sa vie: se contenter d'exister jusqu'à ce qu'elle puisse décapiter une âme, jusqu'à ce qu'elle puisse sentir la peur exorbitante exploser en une hécatombe d'hémoglobine. Jusqu'à ce qu'elle puisse sentir des os se déblatérer sous ses griffes, jusqu'à ce qu'elle puisse sentir la chair se déchirer dans cette boucherie. Tout autour d'elle était écarlate, plus noir ni blanc. Enfin.

Et ce soir il faisait doux, ce soir c'était la pleine lune, ce soir le monde serait rouge. Une fois qu'elle eût terminé d'astiquer son flingue de prédilection, elle était partie prendre une douche. Pour se délecter de ce moment de tranquillité, d'exquise impatience avant ce ravage dont elle serait l'auteure. L'eau chaude coulait le long de son corps, glissait le long de ses courbes voluptueuses pour finalement disparaître, se mêlant à une mousse écarlate qui flottait sur le parquet froid, si froid qu'il rappelait la peau de Jun. Elle sorti finalement, s'enroula une serviette autour de la taille et sécha sa longue tignasse rouge. Ses longues boucles tombaient en cascade sur ses épaules alors que sa frange cachait l'un de ses yeux qu'elle avait recouvert de lentilles. Pour ne pas qu'on la voit, pour ne pas qu'on puisse lire au fond de ses pupilles qu'elle n'existait plus. Elle teinta ses lèvres d'un rouge vif, de ce rouge qui la suivait partout comme son ombre. Elle se mit une couche de mascara, enfila une longue robe noire, attacha l'étui de son arme autour de sa cuisse gauche pour bien le camoufler puis mit sa paire de stilettos Louboutin rouges. Elle s'approcha du grand miroir de sa petite salle de bain miteuse et se regarda droit dans les yeux. Vide. Il n'y avait que ça. Du vide et de la violence. Du sang. Elle prit finalement son Colt déjà chargé sur le comptoir et l'inséra dans son étui par l'ouverture qu'il y avait sur le côté de sa robe bustier. Elle prit une bouteille de parfum qu'elle fracassa contre son reflet, irritée par ce que la glace lui renvoyait. Le verre se fracassa en une pluie de morceaux scintillants, éclatant ce qui se trouvait sur leur passage. Jun sorti de la pièce en claquant la porte derrière elle, regarda une dernière fois la photo des deux hommes qu'elle devait tuer et se faufila finalement dans la nuit.

Satoshi Arakawa, trente-six ans. Katsuo Ikeda, trente-deux ans. Selon la personne ayant payé Jun pour les tuer, ces deux hommes travailleraient en tandem depuis quelques années déjà. Ils auraient violé et tué des femmes célibataires qui n'avaient presque, voir aucune famille. Les forces de l'ordre n'avaient jamais pu les attraper. Mais l'une de leur victime avait survécu. La cliente de Jun. De son côté, la rousse n'en avait rien à foutre de cette histoire. Elle s'en fichait éperdument. Elle avait trouvée pitoyable cette femme qui était venue la voir en pleurant comme une gamine. Elle trouvait ces deux fumiers très intéressants, astucieux et fascinants. Si elle ne lui avait pas donné tout ce pognon, c'est cette femme que Jun aurai éventrée, pas ces deux tueurs en série. Mais voilà qu'elle marchait vers cette petite maison abandonnée, son Colt à la main, son couteau contre sa cuisse prête à chasser. C'est cette bête qui sommeille en elle qui l'avait poussée à accepter l'offre, à devenir chasseuse de prime pour se déguiser en gentille méchante. On croyait qu'elle tuait pour le bien, mais elle tuait pour son plaisir personnel, pour voir le sang couler, y goûter, s'en délecter. Ce soir, les deux bêtes qui étaient de la même espèce qu'elle devaient se trouver dans cette maison éloignée que le temps avait doucement délabrée. Et ce soir, elle avait pour intention d'égorger ces deux hommes pour peindre les murs de cette vieille maison en rouge et de couper leurs têtes pour en faire de jolies décorations.

Une fois arrivée près de la grande porte de bois, elle n'eût pas de difficulté à l'ouvrir. À sa surprise, la porte ne grinça même pas; elle entra en silence, se faufilant dans l'obscurité presque malsaine de la maisonnée en ruines. Elle avançait doucement, on aurait presque dit qu'elle flottait avec sa longue robe noire. Elle sorti son couteau de l'étui qui était enroulé autour de sa cuisse et le prit de sa main libre alors qu'elle étendait l'autre bras, brandissant son Colt devant elle, prête à tirer si quelqu'un se manifestait. L'endroit était silencieux, trop silencieux. Étaient-ils réellement ici? Sa source était-elle vraiment fiable? Une vague de rage s'empara d'elle pendant un court instant, pensant à la possibilité qu'elle avait perdu son temps en venant ici. Mais en s'avançant encore un peu plus, elle vit une silhouette devant un vieux foyer, de dos. De un. Elle s'avança sur la pointe des pieds, prenant soin de ne pas faire de bruits avec ses talons. Plus elle s'approchait, plus elle pouvait distinguer que la silhouette était bien celle d'un homme. Elle ne pouvait rien distinguer d'autre vu la noirceur dans laquelle ils étaient plongés, mais cela lui était suffisant. Dans un seul mouvement, elle se colla au dos de l'homme, passa son bras autour de son cou, laissant la lame de son couteau effleurer sa peau en le maintenant en place puis plaça son Colt sur sa tempe, prête à tirer. Mais pas tout de suite. Elle voulait savourer le moment, prendre son temps, attendre un peu avant de faire couler le sang. Elle s'en délectait.

