Juste après ma rencontre avec la jeune fille, je me mis à me demander si elle était l'humaine qui m'est destinée. Après tout on s'était de suite bien entendu, elle n'avait pas eu peur de moi quelque soi ma forme. Mais je ne savais pas exactement ce que l'on était sensé ressentir lorsque l'on trouve la personne avec qui on doit être lié. Liam m'avait bien dit que quand je verrais la personne je le saurais, je ressentirais un truc particulier. Ce n'est que trois jours plus tard, lors de ma rencontre avec Iason que je compris qu'elle n'était pas mon humaine, que ce que j'avais pu ressentir à ce moment là était à des années lumières de la sensation que j'avais éprouvé avec le merdeux aux cheveux verts. Malgré tout, j'avais envie de la revoir mais une masse de boulot s'abattit sur moi, m’empêchant de venir la retrouver dans la forêt. J'espérai chaque jour qu'elle ne m'attende pas désespéramment, j'en venais même à culpabiliser de lui poser des lapins.
Aujourd'hui alors que je suis au salon, je regarde mon agenda pour voir mes rendez-vous. Ça commence enfin à se calmer, ce soir je vais pouvoir partir à 19 heures ce qui me laissera pas mal de temps. Et puis n'ayant pas de nouvel de l'autre fichu humain, je pouvais bien sortir deux heures de chez moi. De toute façon ce n'est pas comme s'il allait m'appeler à trois heures du mat' non plus. D'humeur joyeuse, je rentre chez moi en faisant un détour par la supérette de ma rue. Je prends un petit panier et le rempli de bouffe plus ou moins équilibrés. Disons qu'à côté d'un plat de lasagne surgelés, on retrouve tout de même des haricots verts. Histoire de se faire plaisir, je choisi de prendre un gros paquet de m&ms. Rapidement je passe à la caisse avant de rentrer chez moi pour ranger les courses. Le tout dans le frigo, je m'étire longuement en surveillant l'heure. L'idéal serait d'aller me coucher vers 23 heures pour pouvoir être en pleine forme à deux heures du matin. En étant bien reposer j'arriverai sûrement à garder mon apparence durant une heure et demi ou deux.
J'ouvre à nouveau le réfrigérateur pour en sortir un œuf et du bacon. Je sors ensuite une poêle propre du placard et commence à faire cuire mes aliments. Quand le repas est enfin prêt, je vais me mettre devant la télévision pour regarder une émission culinaire tout en mangeant mon repas. Impatient de sortir, je ne cesse de jeter des coup d’œil à la pendule. Je n'ai pas que hâte de retrouver la jeune fille, j'ai surtout une furieuse envie de me transformer une nouvelle fois. Quand j'ai enfin fini de manger, je repose l'assiette sur la table basse et prends mon carnet de croquis pour dessiner de manière distraite.
Heureusement le reste de la soirée passe assez rapidement, enfin surtout parce que je vais me coucher nettement plus tôt qu'à l'accoutumé. A 23 heures tapante, je pars dans la chambre en retirant tous mes vêtements et me glisse complètement nu dans les draps frais. Je retire le cache œil que je pose sur la table de chevet et contemple un instant mon plafond.A cause de l'excitation, j'ai beaucoup de mal à m'endormir, je tourne durant un moment dans le lit, mais dès que je ferme les yeux je repense à la sensation de courir librement. Je mets finalement plus d'une heure à trouver le sommeil, et forcément ça décale tout le programme que je me suis fait dans la tête. C'est donc à trois heures du matin que je me réveille légèrement en sursaut. Et merde, voilà que je suis à la bourre ! J'ai peu de chance de croiser à nouveau la jeune fille maintenant... Malgré tout je prends le risque, enfilant un boxer propre ainsi qu'un jogging et une tshirt. mon sac à dos est déjà prêt, m'attendant sagement dans un coin du salon. Je sors en courant de l'appartement, l’attrapant par la même occasion, et me dirige le plus rapidement possible vers la forêt. Dans la précipitation j'en oublie complètement mon cache œil, tant pis de toute façon à cette heure ci je ne risque pas de croiser grand monde.
