Coron était toujours impressionnée par l'agitation qu'il pouvait y avoir dans une ville, même de nuit. Elle se demandait souvent quand ces personnes pouvaient bien récupérer de l'énergie. Elle se demandait aussi s'il existait un moment de la journée où il n'y avait pas âme qui vive dans les rues. Elle se disait que ce serait un sentiment fort étrange, que de marcher seul dans une grande rue normalement peuplée nuit et jour, une rue pleine de sons, d'odeurs, de couleurs. Une rue soudainement dénuée de vie. Elle ne sait pas vraiment si elle aimerait ça, mais elle voudrait le vivre au moins une fois. Mais pas ce soir, en tout cas. Mais ce n'était pas si grave. Ce soir, ou cette nuit plutôt, puisqu'il était déjà vingt-deux heures, elle avait un objectif précis, elle pourrait donc se passer de cette expérience curieuse. Partie plus tôt que d'habitude de son travail à mi-temps, elle souhaitait se rendre à la librairie, ayant vérifié au préalable qu'elle ne serait pas déjà fermée (Coron était d'ailleurs surprise de constater qu'elle fermait aussi tard). Si cela avait été pour des achats purement de loisirs, elle ne se serait pas pressée, mais il s'agissait là d'emplettes de la plus haute importance.
Ne s'étant pas changée, Coron pénétra dans la librairie dans son uniforme (elle se demandait si les gens trouvaient étrange qu'une fille de son âge soit encore à l'école ; elle se demandait si certains la jugeaient alors, se disant qu'elle avait redoublé, ou pensant à une lubie ; elle s'interrogeait souvent), saluant d'un signe de la tête et d'un sourire le gérant. Elle s'engouffra rapidement entre les étagères, sachant pertinemment qu'elle mettrait du temps à trouver ce qu'elle cherchait. Coron ne savait pas lire le japonais ; ainsi, pour trouver ces livres d'apprentissage du japonais, elle ne pourrait se fier qu'aux couvertures. Durant ses recherches, elle se demanda si finalement, elle n'aurait pas dû plutôt les commander sur internet. Arriverait-elle même à comprendre les ouvrages d'apprentissage d'ici ? ... Elle fronça les sourcils à cette pensée, mais continua malgré tout ; maintenant qu'elle était là, autant chercher jusqu'au bout. Dans le pire des cas, elle irait s'acheter un roman en anglais - elle était quasiment sûre d'avoir aperçu une section langue étrangère.
Il lui sembla entendre la clochette de la porte d'entrée retentir, et elle se fit la remarque qu'il était rare d'avoir des clients à cette heure, et que ce client était donc inhabituel - preuve étant, jusqu'à présent, Coron n'avait aperçu personne d'autre dans la boutique.
La nuit s'éveillait. Toujours. Inlassablement. Et il était de mise de voir des âmes peu recommandable en faire de même alors. Peut-être était-ce juste une légende ou bien un stéréotype que de voir les méchants vivre de nuit, mais pourtant, certain ne semblaient guère avoir le choix, le luxe de décider si oui ou non, la nuit était leur seul maître. Et la bête en faisait partie, de ceux qui n'avaient plus le droit réellement de faire un choix.
Ses pieds traînaient, frappant le sol régulièrement alors que le son des talons résonnaient en rythme dans cette ruelle désertique. Personne ne vivait entre ces murs, sur ces pavés ou peu d'entre eux quand l'astre lunaire annonçait alors sa venue. La peur et le froid des lieux sombres et oubliés s'insinuaient dans tout votre être, glaçant le sang des moins courageux et au milieu de cette terreur nocturne, ses talons fracassaient toujours le bitume. Les orbes écarlates vagabondaient sur le paysage, cherchant le chemin le plus rapide à prendre pour arriver à sa destination finale. Il y avait peu d'instants où l'étoile de sang pouvait se permettre d'aller en ville, pourtant les livres manquaient à sa bibliothèque. Des livres qui, sur ordinateur, n'avaient clairement pas la même allure, la même odeur. Les pages qui se tournaient entre ses doigts avaient, étonnamment, quelque chose d'apaisant au fond. Étrange pour une meurtrière sans scrupule ? Peut-être bien, mais la chevelure de jais restait un humain après tout.
