Et si nous hurlons à la lune ensemble ? [Pv. Takeo] TERMINE

La journée avait été affreusement longue, une suite successive d'emmerdes et de demandes de tatouages merdiques. Pourquoi toutes les filles tenaient-elles à ce point à avoir un papillon leur sortant du cul ? Ce genre de demandes je les refuse en moins de deux secondes. N'ayant aucun soucis à remplir mon carnet de rendez-vous, je pouvais clairement me le permettre.Ou alors je refilerai ce genre de demandes à mon apprenti, enfin le jour où j'en aurais un. Mais ce qui avait vraiment réussi à me mettre hors de moi, c'était le retard sur la commande d'encre. Déjà que mon collègue s'y était pris plus tard que prévu, voilà maintenant que le livreur s'était trompé de lieu de livraison. Désormais nous n'avons plus de rouge jusqu'à nouvel ordre, ce qui m'a obligé à annuler et décaler des rendez-vous jusqu'à ce que l'on reçoive notre livraison.

Je continue de grommeler tout en refermant la porte du shop. Ce soir j'avais prévu de traîner en loup, et heureusement car j'avais vraiment besoin de ça pour me détendre actuellement.

« Bouffon, à faire des erreurs aussi stupides… Dis-le moi si tu veux que je mette la clef sous la porte aussi ! »

Il était 20 heures et j'étais encore là à râler dans la rue tout en me demandant ce que j'allais bien pouvoir manger. Mon ventre criant famine, je choisis de m’arrêter dans un fast food pour y prendre un copieux repas.

Après trois burgers, une boîte de grandes frites, un soda et une glace, je rentre chez moi complètement rassasié. La colère a fini par s’estomper pour laisser place à la fatigue. Une fois à l'appartement, je ne prends même pas la peine d'allumer la lumière. Rapidement mes vêtements volent dans le salon, c'était bien une première que je me couche aussi tôt. Il avait fallu contenir tellement de rage aujourd'hui que j'en étais épuisé. Quand je suis enfin sous les draps, je finis par m'endormir presque instantanément.

Ce n'est que trois heures plus tard que je finis par immerger. Minuit… C'était encore un peu tôt pour aller dans la forêt. Je ne voulais pas prendre le risque d'être vu par des gens. Car si le bruit courrait qu'un loup traînait dans la forêt, s'en était fini de mes escapades nocturnes. Impatient mais raisonnable, je choisis d’attendre une bonne heure avant de sortir. Pour faire passer le temps, je m'installe sur le canapé, une émission débile à la télévision alors que j’attrape mon carnet de croquis. Visiblement encore un peu exaspéré par la situation du jour, je me mets à griffonner mon collègue alors qu'il est en train de se faire dévorer par un loup. Prenant bien soin aux détails, je finis par ne plus me rendre compte de l'heure qu'il est. Lorsque j'y apporte la dernière petite touche, je remarque que dehors la nuit est déjà bien noire et la lune haute dans le ciel étoilé. D'un coup, excité comme un môme, j'attrape mon sac à dos avant de courir hors de l'appartement.

Bien qu'éloigné de la forêt, il ne me faut pas longtemps pour l'atteindre. Je connais le chemin par cœur, à tel point que je serais capable de le faire les yeux fermés. Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je vois enfin la civilisation disparaître pour laisser place aux premiers arbres de la forêt. Sans hésiter, je me dirige dans une zone que je connais bien et je commence à retirer mes vêtements ainsi que mon cache œil pour les ranger dans mon sac à dos. La transformation étant assez rapide, mes habits finissaient toujours en lambeaux. Désormais lors de mes « entraînements », je prenais soin de les retirer avant. Dans le creux d'un arbre, j'y cache mon sac pour pouvoir le retrouver une fois que je redeviendrai humain. Puis dans un râle, la transformation commença.

Je sens cette vague de chaleur si particulière et pourtant devenu commune, parcourir mon corps. Alors que je me retrouve de force à terre, une fourrure blanche commence à pousser sur mes mains, puis peu à peu remonte le long de mes bras. Il ne faudra qu'une minute pour que mon corps soit entièrement recouvert alors que mon visage s'allonge pour laisser place à un long museau. Après trois minutes, mon apparence de loup est complète. Un sensation totalement unique, le vent glissant doucement sur mon pelage blanc comme de la neige. Mon ouïe et mon odorat se retrouve nettement plus performant. A tel point que j'arrive à sentir une présence humaine non loin de là.