Une fois que j'arrive dans la végétation, j’essaie de ne pas faire trop de bruit. Je ne sais pas où est la jeune fille, ni même si elle est là. Tout ce que j'espère c'est qu'elle ne va pas me croiser avant ma transformation, et encore moins pendant ! Retrouvant mon coin habituel, je me déshabille, rangeant le tout dans le sac à dos qui file directement dans le trou de l'arbre. Ne perdant pas plus de temps, j'amorce à nouveau ma transformation. Étant bien reposé, celle-ci est plus rapidement. Étant enfin un loup, je ne peux m’empêcher d'aller courir. Cette fois-ci je ne suis à la poursuite d'aucun lapin, je me contente de filer sans réel but. J'en oublie même la brune, profitant juste de sentir le vent qui souffle sur mon pelage. Mais après quelques minutes je m'arrête net, reniflant doucement. Je connais cette odeur, je l'ai déjà senti auparavant. Je continue de sentir l'air, me dirigeant vers la source de ce parfum. C'est de la cannelle. Et comme pour confirmer, je finis pas retrouver la jeune fille. Je l'observe un instant, caché derrière les buissons comme la dernière fois, mais je mets beaucoup moins longtemps à me décider de sortir de ma cachette. Doucement je m'approche d'elle, et vient m’asseoir en face, la tête légèrement penchée sur le côté.
"Si j'avais été six pieds sous terre, je n'aurai pas voulu de soleil. Si j'avais été six pieds sous terre, je n'aurai pas connu ni la solitude, ni la liberté"
Depuis combien de temps n’avais-je pas pris du temps pour moi ? Cela devait faire bien plusieurs jours que je n’avais pas pu regarder un film d’épouvante. Plusieurs jours que je n’avais pas pu converser avec d’autres fantômes. Pourquoi ? Je me le demande bien. Sûrement depuis sa disparition. Oui, ça doit être ça. Depuis que Shana avait quitté ma vie, qu’elle s’était envolée avec un sourire magnifique, j’ai pris du recul avec ces êtres irréels. Et pourtant cela me manque. Mais tu sais ? Je ne regrette rien. Je suis heureuse de t’avoir rencontré, d’avoir pu te soulager et de maintenant pouvoir t’écrire. A toi qui est vivant. A toi que je connais à peine mais à qui j’ai envie de tout livrer. Il faut le dire. Noroi, je pense que tu ne comprendras sûrement pas pourquoi je passe mon temps à te raconter ma vie. Mais c’est ainsi qu’on laisse une marque dans ce monde, tu ne penses pas ? Alors je continuerai encore et encore.
Shana.. Il m’arrive encore de me perdre dans mes pensées et de prononcer son nom. De penser qu’elle pourrait encore une fois apparaître devant moi. C’est idiot n’est-ce pas ? Mais tu dois certainement vivre la même chose. Je ne peux pas rester comme ça. C’est vrai. Je ne suis pas du genre à me laisser abattre. Je pense que tu as dû le remarquer bien vite. Je suis beaucoup trop instinctive. Je ne réfléchis pas vraiment avant d’agir. Et c’est sûrement mieux ainsi. Je dois bien avouer que maintenant, tout de suite, je me sens seule. J’ai arrêté de converser. Mais à quoi bon, cela me manque, je veux les entendre raconter des histoires. Me raconter leur existence.