Alors bientôt les lampadaires commençaient à éclairer son chemin, obligeant la femme recherchée à porter sa capuche sur le haut de sa tête, cachant une partie de son visage, de ses traits, mais surtout ses orbes si singulières. Il était impossible de passer à côté de la couleur de ses yeux, ne pouvant trouver -jusqu'à preuve du contraire- qu'elle avec cette caractéristique physique. Tranquillement cachée à la vue des autres, la bête avait continuée son chemin, arrivant finalement à destination sans trop d'encombre, sans avoir à cacher un cadavre de flic dans un coin.
Et sa main avait poussée la porte d'entrée de la librairie qui fermait tard, heureusement.
Un instant son regard avait furtivement vagabondé sur les deux entités tangibles en ces lieux, reconnaissant naturellement le gérant et... Ce visage lui disait quelque chose sans aucun doute. Merde. Tournant les talons pour s'engouffrer dans une allée, un « fait chier » passait ses lippes faiblement, se voyant maintenant ennuyée à l'idée d'être emmerdée maintenant. Prenant un livre au hasard pour ne pas paraître aucunement suspecte plus que nécessaire, la hackeuse commençait à réfléchir.
Où avait-elle déjà vu ce visage ? Dans la rue ? Durant l'une de ses tournées nocturnes ? Tant de possibilités qui se faisaient alors voir. Probablement s'étaient-elles déjà croisées ici également, possible. Pourtant, une seconde plus tard, son nom revenait : Coron Rothschild. Effectivement, les deux jeunes femmes s'étaient déjà croisées plusieurs fois en ces lieux. Un soupir se faisait entendre, une main se glissant dans sa crinière de jais. En soi, il fut toujours plus agréable d'avoir affaire à une civil qu'un flic. Il ne restait plus qu'à la Crépusculaire à l'éviter et tout irait très bien ainsi.
Contournant l'allée alors, se retrouvant dans celle des romans en langues étrangères, la bête fouillaient les livres en anglais. Sa langue natale.
Du coin de l’œil, Coron put apercevoir la personne qui était entrée - une femme, si elle n'avait pas rêvé ces formes distinctives. Le doute restait permis. Il lui sembla aussi que cette silhouette ne lui était pas entièrement inconnue, mais Coron n'y accorda que peu d'importance sur le moment. Elle pourrait s'en soucier plus tard. Pour le moment... Oui, ces livres sur le japonais. Les trouver ne devrait plus lui prendre très longtemps, puisqu'elle semblait enfin se trouver dans la section des livres à but éducatif. Histoire, géographie... Coron s'arrêta sur un ouvrage dont la couverture n'était guère explicite, et l'ouvrit. Ah... Mathématiques. Oui, avec autant de nombres, ce ne pouvait être que cela. Elle reposa le livre en soupirant. Biologie, anglais... Japonais ? Oui, japonais, après l'avoir ouvert et aperçut des pages qui semblaient expliquer pas à pas l'écriture des caractères, elle confirma que ce livre était bien supposé apprendre le japonais. Et, bien évidemment, elle confirma sa pensée de plus tôt : elle était incapable même de comprendre ces explications. C'était pourtant évident - comment comprendre un ouvrage qui apprend le japonais, écrit en japonais, quand on ne le parlait pas ? Coron se gifla intérieurement pour cette action bien naïve. Il ne restait plus qu'à aller s'acheter un roman.
Alors, elle sortit de cette section, se dirigeant tranquillement vers celle des langues étrangères - et c'est là qu'elle put voir très clairement l'autre cliente. Elle l'observa silencieusement, sans s'en cacher, perplexe. Elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur un nom. Peut-être l'avait-elle juste aperçue dans la rue, après tout. Ou quelqu'un avec des vêtements similaires (Coron nota d'ailleurs que la personne gardait sa capuche en intérieur, et trouva cela quelque peu singulier, mais il lui semblait bien que de plus en plus de gens faisaient cela). Mais cela l'ennuyait quand même. Elle pensait avoir une bonne mémoire. Alors, elle s'approcha, esquissant ce sourire qui lui était caractéristique.
« Bonsoir. »
Elle était à présent au niveau de la femme, et avait lâché ce qui s'apparentait plus à un murmure qu'à une salutation. Mais c'était normal, pour Coron.