« Hé merde ! Qui c'est qui traîne ici à cette heure-ci ? »

Curieux, je m'approche à pas de loup. Il me faut souvent quelques minutes pour m'habituer à mon corps, surtout en ce qui concerne la queue. Celle-ci se met alors à gigoter, frottant contre un arbuste. Manque de chance, la jeune fille m'a visiblement entendu. Excité et heureux après ma métamorphose, ma queue ne cesse de gigoter pour exprimer ma joie. A droite, à gauche, à droite… BIM ! Encore un arbuste. Exaspéré, je me mets à grogner contre ma propre queue alors que l'humaine demande s'il y a quelqu'un. Je l'observe, caché, alors que mon œil jaune brille légèrement dans la nuit. Que faire dans une telle situation ? Je ne peux pas m'approcher d'elle, elle finirait par prendre peur en voyant un gros loup s'approchant. Je restais alors cacher dans les buissons en la surveillant.

Cela faisait bien deux semaines que je ne m'étais pas changé en loup. J'essayais de le faire assez régulièrement, autrement je devenais moins résistant. Et puis, qui ne rêve pas de courir à toute allure sans but réel ? C'était aussi assez jouissif de hurler à la lune, me rouler sans état d'âme dans l'herbe… Sous la forme d'un loup je me sens réellement libre, je peux extérioriser tout ce qui me prend la tête. Mais avec le travail, je manque parfois de temps alors j'essaye au mieux de me métamorphoser une ou deux fois dans la semaine. Cette fois-ci je n'ai pas pu, lorsque l'on sort avec quelqu'un, on est souvent pris. Et ça avait été le cas durant ces deux semaines. Je me voyais mal quitter son lit à trois heures du matin en donnant pour excuse que j'allais me promener dans la forêt. Finalement on a fini par rompre, au moins maintenant je suis libre de faire ce que bon me semble. Mais forcément, il fallu que ce soit ce soir que je rencontre un humain.

La jeune femme ne semble pas m'avoir vu, ce qui l'espace d'un instant me soulage. Pourtant ce sentiment disparaît rapidement quand je remarque qu'elle s'approche du buisson derrière lequel je me suis planqué. Je retiens un grognement pour ne pas l'effrayer. Il arrivait que mes instincts primaires prennent parfois le dessus. Une ou deux fois, je m'étais surpris à courir derrière un lapin, heureusement j'en prenais conscience avant de le croquer. Je continue de l'observer, vu son attitude elle ne devait sûrement pas s'attendre à être devant un loup. Ou peut être est-elle simplement inconsciente. En tout cas, heureusement pour elle que je n'en sois pas un « vrai » car maigrichonne comme elle est, je n'en aurais fait qu'une bouchée.

En l'entendant me parler, j'ai juste envie de rire. Quelle fille vraiment étrange… Je regarde autour d'elle, personne à l'horizon. Se balader seule dans une forêt à une heure du matin, venir parler à un animal sauvage qu'elle ne voit même pas… Réellement très bizarre. Et pourtant, elle me donne envie de me montrer. Je continue de la regarder, hésitant. La seule personne m'ayant vu sous cette forme c'était mon ami Liam. Cela fait maintenant un an qu'il est décédé, depuis je fais en sorte que personne ne me surprenne ainsi. Et pourtant, j'avais vraiment envie que quelqu'un me voit dans sous cet aspect. Ce secret est assez lourd à porter seul, même si elle ne doit par forcément être au courant de la transformation, elle peut toujours me considérer comme un loup.

L'observant toujours, je commence à réfléchir. Comment me montrer sous cette forme sans l'effrayer ? Bien qu'elle n'ai pas l'air d'être le genre de fille froussarde, n'importe qui fuirait en pensant qu'un loup vient l'attaquer. Et puis je ne voulais pas à avoir à me montrer comme une pauvre petite créature perdue, j'avais quand même une certaine fierté. Liam m'avait souvent complimenté sur mon apparence comme loup. Bien sur je n'y étais pour rien, c'est comme pour notre couleur de cheveux, nos yeux ou la longueur de notre nez. Visiblement j'étais né ainsi. Mais il me rappelait souvent à quel point ce pelage blanc me donnait un air majestueux. Je ne ressemblais pas à ces loups sauvages que l'on voyait souvent à la télévision. Alors peut être que déjà cette apparence « pure » allait mettre la jeune fille en confiance. Un grommellement s'échappe de mes babines.