Je peux te dire que cette soirée n’est pas très productive, je suis simplement une espèce de masse, allongée sur le lit, fixant le plafond. Je sais que le temps passe et pourtant je ne fais rien pour autant. Je n’ai pas sommeil. Et pourtant je sais très bien qu’il doit être tard, très tard même. Et pourtant, je ne suis pas fatiguée, même après le shooting fatiguant que j’ai dû subir. Non. Que faire ? La vraie question c’est qu’est-ce que j’ai envie de faire ? Rester là ? Je ne pense pas. Tu aurais sûrement envie de me pousser si tu étais là, après tout c’est moi qui ai le plus d’entrain normalement. C’est vrai. Je me redresse observant la chambre un moment. Ce n’est pas le temps de se lamenter. Ce n’est pas le moment de rester figée de la sorte. Il faut tout simplement que je sorte. Pour tous ceux qui m’attendent, pour tous ceux qui veulent que je les écoute.
Petites tapes sur les joues et me voilà de nouveau sur mes deux pieds. Je m’étire un moment avant de voir l’heure sur la pendule. Déjà si tard ? Et puis après tout, je ne travaille pas aujourd’hui, je peux bien faire un tour. Je n’ai sûrement pas eu le temps de te le raconter, mais peu avant qu’on se rencontre, j’ai fait une rencontre incroyable. Toute cette histoire m’avait un peu éloigné de cette émotion. Mais quelques nuits avant tout ça. J’ai rencontré un loup. Un loup blanc magnifique qui a eu la gentillesse de passer du temps avec moi. J’aimerai bien un jour te le montrer mais je ne suis même pas sûr de le revoir un jour. Et me voilà déjà sur le chemin. Ce chemin que j’ai emprunté cette nuit-là, ce chemin me mène sans détour vers la forêt. Il est encore une fois tard, mais peut-être que je vais le revoir. On ne sait jamais après tout. Tout peut arriver, n’est-ce pas ?
C’est ainsi que me revoilà dans cette forêt. La dernière je n’avais pas fait et je m’étais blessée bêtement, je m’en souviens encore. Un homme m’avait même sauvé et je ne te parle pas d’un fantôme, un vrai vivant. J’étais gênée, même si je lui dois une fière chandelle. Bon, j’attends toujours qu’il vienne boire un thé à l’appartement mais maintenant que j’y réfléchis il a dû me trouver bizarre. Je ne le reverrais sans doute plus. Un petit soupire s’échappe d’entre mes lèvres alors que j’attrape la lampe torche, observant la forêt silencieuse un moment. Pour une fois que j’avais pensé à prendre deux, trois trucs dans un sac.
Je marche encore et encore doucement en prenant soin de regarder ou je mets les pieds. Cela m’avait un peu manqué, la brise venant caresser mes cheveux. L’odeur de la forêt en pleine nuit. C’est agréable. Vraiment. J’entends un bruissement. Un mouvement derrière moi. Comme si quelqu’un m’observait. Je ne peux m’empêcher de me retourner. Je le sais, cela ne peut être que l’un de ses esprits qui recherche la paix intérieure. Et pourtant qu’elle ne fut pas ma surprise quand ce qui apparut devant mes yeux, n’était autre qu’un animal. Pour être plus exact le loup que j’avais déjà croisé auparavant. Comme s’il avait su me retrouver. Comme s’il me reconnaissait. Il me regarde, s’avance doucement et s’assoit. Et moi je suis là devant lui, figée. Je n’en crois pas mes yeux. J’avais presque aucunes chances de le revoir et pourtant. Alors un sourire vient se dessiner sur mon visage. Je m’approche à mon tour. Repensant aux mots de l’homme de la dernière fois. Vraiment… Il ne me ferait aucun mal. Je le sais maintenant. Alors on peut dire que je suis folle mais je n’hésite pas cette fois à passer ma main dans sa fourrure, caressant doucement le crâne de l’animal après mettre penchée vers lui.
« Je suis contente de te voir. Moi qui pensais que c’était impossible que tu te souviennes de moi, on dirait que je me suis trompée. »
Je m’accroupis alors pour me trouver à sa hauteur lâchant la lampe torche, pour passer ma deuxième main dans son pelage. C’est agréable. Je me sens soudainement, un peu plus apaisée. C’est étrange n’est-ce pas ?