« Vous cherchez un ouvrage en particulier ? Je peux peut-être vous aider. »
En vérité, si les deux n'avaient pas des goûts similaires, Coron craignait d'être inapte à la conseiller, mais elle pouvait toujours essayer. Elle pencha la tête légèrement sur le côté, attendant sagement, fixant le profil de l'inconnue. Et elle remarqua que cette capuche lui cachait très bien le visage. Son sourire s'élargit sensiblement, et elle réfléchit longuement.
Le silence régnait, annonçant étrangement que cela ne durerait probablement que peu de temps. Parce qu'il était de coutume dans son monde que les choses dégénèrent pour x ou y raison, dans des degrés plus ou moins important. Un être recherché ne pouvait, après tout et en toute logique, n'avoir aucun instant de répit. C'était bien connu en soi et tout à fait naturel, n'est-ce pas ? Un bref soupir se faisait entendre de sa part, commençant à prendre des livres au hasard, cherchant vaguement quelque chose qui pourrait occuper son temps, la faire voyager également, qui sait. L'entité en construction dans un monde déchaîné, parcourait toujours les ouvrages quand la voix cristalline, dans un murmure, venait à attirer son attention. Lentement, brièvement, ses orbes vives se tournaient dans sa direction, étouffant un son de mécontentement au fond de sa gorge.
Et voilà, comme prévu.
« Bonsoir. »
Il fut bien rare pour la bête de se montrer avenante ou poli, pourtant sans vouloir attirer l'attention plus que nécessaire, il était de mise de le faire un minimum. En bonne comédienne, ce ne serait guère difficile de jouer le jeu un instant, sans pour autant simuler trop hardement un comportement à l'opposé de sa personnalité macabre et ténébreuse.
« Je cherche simplement une œuvre capable de m'occuper un long moment. Quelque chose de prenant. »
Son anglais se faisait parfait naturellement, répondant calmement avec une touche presque amicale à bien y regarder. Alors finalement ses orbes glissaient lentement sur le manuel que tenait sa vis-à-vis, comprenant rapidement que cette dernière ne parlait guère ou pas du tout le Japonais, justifiant son dialecte anglais, tendant donc à apprendre pour s'intégrer à cette société. Les humains avaient parfois des réactions bien inutiles, songeait-elle un instant.
« Vous cherchez à apprendre le Japonais à ce que je vois, je vous conseille plutôt d'acheter un livre en anglais qui apprend le Japonais... Ce serait plus simple ! »
Logique.
Sa main se saisissait d'un ouvrage à sa portée, se baissant légèrement pour le faire cependant, le tendant par la suite sans la fixer, à sa vis-à-vis.
Coron était ennuyée ; la demoiselle la regardait à présent, et pourtant, Coron ne parvenait toujours guère à bien distinguer son visage. Si encore elle avait été un peu plus petite, se dit-elle, elle aurait été suffisamment basse pour que son angle de vue lui permette de voir au-delà de la capuche. La différence de taille ne pouvait malheureusement que forcer Coron à lever légèrement la tête pour regarder son interlocutrice. Comme c'était fâcheux. Il lui semblait pourtant que cette voix ne lui était pas inconnue, et cela était bien ennuyeux. Ennuyeux, mais un beau mystère tout de même.
Coron était en train de se faire mentalement une liste des livres les plus longs (et tout de même intéressants) qu'elle avait lus, devant tout de même conseiller la femme comme elle l'avait dit. Même si son premier but n'était guère cela, elle ne pouvait pas simplement l'inspecter, n'est-ce pas ? Cependant, le sujet de la conversation dériva sur Coron, et cette dernière fixa quelques secondes le manuel avant de le saisir doucement de sa main libre, inspectant la couverture. Il y en avait donc ici...? Coron passa quelques instants silencieux à sourire, feuilletant rapidement l'ouvrage ; il s'agissait bien d'explications qu'elle pouvait comprendre, cela changeait. Elle releva ensuite la tête vers la femme.
« Ce manuel me paraît effectivement beaucoup plus utile que le précédent. Je vous remercie. »
Cela lui évitera d'en commander un, au moins. Elle n'aimait que peu cela, préférant pouvoir toucher les choses. Le problème du manuel réglé, le silence s'installa, Coron cherchant encore quel livre suggérer. Elle ne lisait pas énormément de longs livres, tendant à s'y perdre plus facilement, à oublier les noms des personnages au bout d'un moment. Dans ce cas, elle pourrait en recommander plusieurs courts, mais cela allait vite devenir compliqué. Il lui aurait fallu un bout de papier, pour noter les titres. Au bout d'un petit moment passé complètement immobile, le visage de Coron s'éclaira sensiblement, et elle tourna son regard vers les étagères.