« Voilà que je me mets à compter sur mon joli minois pour l'attendrir... »

Après quelques instants de réflexion, où la jeune fille est restée sagement à attendre, je me décide enfin à sauter le pas. Et puis si ça se passe mal, je suis un loup rapide. Je n'aurais qu'à m'échapper en courant me cacher dans un coin pour redevenir humain et on n'en parlera plus.

Doucement, je pose une patte à terre, hors du buisson. Puis je m'avance un peu plus pour m'extirper de ma cachette. Je retiens mon envie de grogner pour ne pas l'effrayer. De mon œil jaune, je l'observe, puis lentement je tourne autour d'elle, la reniflant un peu. Un parfum subtile émane d'elle, mais je ne sens pas pour autant sa peur. Je suis un peu gêné de me montrer ainsi, à quelqu'un qui n'est pas Liam et que je ne connais pas. En plus, je suis sans cache œil ce qui fait que ma cicatrice est tout à fait visible. Cette cicatrice que je déteste tant, et que je prends toujours soin de cacher lorsque je suis en humain. J'attends sa réaction, tout en la jaugeant, près à m'enfuir au loin s'il le faut.

Lui tournant autour, je guette chacun de ses mouvements, chacune de ses expressions. Je ne comprends pas vraiment ce qui la fait reste là, face à moi. N'importe qui serait déjà parti en courant, et pourtant elle était là. Je remarque qu'elle me regarde comme Liam avait l'habitude de le faire. On y voit un mélange de douceur et d'émerveillement dans ses yeux. Je continue de tourner, de la jauger pour la comprendre un minimum. Mon œil glisse alors vers sa main, voyant celle-ci bougeait un peu mais son geste s'arrête aussi sec. Elle s'est sûrement rendue compte à temps que ce n'est pas une très bonne idée de tenter une approche. Bien sur je ne l'aurais jamais mordu, j'arrive très bien à maîtriser cela désormais, mais j'aurais eu du mal à ne pas laisser échapper un grognement féroce cette fois-ci.

Alors que nous nous jaugeons du regard, la fille se met à nouveau à bouger. Par réflexe, je recule et grogne afin de la dissuader de toute tentative. Mon œil se plisse, suspicieux je continue de l'observer alors qu'elle s'assoie par terre tout en me regardant avec plus d'attention encore qu'auparavant. Sa main bouge encore, cette fois-ci essayant vraiment de me toucher, bien qu'elle se ravise je n'hésite pas à lui montrer mes crocs afin qu'elle ne recommence pas. Puis je remarque ses yeux qui s'arrête sur ma cicatrice. Gêné, je commence à nouveau à tourner autour 'elle, l'entendre me dire que je suis magnifique n'arrange en rien mon embarras. Si les loups pouvaient rougir, je serais sûrement devenu de la même couleur qu'une tomate. Je voulais méchamment grogner afin de la faire taire et cacher un peu plus ma gêne, mais une douce odeur vient alors chatouiller mes narines.

Qu'est-ce que c'est ? Quelque chose de sucré ? Un peu fruité. Perdu dans mes pensées, je m'approche d'elle alors que je suis encore sur sa droite. C'est la jeune fille qui sent ainsi, ou plus précisément sa crinière brune. Mon museau finit par se perdre dans ses cheveux attachés. Je renifle un peu plus comme pour confirmer mon intuition. Je n'arrivais pas à trouver l'odeur précise, mais ça me donnait vraiment envie de manger un dessert fruité…

C'est alors que je réalise ce que je suis en train de faire. Je m'étais un peu plus approché d'elle, désormais, une de mes pattes est posée sur sa cuisse. Je suis à moitié penché sur la jeune fille pour sentir ses cheveux, ce qui fait qu'avec mon poids elle est clairement penché, à la limité de s'étaler par terre. Je me reprends rapidement en m'écartant d'elle, un petit grognement d'excuse s'échappe de mes babines. Je la contourne, et vient me planter une nouvelle fois face à elle. Plus confiant qu'il y a quelques minutes, je laisse mes « fesses » tombées par terre dans un petit « POUF ». Assis face à la fille, je me mets une nouvelle fois à l'observer. Elle avait beau être très étrange, elle n'en restait pas moins mignonne. Elle avait vraiment l'allure pour être mannequin, grande et mince avec formes délicates. Mais bon, sûrement trop jeune pour moi.