Sur la route pour me rendre à la foret, je ne cesse d'imaginer divers scénarios plus étranges les uns que les autres. Laisser une fille seule dans un endroit aussi obscure et glauque finissait par me faire délirer. Je l'imagine en train de se faire enlever par un mec bizarre. Ce serait un scénario tout à fait plausible vu sa naïveté. Après tout elle m'a bien suivi sans poser plus de questions que ça, alors ça pouvait très bien se reproduire. Un type qui vient pour lui dire qu'il a aperçu un loup blanc par là bas, et BAM ! Il la pousse dans sa camionnette, l'assomme et s'enfuit rapidement avec la jeune fille dans son coffre.. Ni vu, ni connu, la brune se retrouve enlever et moi pleins de remords car elle était la par ma faute. Du coup j’accélère ma foulée pour pouvoir me rendre plus rapidement à ses côtés.
Puis après je commence à me faire un film sur le fait qu'elle me tende un piège. Un loup aussi docile et tout blanc avec des yeux jaunes ça peut être rare j'imagine. Ma fourrure pourra facilement être vendu pour des vêtements ou d'autres trucs… Du coup je commence à ralentir. Non, ce n'est pas le genre de la brune, elle avait l'air si douce. Mais en même temps ce n'est peut être qu'un rôle qu'elle a pu jouer face à moi… Ce qui serait finalement assez stupide. Je secoue la tête de gauche à droite pour me remettre les idées en place. Il faut que j'arrête de délirer moi. La première histoire était sûrement plus probable qu'elle se passe en vrai plutôt que la deuxième. Alors je me dépêche pour me rendre auprès d'elle. Quand les lampadaires disparaissent pour laisser place à des arbres, j’accélère le pas.
Lorsque je me suis enfin changé pour devenir loup, je prends le temps de me dégourdir les jambes avant de la rejoindre. Certes, il y a urgence, mais en même temps passé de deux à quatre pattes ça fait toujours bizarre durant les premières minutes. Je suis bien obligé de gambader un peu, car sur le moment on dirait presque une faon sortant de sa mère qui apprends à marcher. Un genre de bambi quoi, pas canon pour un loup. Quand je suis enfin bien rodé pour ce « nouveau » corps, je pars à la recherche de la fille-cannelle.
Quand je la trouve enfin, il ne me faut pas longtemps pour sortir de ma cachette et finir par me mettre face à elle. En m'approchant, je note que la jeune fille a tout de même pensé à prendre un sac et une lampe torche cette fois ci. Je suis aussi bien content qu'elle m'ait écouté la dessus et pas complètement lorsque je lui ai dit de ne plus revenir seule dans la forêt. Effectivement j'aurais été bien embêtée qu'elle ramène une de ses amies pour « voir le super loup blanc » ou alors qu'elle ne revienne plus du tout, trop craintive face à moi. Mais la jeune fille est tout aussi bizarre que je le pensais. D'ailleurs lorsqu'elle m’aperçoit, elle semble d'un coup plus rayonnante et heureuse. Et sans que je puisse esquiver son approche, sa main se glisse sur ma fourrure blanche. Je retiens un grognement, appréciant tout de même le geste bien qu'il m'ait surprit. Cependant, après m'avoir parler elle passe son autre main dans mon pelage, me faisant légèrement frissonner et cette fois-ci un grondement s'échappe de mes babines. Mais elle ne s'arrête pas, ses mains continuent de caresser tendrement ma fourrure.