▬ Salve bello.¹

Un sourire sinistre étirait maintenant ses lèvres pulpeuse alors qu'elle laissait son souffle effleurer la nuque de l'homme qu'elle tenait maintenant comme proie. L'étincelle malsaine était maintenant revenue au fond de ses pupilles, et, malgré ses lentilles, on arrivait à la discerner sans peine.

¹: Salut mon beau [traduction de l'italien]

Kill me gently.Incompréhension. Le Shinigami? La rousse chercha quelques instants, fouillant dans les recoins de son encéphale pour se souvenir. Shinigami. N'était-ce pas le terme que les japonais utilisaient pour parler d'un Dieu de la mort? Un rire amer s'échappa de sa bouche tordue par l'amusement. Alors ces deux fumiers avaient engagé quelqu'un pour les protéger? Avaient-ils eu vent de Jun? Probablement. Faibles, c'est ce qu'ils étaient. Écœurants, minables et apeurés. Comme tous les autres. L'envie de leur cracher au visage se faisait de plus en plus forte alors qu'elle approchait le couteau de la gorge de ce purin. Elle allait l'abattre, l'égorger, le vider de son sang, le démembrer et le donner en nourriture aux porcs. C'était tout ce que ce minable qui se donnait le titre de tueur sans scrupule méritait. Ne croiserait-elle jamais quelqu'un qui n'avait pas peur? Qui lui lancerait un sourire tordu lorsqu'elle appuierait son flingue sur sa tempe? Alors que la rousse allait se tourner pour trouver le Shinigami dont ces deux pouilleux parlaient, elle fût complètement surprise par un poing qui s'était lourdement enfoncé dans son abdomen, la privant d'oxygène pendant quelques secondes. La force de l'impact la laissa stupéfaite, presque admirative, la forçant à lâcher prise sur sa proie. Elle repris avec peine son souffle, relevant finalement la tête pour regarder qui lui avait infligé ce coup. Et ce qu'elle vit la laissa perplexe l'instant d'un battement de coeur. Un homme grand, très grand, trop grand. Elle planta son regard de feu dans le sien mais n'arrivait pas à percevoir le fond de ses pupilles. Le masque qu'il portait cachait son visage et semblait embaumer ses yeux. Y avait-il seulement quelque chose au fond de ces yeux?

Au moment où elle réalisa qu'il se mettait en place pour lui bondir dessus, il était trop tard; elle n'eût même pas le temps de bouger qu'elle senti un énorme coup lui fendre son flanc. Le coup était cependant moins fort que le précédant, la laissant branlante mais toujours bien droite. Elle n'eût encore une fois pas la chance de riposter qu'elle senti le coude de la bête s'écraser contre sa mâchoire, lui laissant le bas du visage endoloris, insensible, comme son âme. Puis, comme un coup de grâce, le poing de l'homme s'était abattu contre son visage, la faisant cracher quelques gouttelettes de sang, desquelles elle se délecta. Une vague de colère indescriptible s'empara de la rouquine, réalisant qu'elle venait de se prendre une bonne fournée de coups et que les deux fumiers pouvaient lui échapper à tout instant à cause de ce malabar. Elle essuya le bord de ses lèvres du revers de sa main, laissant une longue lignée de sang sur sa joue, léchant ensuite ses doigts, presque en extase que quelqu'un ai réussi à faire couler son propre sang. Elle appuya finalement sur la gâchette de son Colt et une balle fendit l'air, sembla s'enfoncer dans le bras de l'homme masqué pour ensuite aller s'écraser dans le mur derrière eux. Elle n'avait pas eu le temps de bien viser, elle savait qu'il allait se ruer sur elle d'une fraction de seconde à l'autre. Et comme elle l'avait prédit, le soldat s'était lancé vers elle, la prenant au passage pour défoncer le mur de l'enceinte extérieure avec une force surhumaine. Jun en eût une seconde fois le souffle coupé, avant de sentir l'herbe mouillée contre sa cuisse. Alors qu'ils roulaient par terre sur quelques mètres, elle tendit le bras et lui asséna un coup de genoux dans l'estomac en lui arrachant son masque dans un même mouvement. Elle le lança au loin alors que l'homme se reculait, laissant ainsi un espace entre leurs deux corps. Jun planta finalement son regard dans celui qui l'avait prise par surprise, sourire amusé aux lèvres. Il n'y avait rien. C'était noir, c'était laid, c'était froid. C'était sans intérêt, c'était bestial. Elle remarqua finalement le sourire qu'arborait l'homme, un sourire qui était identique au sien. Un sourire d'amusement morbide, le sourire d'une bête sans scrupule. Pour la toute première fois, Jun avait l'impression de se tenir devant un miroir et de voir son reflet dépravé assoiffé de sang et de misère.

▬ Tu veux jouer?

Son coeur rata un battement alors qu'une vague de folie fétide montait en elle. Cette soif de sang qui la consumait explosait, la remplissait d'un espoir putride, pestilentiel. Il n'y avait plus aucune trace d'humanité dans ses yeux, plus rien sauf la bête qui grondait en elle. Dans un mouvement rapide, elle lança le couteau qu'elle tenait dans sa main gauche, le faisant tourner dans tous les sens jusqu'à aller s'enfoncer dans la cuisse du mercenaire. Un sourire méphitique étira la commissure de ses lèvres, dévoilant une expression dantesque qui montrait toutes les atrocités de ce monde.

Les deux bêtes étaient face à face, se dévisageant avec une fascination morbide. L'homme avait finalement dégainé son arme, le regard encore plus tranchant que sa lame. La lumière de la nuit semblait les envelopper, dévoilant toute la cruauté dont l'humain pouvait faire preuve. On aurait dit deux loups sous la lune, prêts à s’entre tuer comme si ce n'était qu'un jeu, comme si c'était amusant. L'un de deux fumiers brisa ce silence presque nécromant, paraissant comme une fausse note qui éclatait un milieu d'une douce mélodie envoûtante. À peine eut-il terminé sa remarque misogyne et dégueulasse que Jun avait levé son pistolet, sans même regarder et lui avait fracassé le crâne d'une balle, le regard toujours dans celui de l'homme maintenant démasqué. Et de un. Elle ne savait pas où se trouvait l'autre, et cela la mettait dans une colère sans pareille. Si ce mercenaire ne s'était pas pointé, elle aurait déjà terminé le boulot et serait déjà en train de vider ces deux types comme on saigne des cochons. Elle abaissa finalement son flingue, ne quittant pas l'homme des yeux. Ne quittant pas son reflet des yeux.