« Si vous appréciez les romans policiers, peut-être pourriez-vous lire les romans d'Agatha Christie ? Vous la connaissez, je présume ? Ils sont assez courts, mais comme elle en a écrit un certain nombre, cela pourrait vous aider à passer le temps. »
Elle cherchait le nom d'Agatha Christie sur les étagères, plissant les yeux. Le besoin de se rapprocher pour mieux lire lui fit se demander si sa vue ne baissait pas ; elle se plia quand même à ce besoin et put ainsi repérer The Mystery of the Blue Train, qu'elle attrapa après avoir coincé le manuel contre sa hanche avec le premier. Elle le montra ensuite à son interlocutrice, Coron le levant à hauteur de de son propre visage, dissimulant sa bouche.
« Qu'en pensez-vous ? Le criminel demeure insaisissable jusqu'à la fin. N'est-ce pas intéressant ? »
Son sourire, dissimulé, s'élargit. Juste une pensée.
Spoiler:
JE SUIS DÉSOLÉE J'AI PRIS UNE ÉTERNITÉ A RÉPONDRE AAAAAAAAH
Invité
Sujet: Re: Achats nocturnes | PV. Mesysse. Mar 10 Mai - 14:15
Librairie nocturne.
Coron & Mesysse
La jeune femme semblait heureuse de la trouvaille de la bête qui, sans nul doute, allait beaucoup l'aider par la suite à comprendre un peu mieux ce pays, mais surtout cette langue. Si la crinière de jais l'avait apprise sur le tas dans un laboratoire, n'ayant guère le choix pour trouver le moyen de s'échapper de là, il restait plus simple d'apprendre petit à petit à son rythme. Comme chaque chose, comme chaque domaine, il était toujours mieux de pouvoir prendre le temps, même si apprendre sur le tas n'était pas forcément une si mauvaise chose pour certaines personnes. Tout dépendait de la capacité d’absorption d'informations de chaque individus dirons-nous. Néanmoins, pour une personne n'ayant pas le besoin vital d'apprendre une langue pour survivre, un apprentissage à son rythme restait la meilleure option. Logique encore une fois, n'est-ce pas ?
Mais alors le silence s'installait, parce que rien ne prédestinait c'est deux jeunes femmes à avoir un lien tangible, à avoir une discussion tangible si le monstre de sang ne voulait plus jouer la comédie. Il n'y aurait plus que la peur et la mort pour se faire face, comme à chaque fois. Il fut compliqué de s'entretenir avec les orbes rouges si cette dernière ne voulait plus se donner la peine de voiler sa réalité aux autres. Un jeu que la belle n'avait plus eu besoin de faire depuis for longtemps, alors les mots manquaient certainement à cet instant, pourtant la conversation repartait finalement. Et celle qui demeurait à ses côtés cherchait une œuvre d'une auteur connu.
« Je n'avais pas pensé à Agatha Christie, mais je dois avouer que c'est une bonne idée quand on y réfléchis bien. »
Effectivement, même si les œuvres pouvaient être assez courte, il n'en restait pas moins impossible d'en acheter plusieurs. Ainsi les histoires étaient intéressantes, différentes, mais courtes. Autant dire qu'il serait difficile de perdre l'attention toute particulière de l'étoile de sang. Un bon compromis sans nul doute. Prenant alors l’œuvre qu'on tendait dans sa direction, sa main parcourait la couverture une seconde, lisant le titre, regardant les détails comme pour y voir tout l'intérêt que vous pourrez apporter ce livre.
« Je crois que je ne perds rien à me laisser tenter, n'est-ce pas ? Je vais d'ailleurs en prendre d'autres. Ainsi je n'aurais pas le besoin de revenir pour en un acheter un nouveau à chaque fois que je fini l'un d'entre eux. »
Économisons du temps ainsi que des probables risques de sortir au grand jour à la vue de tous.
« Je ne connais que l'auteur de nom, alors auriez-vous d'autres œuvres de cette dernière à me conseiller ? J'avoue qu'en général, je me porte plus vers Stephen King, mais j'arrive à la fin de ces œuvres déjà parues à présent. »