A cet instant ce n'est plus vraiment mon instinct d'humain mais plutôt celui du loup qui sommeille en moi qui prend place. Je la regarde un instant alors qu'elle est très proche de moi, puis je frotte légèrement ma tête contre son menton avant de m'allonger sur le sol. Une manière plus que subtile de réclamer un peu plus de caresses. Cependant je reste assez attentif, le ventre à terre pour ne pas risquer de voir une main qui se balade par là. Les animaux n'apprécient pas toujours les caresses à cet endroit, surtout par des inconnus, et puis mine de rien, en tant qu'humain se serait assez perturbant.
"Si j'avais été six pieds sous terre, je n'aurai pas voulu de soleil. Si j'avais été six pieds sous terre, je n'aurai pas connu ni la solitude, ni la liberté"
Ce loup blanc est devant moi une nouvelle fois. Tu te rends compte. Je ne peux qu’être heureuse, je ne pensais vraiment pas le retrouver. Pas aussi rapidement en tout cas. Alors forcément, je me jette à son cou. Je souris, je rayonne, je me sens mieux. Je me sens un peu plus vivante. J’ai l’impression de retrouver une certaine joie perdue depuis la semaine dernière. J’ai l’impression de pouvoir passer à autre chose. Alors que je te cache sans cesse encore maintenant que je suis meurtrie. Vraiment Noroi, je veux que tu ailles mieux que tu puisses vivre comme n’importe qui ce serait bête de te montrer la bête blessée et complètement débile que je suis au fond de moi. N’est-ce pas ? Alors je ne peux que m’excuser de te le cacher, mais aussi avant tout je devrais m’excuser auprès de ce loup. Je l’utilise pour aller mieux en quelque sorte. Mais comment faire autrement ? Je passe une nouvelle fois mes doigts dans son pelage. Je souris.
Je ne peux même pas m’empêcher de rire doucement quand celui-ci se rapproche encore plus venant se frotter à moi. Avant de s’allonger sur le sol, me laissant carte blanche. Je le caresse. Encore et encore. Souriant toujours. Après tout pourquoi je serais triste. J’ai retrouvé la paix de mon appartement, mon indépendance. Je n’ai plus besoin de prendre sans cesse soin de Shana. Et maintenant elle est heureuse n’est-ce pas ? Alors pourquoi ? Pourquoi je ressens encore ce vide en moi. Mais il faut que je sourie encore et encore. Mais comment tromper encore plus ce mal. Un rire s’échappe de ma bouche. Mais voilà, je me penche venant me poser sur le loup, lui faisant une sorte de câlin. Comment le rire peut se changer en larmes aussi rapidement ? Je ne sais pas. Et pourtant j’ai mal et devant ce loup, je n’arrive pas à me retenir. Je laisse les larmes couler. Reniflant doucement. Je le caresse comme pour me calmer. Encore et encore. Avant d’enfin me redresser. Venant essuyer d’un revers de main, l’eau qui était venu humidifier ma joue. Je renifle une nouvelle fois. Mais un sourire vient tout naturellement se redessiner sur mes lèvres. Je suis une piètre menteuse.
« C’est idiot n’est-ce pas … ? Pourquoi j’ai encore si mal, je devrais être heureuse qu’elle soit enfin en paix pourtant…. »
Je marque une pause, reposant ma main sur le loup. Je m’assois à même le sol, ramenant mes jambes le plus proche possible de mon buste. Tu sais Noroi, il serait temps que je grandisse un peu, tu ne penses pas ? Et dire que je te fais sans cesse la morale. Je ne suis pas vraiment mieux. Je redescends mon regard sur le loup devant moi.