Sa jambe droite s'avança doucement, et s'en suivit de sa jambe gauche. Elle avançait doucement, très doucement, si doucement qu'on aurait presque dit qu'elle ne bougeait pas. Elle flottait, son visage éclairé par la faible lumière que la lune semblait leur offrir. Elle s'approchait niaisement, futilement, mielleusement de cet homme qui la fascinait tant. Elle continua a s'avancer jusqu'à ce que la distance entre leurs deux corps soit réduite à néant, jusqu'à ce que son nez touche le sien. Son regard ne lâchait pas celui de l'homme, comme cherchant une absence de vie, une absence d'âme. Comme pour être certaine qu'il n'était rien, qu'il était aussi abimé qu'elle l'était. Sans faire de bruit, dans un court souffle elle appuya son Colt sur la hanche de la bête et laissa une balle perforer sa peau, laissant une coulée de sang descendre le long de sa cuisse, se faufilant sur celle de Jun également.

Elle se fichait bien de l'autre fumier maintenant. Elle avait trouvé bien mieux.

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Kill me gently.Fascinée, envoûtée, complètement captivée par le spectacle dont elle faisait partie, Jun ne senti même pas les griffes de l'homme se refermer sur sa cuisse. Elle avait l'impression de regarder une scène utopique, d'être témoin d'un rêve onirique dont la fin était imprévisible. L'homme qui se tenait devant elle ne semblait pas affaibli par les blessures qu'elle lui avait finement, méticuleusement infligées. Pour la première fois, elle voyait quelque chose qu'elle ne comprenait pas; qu'elle n'arrivait pas à expliquer. Il avait retiré le couteau de sa chair sans broncher avant de sournoisement lui arrimer à l'arrière de la cuisse, sans même qu'elle ne s'en rende compte. C'est lorsqu'une douleur aiguë lui était parvenue à l'échine qu'elle avait senti un liquide chaud couler le long de sa jambe. Elle avait reculé en titubant légèrement, la blessure l'empêchant de bouger avec son aisance habituelle. Il savait exactement où planter cette lame, savait exactement qu'il réussirait à la blesser de manière assez importante de cette façon. Elle ne broncha pas, tâta rapidement la plaie dans laquelle le couteau était toujours enfoncé. Il était creux, très creux. Elle lâcha un soupir avant de refermer ses griffes sur le manche avant de retirer le couteau rapidement, d'un seul et unique coup. Un grognement presque bestial, putrescent, abîmé fendit le silence dans lequel les deux êtres étaient plongés depuis quelques minutes. Elle senti le sang gicler à deux reprise contre sa jambe et c'est alors qu'un sourire infâme vint retrousser ses lèvres à nouveau. Elle laissa s'échapper un seul éclat de rire, un rire pétrifiant, un rire presque inquiétant. Elle releva la tête en serrant le couteau dans la main et planta a nouveau son regard dans celui de l'homme, qui réduisait à nouveau la distance entre leurs deux corps, laissant son front se fracasser contre celui de la rouquine, qui ne bougea pas d'un millimètre. Elle senti sa main se plaquer contre son cou avec une force redoutable, force de laquelle elle n'était maintenant plus surprise; elle n'essayait même plus de comprendre. Elle ne reculait pas, n'avait pas envie de s'enfuir. Elle rêvait d'une cacophonie teintée d'hémoglobine depuis trop longtemps déjà. Et cet homme l'intriguait morbidement, la fascinait d'une manière malsaine tant elle avait l'impression de se battre avec elle-même. L'absence de chaos rendait la scène surréelle, le calme déconcertant qui régnait malgré le sang qui coulait était dérangeant.

Ils s'amusaient. Une violence malsaine planait dans leurs regards embués de sang, une envie de destruction putride se voyait dans leurs sourires tordus. Satoshi regardait la scène par une fenêtre de la maisonnée, complètement pétrifié par une peur grondante et incommensurable. Il se tapissait dans la noirceur, priant pour qu'aucun de ces deux monstre n'arrivent à le trouver. Il n'avait jamais rien vu de tel; il se considérait comme un être sanguinaire, mais après ce qu'il venait de voir, il ne savait même plus ce qu'il était. Il n'avait jamais vu autant d'irascibilité, d'impétuosité, de sévices dans deux personnes. Jamais. Il avait l'impression de voir deux animaux qui se battaient sans merci, qui se battaient par soif de sang, par soif de cataclysme pur et dur.

Le regard de l'homme avait légèrement changé. Il était quelques secondes plus tôt froid, distant, presque indifférent par moments. Jun distinguait la même colère qui était venue la hanter au fond de ses iris. Elle avait donc réveillée la bête. Sa main s'abattait sur la gorge de la rousse, qui ne bronchait pas. Elle le regardait avec un mélange de colère et d'amusement, chose qu'elle n'avait pas l'habitude de ressentir. Elle était normalement complètement indifférente, vide face à n'importe qui et n'importe quoi. Mais il fallait avouer qu'elle n'était jamais tombée sur un tel spécimen... alors que l'homme maintenant son étreinte sur le cou de la jeune femme, il enfonça d'un mouvement habile sa main dans sa plaie et en retira non sans grimacer de douleur la balle qui l'avait atteint quelques secondes plus tôt. Il l'éleva à la hauteur de leurs deux regards, un sourire plus que malsain pendant aux lèvres. Jun haussa un sourcil, lui rendant son sourire tordu, n'étant pas surprise par ce qu'il venait de faire. Il lui susurra quelques mots avant de la repousser, reprenant son équilibre et posant sa main sur la garde de son arme. Jun tituba légèrement et repris à son tous son équilibre, tenant toujours son flingue d'une main et son couteau de l'autre. Elle savait qu'elle était foutue s'il dégainait son arme. Il n'était presque pas armé et lui avait déjà infligé bon nombre de blessures qui commençait à l'affaiblir tranquillement.