Ne sachant quoi faire, ni à quoi m'attendre avec cette personne beaucoup trop imprévisible, je me mets à regarder autour de moi. C'est là que je remarque une tâche rouge au milieu de mon pelage blanc. Je lève ma patte pour voir de plus près et je remarque une égratignure qui saigne. Je m'étais sûrement fait ça lorsque j'étais caché dans les buissons. En y réfléchissant, c'est vrai que j'avais senti une branche s'accrochant à ma patte, mais j'étais tellement obnubilé par cette rencontre que je n'avais pas fait attention. Ce n'est pas la première fois que je me blesse sous cette forme, même si ça n'avait jamais été trop grave, j'avais remarqué que la blessure restait lorsque je redevenais humain. Et vice versa d'ailleurs. Il y a quelques années je m'étais foulé la cheville lors d'un match de basket, et le soir venu lorsque je me suis transformé en loup, j'avais toujours la même douleur.

Un petit couinement s'échappe involontairement de mes lèvres alors que je commence à lécher la plaie pour retirer le sang. Pour le moment c'était la seule solution de possible. Je m'occuperai de désinfecter un peu mieux lorsque je rentrerai chez moi.

Bien trop concentré à sentir ses cheveux pour déterminer leur odeur je n'ai même pas entendu les petits rires de la jeune fille. Et peu à peu, mon poids l'écrase un peu plus. Lorsque je finis par m'éloigner en grognant pour m'excuser, je vois son sourire qui disparaît de son visage. Je la regarde, me sentant coupable de l'avoir effrayé. Mais après tout les moyens de communication sont assez limités sous cette forme, alors c'est aussi frustrant pour moi de ne pas pouvoir m'exprimer.J'aurai préféré qu'elle garde ce petit sourire plutôt que cet air bien trop sérieux. Tant pis, ça m'apprendra à abuser de mon grognement.

Toujours dans mes réflexions, je lèche doucement ma blessure. Plutôt concentré à nettoyer mon pelage devenu rouge, je ne fais pas attention à l'air paniqué de la jeune fille. C'est lorsqu’elle se met à nouveau à parler que je redresse la tête et remarque que son sérieux a disparu. Je pousse un léger grognement, mais qui prend plutôt une intonation interrogative. Je la vois alors s'approchant de moi, je ne bouge pas mais mes yeux louches logement sur sa main qui est désormais très proche de moi. L'odeur de la cannelle m’enveloppe à nouveau. J'hésite à avoir un petit mouvement de recul, mais je sais qu'elle ne me fera pas de mal. La brune n'a vraiment pas l'air du genre méchante. De toute façon même si elle le voulait, elle n’y arriverait sûrement pas. Mon égratignure ne m’empêchait en aucun cas de bouger. Je me mets doucement à ricaner, même si pour le monde extérieur entendre cela devait sûrement ressembler à un soupir bruyant. Elle était de plus en plus lente dans ses mouvements. A tel point que j'aurais eu le temps de terminer de me soigner tout seul. Mais contrairement à tout à l'heure, je sens sa peur, ce qui est tout de même compréhensible. Alors j'attends sagement, tendant ma patte vers elle pour que tout cela aille plus rapidement.

Je baille bruyamment, ouvrant ma gueule à son maximum avant de la refermer en faisant des petits bruits avec ma langue qui frotte contre mon palais. La jeune fille fait doucement tapoter son mouchoir sur la blessure pour enlever délicatement le sang. Durant son opération de sauvetage, je regarde ailleurs, j'essaie de faire en sorte qu'elle n'ai pas peur de moi mais aussi qu'elle se détende. Je préférai nettement la voir avec un sourire sur son visage

Lorsque la brune a enfin fini de soigner ma plaie, je me redresse sur mes quatre pattes en restant face à elle. Plutôt que grogner une nouvelle fois pour la remercier, je me penche en avant faisant comme une révérence. Au moins cela sera nettement plus clair pour elle. Je ne me dis pas un seul instant qu'un loup qui s'incline devant un humain pour le remercier c'est vraiment hors du commun. Alors que je me relève lentement, je sens une présence assez proche de nous. Mes oreilles se redressent alors que ma queue s'agite frénétiquement, et un seul mot me vient en tête.