« Les loups aussi ont mal quand ils perdent quelqu’un de cher à leurs yeux. »
Je suis content que la jeune fille ne m'en veuille pas pour ne pas être venu depuis une semaine. Bon en même temps ça ne semble pas très logique d’être rancunier envers un loup parce qu'il ne revient pas vous voir. Mais quand même, je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit aussi heureuse de me retrouver. Surtout qu'elle ne sait pas que je ne suis pas complètement un loup. Au risque de me répéter, elle est vraiment étrange. Je frissonne lorsqu'elle me touche, pas encore habitué à ses sensations nouvellement retrouvées. De mon œil je la regarde une nouvelle fois avant de m'allonger sur le sol, bien pépère pour réclamer un peu plus d'attention. Ses mains glissent sur moi, peu à peu je la sens plus à l'aise. Sûrement a-t-elle fini par remarquer qu'elle ne risquerait rien. Par contre je suis assez surpris lorsque la brune vient s'allonger contre moi. Elle me serre contre elle, enfouissant sa tête dans ma fourrure. Je sens quelque chose d'humide qui coule sur moi, et quand elle se met à renifler, je comprends qu'elle est tout simplement en train de pleurer. Mais sous cette forme je ne peux rien faire, c'est impossible pour moi de pouvoir la consoler. Je ne peux pas lui demander quel est son soucis, ni même lui rendre son câlin ou tout simplement faire ou dire quelque chose pour la détendre. Alors pour le moment j'attends ainsi, je l'observe du coin de l’œil en attendant qu'elle se redresse pour me montrer une nouvelle fois son visage. Je la vois relever la tête pour essuyer les larmes qui ont coulées sur sa joue. Attentivement, je l'écoute mais je n'arrive pas à tout comprendre à ce qu'elle me dit. Après tout je ne connais rien d'elle, ni de son histoire, alors sans qu'elle ne développe un minimum, il est difficile de savoir ce qu'elle veut dire. Dois-je comprendre que quelqu'un de sa famille ou une de ses amies est décédé ? Je l'observe alors qu'elle s'assoit, puis je commence à faire de même pour me mettre face à elle. Je pouvais comprendre ce qu'elle voulait dire, moi aussi j'avais perdu quelqu'un l'an passé. Liam mon meilleur ami, qui m'avait aussi tout appris sur ma condition d'étoile. Régulièrement j'ai une pensée pour lui, et parfois un coup de blues s'installe. C’est dur de se dire que l'une des personnes que l'on n'aime le plus au monde n'est plus sur terre, qu'il ne nous sera plus jamais permis de la revoir ou de lui parler.
Tendrement je viens frotter ma tête pour la consoler, mais aussi pour lui montrer à quel point je la comprends. Repenser à Liam en la voyant dans cet état me donne envie de pleurer une nouvelle fois. Ce n'est pas arrivé depuis l’enterrement, je lui avais promis de continuer ma vie et ne pas m'apitoyer sur mon sort. Le début avait été assez rude, mais désormais j'arrive à avancer. Sans que puisse la retenir, une petite larme coula tout de même, glissant le long de mon museau. Dur de rester de marbre quand on se rappelle de si vif souvenir. Je relève la tête pour regarder une nouvelle fois la brune qui me fait face. Je glisse doucement ma langue un peu rugueuse sur sa joue, pose mon front contre le sien quelques instants avant de m'éloigner. J'attrape sa lampe entre ma gueule et vient la déposer près d'elle pour lui faire comprendre qu'elle doit rentrer. Pour insister, je pousse son épaule avec ma tête avant de l'observer pour être sur qu'elle me comprenne. Puis sans un geste de plus, je repars dans la forêt, passant derrière un buisson pour complètement disparaître de son champ de vision. J'aurais aimé la raccompagner complètement, mais croiser deux fois le même type après avoir croiser deux fois le même loup, ça serait clairement trop bizarre. Et puis… La tout de suite j'ai besoin de voir Liam. La dernière fois, ma rencontre avec mon humain m'avait ralenti, j'étais sous le coup de l'émotion et je n'avais pas pu lui parler autant que je le voulais. La jeune fille et ses paroles avaient ravivées cette envie, il faut absolument que je le vois. A tout allure je cours jusqu'à l'arbre qui contient mon sac à dos, mais je ne me change pas pour autant. Même si c'est peu pratique, je tiens le sac entre mes mâchoires puissantes et je me remets à courir. A cette heure-ci de la nuit je ne risque pas de voir quelqu'un dans le cimetière, et comme celui-ci est un peu à l'écart je choisis de m'y rendre en loup pour que ce soit plus rapide. Je retrouve rapidement la pierre tombale de Liam, je dépose doucement le sac dans un coin puis je m'assois face à lui en soupirant. J'attends un instant comme ça, la tête baissée et l’œil fermé. Puis je commence à me transformer pour redevenir l'homme que je suis. J'enfile rapidement mes vêtements, et je m'approche de la tombe pour retirer les fleurs fanés que j'avais mis la dernière fois. Ma main se pose sur la pierre tombale froide, les yeux légèrement humides je la regarde avant d'ouvrir la bouche.