▬ Pas ce soir, cuere mio.¹

C'était cette même fascination morbide qui l'empêchait de s'en aller qui la retenait de se laisser abattre par cet homme. Elle ne pensait pas grandement de sa vie; en fait, elle n'y tenait pratiquement pas. Mourir n'avait jamais été une crainte, pas plus que de vivre. Alors elle devait l'atteindre avant qu'il ne la découpe en morceaux. Elle ne pensait pas être capable de le tuer, et de toute façon, bien qu'elle n'était pas capable de le réaliser, elle ne le voulait pas. Il fallait seulement qu'elle l’affaiblisse suffisamment pour qu'il soit hors d'état de lui nuire. Son regard s’entrechoqua contre le sien, parlant plus que mille mots n'auraient su le faire. Une infâme odeur sinistre semblait planer entre leurs deux corps, semblait les gruger par en dedans. Dans un seul mouvement rapide, Jun bondit sur l'homme, appuyant fortement son Colt sur sa poitrine, visant ingénieusement, ayant préalablement calculé ses moindres gestes. Dans un soupir contre sa peau elle appuya sur la gâchette et une balle déchira la peau de l'homme pour aller s'enfoncer dans son poumon droit. Sans perdre une seule fraction de seconde, Jun brandit son couteau et l'enfonçant dans la plaie qu'elle venait de faire, le tournant, creusant, faisant couler du sang, toujours plus de sang. Un émerveillement écœurant illuminait son visage alors qu'elle sentait une frénésie meurtrière monter en elle. L'homme était maintenant allongé sur le dos alors que la jeune femme était par dessus lui, son regard toujours planté dans le sien, son couteau toujours planté dans sa poitrine. Le nuage de folie dont elle était prise s'évapora d'un seul coup lorsqu'elle entendit des pas qui s'éloignaient en courant. Elle retira sèchement le couteau du torse de l'homme et se tourna sans se relever, voyant une ombre fuir au loin. Elle releva son pistolet, le brandit en visant rapidement et planta une autre balle dans le crâne du deuxième fumier. De deux.

Son regard se retourna finalement vers l'homme qui était sous elle. Cette frénésie perturbante qui l'habitait quelques secondes plutôt semblait s'être apaisée et elle regarda l'homme avec une douceur presque déconcertante au fond des yeux. Une douceur qu'elle même ne discernait pas.

¹ mon coeur

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Kill me gently.Ses yeux dans les siens, elle semblait chercher. Mais chercher quoi? Elle espérait qu'il n'y ait rien à trouver, rien à regarder. Qu'elle ne puisse voir qu'un infini trou noir, qu'une interminable absence d'humanité. L'homme lui rendait son regard avec la même indifférence qu'elle lui jetait malgré elle. Une vague d'ennui semblait la noyer, semblait la tuer à petit feu. Une mer de désinvolture glaciale les rongeait, les empêchait de vivre et les forçait à exister. Errer, musarder, rôder dans les sentiers écœurants que la vie leur proposait. C'était ça, sa vie: avancer sur pilote automatique, se fondre dans la foule pour ne pas être vu, se cacher pour ne pas se faire approcher, se retirer pour ne pas se faire détruire, repousser pour ne pas prendre de risque, être froide pour ne pas sentir cette chaleur humainement humaine réchauffer son âme gelée. Glacée, figée dans le passé. Dans un passé trop flou, répugnant et pathétique. Un passé teinté de noir pour un futur lynché d'une couleur écarlate, la noyant dans une abîme d'hémoglobine et de vies détruites, éventrées, arrachées. Un futur encore plus noir que la nuit sans lune, plus noir qu'un ciel sans étoiles et plus repoussant que toutes ces têtes qu'elle avait coupées. Inhumain. Vide, tellement vide.

Pourquoi se sentait-elle si vide? Comme si son corps n'était qu'une enveloppe dénuée, comme si son âme ne portait rien en elle. Une absence de tout. Un trop plein d'indifférence. Perdue. Avait-elle seulement un cœur? Celle qui pourtant était emplie d'une frénésie infernale quelques secondes plus tôt avait l'impression de mourir. C'était pire que mourir; elle avait l'impression de s'effacer, de disparaître. Comme si la douleur qu'elle infligeait, le sang qu'elle faisait couler étaient les seules choses qui pouvaient la sortir de cette léthargie écœurante, démesurée et infinie. Elle se noyait et ne cherchait même pas son air.