« Lapin ! »

Voici l'exemple type où ma conscience de loup prend le pas sur l'humain. Je renifle autour de moi pour savoir vers où est le rongeur. Mon corps réagit instinctivement lorsqu'il sent un petit animal qui traîne à proximité, en général j'arrive tout de même à me contenir, mais n'ayant pas pu me changer durant un moment je suis assez peu résistant aujourd'hui. Heureusement il me reste juste assez de conscience pour ne pas les massacrer ! Je n'aimerai vraiment pas reprendre mes esprits alors que je tiens le cadavre d'une bestiole entre mes dents acérés.

Je finis donc par laisser la jeune fille en plan pour courir après le lapin. Appréciant le vent qui caresses ma fourrure, ma langue sort légèrement de ma gueule. Dans ces moments là, je ne pensais plus à rien, je filais juste aussi vite que je le pouvais. C'était pour cela que j'appréciais pouvoir me changer en loup, on n'avait vraiment pas les mêmes sensations lorsque l'on fait un jogging en tant qu'humain.

Ce n'est qu'après dix minutes que je me rends compte de ce que je suis en train de faire. Aussi sec je m'arrête, si j'avais pu je me serais sûrement donné une tape sur le front en me traitant de gros crétin. Mais je n'ai pas le temps de penser à ça, je dois rapidement retrouver la jeune fille. Je renifle autour de moi, essayant de retrouver l'odeur de cannelle qui pourra me conduire à elle. Il ne me faut pas longtemps pour la repérer dans la forêt, Je la rejoins avec mes oreilles tombantes, un peu confus d'avoir abandonner une fille dans les bois. Pour la prendre un peu en pitié je couine légèrement. Bon après je ne pense pas qu'elle serait du genre à disputer un loup qui l'a laissé pour courser un lapin...

Je ne suis pas du genre à me laisser facilement caresser. Gardant ma conscience d'humain, je me dis  toujours qu'une personne en rencontrant une autre, celle-ci n'irait pas lui caresser la tête ainsi. Mais bon, avant même que je ne puisse râler, je sens la présence d'une petite créature dans un buisson à proximité.

Si j'avais eu le choix, je ne l'aurais pas laissé seule, assez soucieux de la laisser dans cette forêt. Mais aujourd'hui j'étais plus affaibli qu'habituellement. Je n'avais pas pu me changer depuis un moment, et j'avais rencontré cette fille avant même de pouvoir me défouler réellement. Alors sentant le lapin non loin de nous, j'avais juste… craqué. Mais quand même, c'était pas mal la honte cette attitude...

Je cours vraiment sans but, juste suivre aveuglément cette bestiole. Rapidement je zigzague entre les grands arbres. Mon esprit est totalement obnubilé alors que je me tape un dernier sprint. Mais une fois bien défoulé, je reprends conscience, peu à peu je commence à freiner. Je m'arrête et regarde autour de moi en essayant de me repérer. Je connais assez bien la forêt, alors je finis par reconnaître où je suis mais là, l’intérêt n'était pas de savoir comment retourner à mes affaires mais plutôt de retrouver la jeune fille. Par chance, ayant senti son odeur et surtout celle de ses cheveux, sa douce odeur de cannelle est imprimée en moi. Je relève alors la tête et renifle autour de moi, j'avance à taton et quand l'odeur devient plus présente je n'hésite pas. Je cours le plus rapidement possible pour la retrouver.

Je me faufile à nouveau entre les arbres et les buissons pour la rejoindre. Je ne me dis pas un seul instant que tous les bruits que je pouvais faire risquaient d'apeuré la brunette. Lorsque je la rejoins enfin, je remarque son visage et ses genoux sont pleins de terre. Un couinement de remords s'échappe de mes babines alors que je m'approche d'elle. Voilà ce qu'il se passe quand on abandonne quelqu'un dans une forêt… Je ne savais pas exactement ce qu'il avait pu se passer, mais ne voyant personne aux alentours, n'entendant pas son cœur battre rapidement, je me dis qu'elle s'était sûrement débrouillée pour se faire ça toute seule. Je suis tout de même rassuré de voir qu'elle a toujours son sourire sur le visage.