"Si j'avais été six pieds sous terre, je n'aurai pas voulu de soleil. Si j'avais été six pieds sous terre, je n'aurai pas connu ni la solitude, ni la liberté"
Tu sais Noroi… Parler de ce dont on ne parle pas habituellement, c’est dur. Normalement je ne parle pas de ça, mais voilà de temps en temps, il faut bien relâcher la pression. Alors je suis dans ce bois en compagnie de ce loup. De cet animal que je considère comme un ami, quelqu’un à qui je peux parler. Même s’il ne me comprend pas, il m’écoute, il fait acte de présence pour que je puisse me relâcher, que je puisse de nouveau vivre normalement. Pouvoir révéler tous ces sentiments enfouis, même si je ne peux attendre de réconfort en retour. Noroi, je pense que tout cela m’a fait du bien. Y repenser, en pleurer un peu. Je pense qu’il est temps que j’évacue cette peine qui m’enchaîne à ce passé. A cette femme que nous avons eue en commun.
Je ne peux cacher mon affection envers cet animal, son œil qui révèle tant de choses, comme s’il pouvait la comprendre. Comme s’il cachait une sorte de tristesse au fond de lui. Je le regarde dans les yeux, je l’observe et je me sens tout de suite un peu plus apaisée. Il se tient devant moi et me donne de l’affection, son front contre le mien m’apportant comme une sorte de chaleur. Je trouve cela tellement agréable, je passe une main dans son pelage, caressant doucement son doux pelage. Me calmant au rythme de mes caresses. Mais il fallait bien qu’il y ai une fin. N’est-ce pas Noroi ? Alors quand je le vois s’éloigner je me pose tout simplement une tonne de questions. Un loup qui se déplace, qui s’éloigne de moi de la sorte semble pourtant tout à fait normal, mais là sur le coup j’ai simplement un pressentiment bizarre. Et ce n’était pas pour rien. Le loup attrapa la lampe pour venir me la ramener juste devant moi. Je reste un moment en suspens sans vraiment comprendre au tout début. Je fais simplement mine de ne pas comprendre. Oui, après tout je ne m’attendais simplement pas à ce qu’il me demande de partir. Comme un geste d’au revoir. Je n’ai même pas le temps de vraiment protester que le loup disparait de nouveau dans la forêt. Que faire ? Je reste un moment en suspens dans cette forêt sans vraiment comprendre. Venait-il simplement de me rejeter. Ou est-ce que je n’aurai pas dû être aussi proche d’un coup. Une chose était sûr je venais de gaffer, et je m’en voulais.
Je ne peux rester là éternellement. Je me redresse finalement, étirant tous mes muscles. Mes yeux restent sombres un moment. Avant que je rejette la tête en arrière pour prendre une grande inspiration. Je claque par la suite mes joues avec mes mains. Et c’est alors que la Menma que je suis la plupart du temps doit reprendre sa place. J’attrape la lampe avec entrain, avant de m’élancer à travers le bois vers mon appartement. Tout sourire, vivant la vie à pleins poumons. Il n’est plus l’heure de pleurer. Noroi, il est temps de vivre de nouveau. D’apprendre à vivre. Enfin.