C'est lorsqu'elle senti quelque chose de glacial se poser sur sa main qu'elle sorti de ce trou noir qui l'aspirait. Froid, tellement froid. La peau des gens était normalement chaude, dégageant une sorte d'aura chaleureuse dégueulasse. La rousse baissa lentement la tête, fixant la main de l'homme posée sur la sienne. Sa main était aussi glaciale que la sienne. Aussi putride, aussi destructrice. Une main qui n'avait jamais connu ce qu'était la douceur, qui n'avait jamais rien fait d'autre que de massacrer, ratiboiser tout ce qu'elle touchait. Une main comme la sienne, une main qu'elle n'avait jamais croisée. Elle inclina la tête sur le côté, dubitative face à la demande de l'homme. Elle haussa finalement les épaules avant de tirer sur le couteau sans aucune délicatesse, le retirant ainsi de sa poitrine. Le sang coulait maintenant à flot, tâchant l'herbe et les jambes de Jun sur son passage. Sans trop réfléchir, sans réellement comprendre, la jeune femme déchira une partie de sa robe et souleva le dos de l'homme de quelque centimètres. Elle passa rapidement de lambeau de tissu noir sous lui pour finalement l'enrouler autour de son torse et le nouer, stoppant ainsi l'hémorragie qu'elle venait de lui causer. Elle laissa le dos de l'homme se reposer contre l'herbe, son regard rivé sur le sien, fasciné par ce vide qui planait dans ces yeux. Par ce même vide qu'elle détestait tant, qu'elle voyait chaque fois qu'elle se regardait dans une glace. Ce vide qu'elle n'avait jamais vu chez personne d'autre. Ce vide qu'elle connaissait si bien.

▬ Tellement vide.

Elle avait murmuré ces deux mots en baissant son regard vers la nuque de l'homme, remarquant un tatouage. 44? Elle planta son couteau dans l'herbe et tendit la main, effleurant le nombre des doigts, le contournant, le traçant. Un numéro, un simple numéro parmi tant d'autres. C'est ce qu'ils étaient; des possibilités, des fractions de noirceur parmi tous les autres. Ses longues mèches rouges cachaient une partie de son visage, cachaient une partie de ses yeux, cette partie qu'elle détestait tant parce qu'elle révélait qu'elle était complètement et atrocement dénuée de tout. Parce qu'à travers ses yeux on voyait qu'elle était déjà morte, qu'elle se putréfiait de l'intérieur. On voyait que son coeur était pourri, que son âme était partie, qu'elle s'approchait plus d'un monstre que d'un humain.

Et c'est pendant que ses doigts gelés se promenaient sur le cou de l'homme qu'elle réalisa qu'elle ne faisait qu'exister.

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Kill me gently.La réponse de l'homme à sa remarque l'avait étrangement surprise. Il faisait sombre, si sombre qu'elle ne comprenait pas comment il avait fait pour deviner. Deviner qu'elle se cachait derrière ces deux bouts de plastique écarlates qui la suivaient partout depuis toujours. Qu'elle n'enlevait pratiquement jamais, et surtout pas devant personne. Parce que les enlever voulait dire laisser un être la voir pour ce qu'elle était réellement; un amas de chaos destructeur. Elle écouta le monologue du jeune homme, légèrement amusée. Amusée...? Qu'est-ce que c'était? Elle ne comprenait pas réellement, complètement désemparée face à cette... émotion? La seule seule qu'elle ressentait à part l'indifférence, c'était la soif de tout détruire, de tuer, d'ensanglanter. Et quand elle n'était pas animée par cette rage sempiternelle, elle ne sentait rien. Elle se sentait comme morte, toute pourrie de l'intérieure, blasée et ennuyée. Par ce qu'elle était, par ce qui l'entourait. Alors elle ne comprenait pas ce qui ce passait à ce moment là. Elle ne comprenait pas qu'elle soit en train de ressentir cette étrange sensation de plaisir, plaisir qui pour la première fois n'était pas malsain, annihilateur.

▬ T'es comme un gamin.

Un gamin... savait-elle au moins ce que c'était? Pour elle, être un enfant n'était pas bien différent d'être un adulte. Elle n'avait pas eu droit à une enfance normale, ne savait même pas ce que c'était. Pour elle, un enfant normal à envie de fracasser tout ce qui bouge, se débrouille tout seul, se fait manipuler, se retire, se referme, se tait et endure. Endure un peu, beaucoup, toujours, jusqu'à ce qu'il explose. Mais il n'explose pas. Ça n'explose pas, les enfants.

▬ Enfin, pas que je saurais...

Son regard valsa dans le vide pendant quelques secondes, comme perdu dans un passé beaucoup trop loin, enterré six pieds sous terre. Un passé qu'elle avait tué, démembré et réduit en purée. Elle planta finalement à nouveau son regard dans celui de l'homme, réfléchissant à ce qu'il venait de lui dire. Elle savait très bien qu'elle n'avait pas réellement gagné. Et en réalité, cela lui importait peu, pour la première fois. Elle avait pu tuer les deux autres fumiers et avait fait couler assez de sang pour se satisfaire un minimum. Et dès le départ, elle savait très bien qu'elle ne pourrait pas tuer ce mercenaire. Il était plus fort qu'elle, et bien que d'avouer cette affirmation la mettait dans une assourdissante colère, elle laissait son orgueil démesuré sur le tapis. Pour cette fois-ci.

▬ Très bien.

D'un même mouvement, elle déposa son Colt par terre, juste à côté de l'homme qui était toujours sous elle et leva les yeux au ciel. Ce qu'elle ne faisait jamais; mais pour une raison inconnue, elle savait qu'il n'essaierait pas de l'achever là, maintenant. Ce qui était plutôt absurde vu qu'ils s’entre tuaient quelques minutes plus tôt. Elle remonta sa main jusqu'à son propre visage, étira le bas de son oeil et porta deux doigts à sa lentille, qu'elle retira lentement. Elle en fit de même avec l'autre avant de les balancer dans l'herbe où elles se perdirent rapidement, maintenant introuvables. Elle ferma doucement les yeux avant de baisser à nouveau sa tête vers celle de l'homme et les ouvrit à nouveau, plantant son regard jaune dans le sien. On aurait dit les yeux d'une bête, d'une vipère relâchée qui était à la recherche de proies. Elle plaqua ses deux mains de chaque côtés de la tête de l'homme en penchant sa tête au dessus de la sienne, son regard planté dans le sien. Jamais personne n'avait vu ses yeux. Jamais.

▬ Comme ça on est quittes?

Ses boucles rouges retombaient de chaque côtés de son visage, flottant dans l'air au gré du vent qui soufflait doucement sur eux. Pour la première fois, elle partageait une proximité avec un être. Et pour la première fois, cette proximité ne la dérangeait pas tant que ça.

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Kill me gently.Un sourire narquois, presque tordu avait retroussé les lèvres de l'homme qui se tenait sous Jun. Ce sourire qu'elle connaissait très bien, ce sourire qui voulait dire que ce n'était pas terminé. Ce n'était jamais terminé. Elle senti la jambe du mercenaire crocheter la sienne avec une agilité étonnante pour la renverser rapidement sur le côté, échangeant ainsi leur position. Elle ne dominait à présent plus, se retrouvant par terre, sous l'homme. Il enroula ses mains autour des poignets de la rousse et les plaqua au sol avec une force qui fit sourire narquoisement Jun. Cette force qui dégageait une violence hors de contrôle, cette violence qui la faisait frémir et qui allumait les étincelles mortes au fond de ses yeux. Leurs souffles s'emmêlaient, s'entrechoquaient et se percutaient dans ce silence. Silence qui n'était étrangement pas lourd. Leurs regards toujours rivés l'un sur l'autres ils se regardaient, semblaient s'analyser, se mesurer. Et sans un seul souffle, l'homme qui était au dessus d'elle lui lança un sourire carnassier auquel elle répondit avant d'enfouir sa tête dans le cou de Jun, qui n'eût pas le temps de réagir. Et quand bien même elle aurait eu le temps, elle n'aurait pas voulu réagir, curieuse de ce qu'il allait faire.

Et c'est à ce moment qu'elle senti comme une onde de choc lui traverser le corps, si soudainement qu'elle lui fit écarter les yeux sous la douleur brutale qu'on venait de lui infliger. Elle senti les dents de Jarod s'enfoncer dans sa peau, dans son muscle. Elle sentait sa langue contre sa peau, le sang couler le long de son cou, doucement, froidement. Un gémissement fendit l'air tandis que Jun n'entendait plus rien, complètement ivre. Ivre de folie, ivre de plaisir, ivre d'exaltation. Alors que l'homme lâchait son emprise, sa voix grave et presque suave sorti Jun de sa transe. Quittes? Alors que son souffle caressait doucement la morsure sur son cou, Jun lui murmura quelques mots à l'oreille.

▬ On peut jouer longtemps à ce jeu là.

Un sourire carnaire retroussa la commissure de ses lèvres alors qu'elle portait ses doigts à la blessure que venait de lui infliger Jarod. Elle senti sa chair déchirée sous son index alors que ses doigts se teintaient de son propre sang. Elle planta son regard dans celui de l'homme en approchant doucement sa main de son visage, déposant délicatement ses doigts sur sa joue et les laissaient glisser doucement le long de son visage jusqu'à son cou, laissant derrière eux une longue traînée de sang.

▬ Très longtemps.

Ce fût à son tour de crocheter la jambe du mercenaire et de le renverser avec force et précision sur le dos, se retrouvant à nouveau au dessus de lui. L'odeur de l'herbe mouillée mélangée à celle du sang frais la plongeait dans un état second, là une excitation immorale régnait. Jun approcha lentement son visage de celui de l'homme, collant son front au sien, laissant son souffle caresser son visage. Ses mains se promenaient le long de son corps avec une force étrangement délicate. Elle laissa ses lèvres effleurer la peau de Jarod, descendant lentement le long de son visage, de son cou, puis de son torse, jusqu'à arriver à sa hanche blessée. Elle caressa avidement la plaie causée par la balle qu'elle lui avait infligée plus tôt avant de laisser sa bouche se poser sur sa plaie doucement, presque au ralenti. Dans un sourire surnois elle laissa sa langue se promener dessus, autour, pour finalement la laisser entrer dans la plaie, la tiraillant, l'écartelant, la déchirant presque. Elle relevait finalement la tête, la bouche teintée de sang puis remontant lentement vers la tête de Jarod, laissant ses lèvres traîner sur sa peau glacée.

▬ Toujours pas quittes?

Son visage était vis-à-vis celui de l'homme et seulement quelques millimètres semblaient les séparer. Ses yeux étaient plantés dans le regard avide de Jarod, presque tremblants d'une excitation qu'elle ne pouvait pas dissimuler. Qu'elle ne pouvait plus dissimuler.

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Kill me gently.L'homme qui la fascinait toujours un peu plus la fit à nouveau basculer, se retrouvant pour la deuxième fois au dessus d'elle. Il n'avait pas eu de mal à la retourner; elle le laissait faire. Elle le laissait s'approcher, toucher sa peau, regarder le fond de ses yeux. Elle le laissait voir son âme toute pourrie, ce vide qui la consumait. Elle avait laissé tombé cette barrière qu'elle gardait toujours bien érigée. Sans même le savoir. Sans même le vouloir. Elle avait l'impression de marcher sur un terrain de mines et cela l'enfiévrait encore plus. Toujours plus, jusqu'à ce qu'elle n'arrive même plus à comprendre ce qu'elle faisait. Elle ne comprenait pas et ne cherchait pas à comprendre; elle ne contrôlait plus rien. Elle ressentait ce plaisir malsain, ce plaisir de violence qu'elle ressentait lorsqu'elle faisait couler du sang. Mais celui-là était légèrement différent. Ce n'était pas le même et celui là, elle y était inconnue.

L'homme devant elle avait déboutonné le bas de sa chemise, montrant presque fièrement à la rousse sa blessure. Blessure qui semblait se refermer, se guérir toute seule. Elle disparaissait, s'effaçait sous le regard incompréhensif de Jun. Qu'était-il donc? L'atrocité de ce spectacle fascinait la jeune femme, la fascinait d'une manière presque inquiétante.

Ce sont les paroles de Jarod qui avaient ramené Jun à la réalité. Un sourire carnassier déforma son visage alors que le souffle chaud de Jarod caressait son cou. Non, ils ne seraient jamais quittes. Ils étaient comme deux bêtes, deux bêtes sans conscience et sans craintes. Deux bêtes avec un orgueil de fer, un égo abyssal. Mais peut-être était-ce mieux ainsi. Ils ne seraient jamais quittes mais continueraient de se faire souffrir parce que c'était la seule chose qui les tenaient en vie. Il étaient animés par la même flamme dévastatrice et voyaient pour la première fois qu'ils la partageaient.

▬ Neanche per sogno¹...

Elle avait susurré ces mots alors que Jarod taquinait son oreille de sa langue. Et elle savais exactement à ce qu'il pensait à cet instant précis. Pas parce qu'elle était devin; parce qu'elle pensait à la même chose. C'était probablement leur cœurs écœurants qui les faisaient penser de la même manière, qui les poussaient au chaos de la même façon. Elle ne savait même plus quand elle était devenu cette bête avide de sang; elle l'avait peut-être toujours été. On ne l'avait peut-être pas transformée. Ça avait peut-être dégénéré. Elle ne savait plus. La vague de chaos exécrable qui avait foudroyé sa vie l'avait noyée, l'avait fait couler tellement profond qu'il n'était plus possible de remonter. Plus possible de sortir la tête de cette eau noire teintée de rouge.

▬ Après tout... je crois qu'on veux être tout sauf quittes.

Son regard devenu animal remontait le long du visage de l'homme jusqu'à se planter dans le sien. Elle décolla son corps du sien l'instant de le bousculer sur le côté pour reprendre le dessus pour ensuite le recoller au sien, ne laissant aucune parcelle de peau éloignée de sa chair. Son sang se mélangeait au sien alors qu'elle approchait doucement la tête de la sienne jusqu'à réduire complètement l'espace entre leurs bouches. Elle n'y connaissait rien, ne savait pas ce qu'elle faisait, c'était son corps qui bougeait tout seul, sa peau qui cherchait la sienne et son regard qui se réfléchissait au sien. Elle laissa sa langue passer entre ses lèvres pour aller s'entrechoquer contre celle de Jarod dans un baiser passionné, presque violent. L'une de ses mains se promenaient dans les cheveux de l'homme alors que l'autre le tenait plaqué au sol avec une force étonnante. Un goût métallique envahissait sa bouche, la plongeant dans un état encore plus fiévreux, presque véhément. Elle qui n'était capable que de casser des os arrivait maintenant à laisser ses doigts se promener sur la peau de quelqu'un. Sans qu'elle n'ait à se contrôler, sans qu'elle n'ait à réfléchir.

À bout de souffle Jun recula finalement son visage, mettant fin au baiser déchaîné. Elle défît le noeud qui attachait le lambeau de tissu qu'elle avait fait plus tôt, découvrant ainsi la plaie de Jarod. Elle déboutonna le reste de sa chemise hâtivement, la déchirant à quelques endroits. Une fois enlevée, elle observa avec fascination la plaie de Jarod, plaie qui l'avait considérablement affaibli. Le sang coulait toujours, déjà beaucoup moins mais encore. Elle regarda pendant quelques seconde le mercenaire dans les yeux, une envie presque bestiale au fond des pupilles. Elle se pencha à nouveau sur le torse de Jarod, s'approchant dangereusement de sa plaie toujours suintante. Elle huma l'odeur du sang, s'en délectait pendant quelques instant alors que l'idée de lui déchirer sa plaie lui traversa l'esprit furtivement avant qu'elle ne chasse rapidement l'idée. Un sourire satisfait lui déforma le visage alors qu'elle se penchait, léchant le sang qui coulait le long du torse de Jarod pendant que ses mains dansaient le long de son corps musclé, scrutant chaque petite parcelle de peau glaciale.

Elle ne pouvait plus arrêter, elle ne contrôlait plus rien. Cette envie nouvelle l'avait complètement submergée. Sa respiration se faisait haletante alors qu'elle remontait doucement le long de son corps avant de reposer ses lèvres sur celles de Jarod, donnant lieu à un baiser carnassier mêlant salive et sang.

¹ Jamais de toute notre vie

Kill me gently.Dans une panique non dissimulée l'homme qui était sous l'emprise de Jun s'était reculé, se redressant légèrement sur ses coudes, laissant maintenant un espace entre leurs épidermes. Essayant d'y mettre une barrière, de s'éloigner, de se cacher. Se cacher loin, se retirer, un peu comme une bête blessée et apeurée. Jun se redressa à son tour, laissant toutefois son regard vide planté dans celui de l'homme. Regard qui ne voulait rien dire, regard qui n'avait ni froid ni chaud. Et c'est à l'entente de la voix mal assurée du mercenaire au sang de glace qu'elle pouffa de rire. Un rire vide, un rire sans joie, sans rancune, sans peine ni sournoiserie. Un rire absent qui ne voulait rien dire. Elle se laissa finalement retomber sur la gauche, se retrouvant allongée aux côtés de l'homme. Il avait maintenant cette expression, celle d'une souris avant qu'elle ne se fasse dévorer par un chat. Cette expression qu'elle détestait tant, cette expression qui la plongeait dans une rage exponentielle. Mais pas ce soir. Elle rigolait sans savoir pourquoi. Qu'est-ce qu'elle faisait dans sa bouche? Elle même ne le savait pas. Ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Elle avait bougé sans pouvoir contrôler ses mouvements, sans pouvoir arriver à les comprendre. Elle s'arrêta subitement de rire et leva les yeux aux ciel, fixant les étoiles qui avaient toutes l'air mortes.

▬ J'sais pas.

Et c'était tout. Elle ne savait pas et ne cherchait même pas à savoir. Elle avait eu l'impression de ressentir quelque chose en faisant tout ça, quelque chose de malsain mais pas totalement. Quelque chose qu'elle n'avait pas l'habitude de ressentir, quelque chose qui lui était inconnu. Quelque chose qui lui faisait peur. Mais elle n'arrêterait pas parce qu'elle préférait avoir peur que de sentir de foutu vide lui gruger les entrailles.

▬ Toi tu faisais quoi dans la mienne ?

Peut-être que c'était parce qu'il était comme elle. Peut-être que c'était parce qu'elle avait vu que dans ses yeux il n'y avait absolument rien. Seulement ce même vide qui l'habitait. Elle ne savait pas. Elle lâcha un soupir et observa la fumée s'envoler au dessus d'elle, lui rappelant qu'il faisait assez froid. Froid mais pas assez pour la refroidir. Elle était bien plus glaciale que n'importe qu'elle température, même sous le zéro. Elle retourna finalement la tête, ses longues mèches rouges lui recouvrant une partie du visage. Elle ne le comprenait pas. Ne se comprenait pas. Elle qui avait si peur de la proximité, celle-ci ne la dérangeait pourtant pas. Elle se redressa, fit valser ses cheveux derrières ses épaules et se pencha à nouveau vers l'homme qui se tenait vis-à-vis elle.

▬ C'est marrant, j'ai l'impression d'avoir peur.

Elle aussi. Mais son corps bougeait tout seul, son corps n'écoutait pas ce que sa tête lui criait. Son corps ne voyait pas qu'elle bouillonnait pourtant de colère, de cette colère qui la poussait à tuer tout ce qui bougeait, tout ce qui était pathétique. Elle s'approcha encore une fois lentement, rampant vers le mercenaire. Quand bien même il pétait un plomb, elle s'en fichait éperdument. Il pourrait la tuer qu'elle ne broncherait pas. Ou presque.

▬ Et je comprend pas, parce que normalement, je t'aurais déjà saigné...

Elle s'approcha encore et encore, jusqu'à ce que sa main tombe sur celle de l'homme, jusqu'à ce que leurs jambes se soient entremêlées.

▬ Mais...

Elle s'approcha encore, réduisant cette fois la distance entre leurs deux corps. Une fois de plus. Elle laissa sa tête se frayer un chemin dans le cou de l'homme alors que sa langue vint harceler le lobe d'oreille de l'homme qui était sous son emprise. Elle attrapa sa crinière de l'autre main, serrant son étreinte et faisant basculer légèrement sa tête vers l'arrière avec force, laissant son souffle chaud caresser la peau du mercenaire.

▬ Je m'en fiche.

Elle lui avait susurré ces derniers mots à l'oreille, un sourire narquois déformant à nouveau ses lèvres pulpeuses. Elle se recula à nouveau, mais pas trop, laissant son nez toucher le nez de Jarod. Elle planta son regard noir dans le sien, et leurs deux vides semblaient valser ensemble sur une musique macabre.

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Kill me gently.La scène qui se déroulait devant elle semblait irréelle. Elle avait l'impression d'avoir une bête devant elle, un monstre putride qui ne vivait que pour tuer. Un monstre duquel elle aurait voulu avoir peur. Mais rien. Encore, toujours ce sentiment de rien du tout. Elle n'avait pas peur, n'était plus intriguée, intéressée. Plus rien de l'animait. Ce vide était revenu. La soif de l'inconnu avait disparue.

Ennuyée.

Pointe de colère. Elle bouillonnait mais était pourtant si las. Las de ce scénario qui se répétait. Ce n'était pas nouveau. Pas comme tout à l'heure. Elle savait comment leur bagarre se déroulerait, savait exactement quels mouvements il allait faire. Où il allait planter son couteau en elle. Ennuyant. Pourquoi n'avait-elle pas peur? Le spectacle qu'elle avait devant elle était pourtant terrifiant, et ça, elle en était certaine. Mais rien. Que du noir. Que cet ennui qui la remplissait, cet ennui qui la mettait dans une colère fétide. Elle avait mal mais pas assez. Les coups qu'elle avait encaissés étaient d'une force inhumaine. Mais ça ne faisait pas assez mal. Engourdie. Elle ne sentait rien. Elle regardait l'homme dans les yeux mais n'y voyait plus rien. Il était transformé. Il s'était transformé parce qu'il avait eu peur. Peur d'un baiser. Et ça avait ennuyé Jun. Il avait fuit. Et elle fuirait aussi, incapable d'affronter ce désœuvrement, ce spleen mélancolique qui l'effrayait tant.

▬ Ciao.

Elle tourna finalement dos à Jarod, blasée. Elle marcha, non sans difficulté vu toutes ses blessures vers les deux cadavres un peu plus loin. Elle ne s'était certainement pas donné toute cette misère pour rien. Elle vit un vieux traîneau tout pourri qui traînait sur le côté détruit de la petite maison. Elle l'approcha et y transporta les deux corps inanimés. Elle se tourna une dernière fois vers l'homme qui était maintenant un peu plus loin derrière elle et le regarda une dernière fois. C'était étrange, tellement étrange. Elle avait l'impression d'avoir trouvé quelqu'un comme elle. Elle ne comprenait pas et ne voulait, au final, pas comprendre.

▬ Et vas te faire foutre.

Elle avait prononcé ces derniers mots sans réelle méchanceté. Comme ça, pour rien. Parce qu'elle était en colère qu'il ai fini par l'ennuyer. En colère d'avoir eu à confronter un autre vide aussi grand que le sien, lui rappelant à quel point son âme était écoeurante. Elle prit finalement la corde du petit traîneau et commença à tirer, s'éloignant toujours un peu plus de Jarod. Elle ne prit même pas la peine de ramasser son précieux Colt, l'ayant complètement oublié. Et lentement, elle disparu dans cette nuit sanglante.

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