Je m'approche doucement pour être sur de ne pas l'effrayer cette fois aussi. Mais visiblement elle était bien plus confiante que tout à l'heure, puisqu'elle s’agrippa à moi. L'espace d'un instant je me mis à reculer, mais rapidement je remarque que tout ce qu'elle veut c'est m'enlacer afin de se remettre de sa frayeur. Je grommelle un peu, gêné, mais je ne bouge pas pour autant. Je la sens caresser ma fourrure, ce qui me fait légèrement frissonner, n'étant plus vraiment habitué à un tel contact. On m'avait très rarement caresser le pelage, il arrivait parfois à Liam de me brosser dans le sens du poil. C'était d'ailleurs une sensation aussi agréable que de se faire masser, ce qui me manquait vraiment.

Quand la jeune fille finit par s’éloigner de moi, je constate qu'elle ne se lève pas pour autant. Pourtant il allait bien falloir qu'elle parte, d'autant plus que je n'allais plus pouvoir rester un loup encore bien longtemps. Mais comment lui faire comprendre qu'elle doit se lever ? Doucement, je la pousse à l'aide de mon museau puis je me glisse sous son bras en m’abaissant et me redresse pour la soulever légèrement. Je n'allais pas la soutenir tout du long, ni même la porter sur mon dos mais au moins, elle comprendra qu'il ne fallait pas traîner ici. L'entrée de la ville n'étant qu'à dix petites minutes, j'avais le temps de la raccompagner et de repartir rapidement pour me cacher avant qu'elle ne voir ma transformation.

J'aide la jeune fille à se relever du mieux que je peux, en me redressant de toutes mes forces sur mes pattes pour qu'elle comprenne qu'elle doit se mettre debout. Mais à peine s'est elle relevée, que je l'entends retomber par terre. Je la regarde, mes yeux glissent lentement sur elle et termine leur course sur sa cheville qui semble gonflée. Je me mets doucement à couiner, frottant ma tête de moi même contre sa main alors qu'elle la posait sur ma fourrure. Je m'en voulais de l'avoir laisser tomber, mais aussi et surtout parce que j'allais devoir recommencer. Ou en tout cas c'est ce qu'elle allait penser. Je n'allais plus tenir très longtemps sous cette forme, je sens déjà la fatigue qui s'empare de moi et si ça continuait je me transformerai sous ses yeux, et finirait en humain complètement à poil. Ça c'est juste hors de question, les étoiles sont déjà assez mal vu comme ça. Je ne voulais pas qu'elle pense en plus que je suis un détraqué qui s'amuse à se faire caresser par des inconnus… Je la regarde, les oreilles tombantes, tellement désolé de la laisser ici. Je poussa un petit grognement et part vers la forêt. Il fallait que je me dépêche, plus vite je me transformerais plus vite je pourrais revenir pour l'aider et la conduire jusqu'à chez elle.

Une fois hors de vue, je me mets à courir pour retourner à l'arbre où j'ai caché mes vêtements. Lorsque je suis enfin arrivé, je commence à me transformer. Les poils disparaissent peu à peu pour laisser place à ma peau claire. Mes pattes se changent pour redevenir des mains. Très rapidement je me retrouve nu comme un ver au milieu de la forêt. Je bouge légèrement la tête afin de faire craqué mon cou. La position change tellement de celle d'un loup, que redevenir humain est parfois douloureux pour mes os. Heureusement, cela passe assez rapidement. Mais sur ce coup, je n'ai pas le temps de me plaindre ou me laisser aller, je dois rapidement retrouver la brune pour lui venir en aide. Je pousse un long soupir et enfile mon jean noir ainsi que mon t-shirt blanc. J'enfile le cache oeil correctement pour qu'elle ne voit pas la cicatrice. Mais avec une marque aussi distinctive, pile au même endroit ça allait être compliqué de ne pas faire de rapprochement. Je mets ensuite mon sac à dos sur mon épaule, celui-ci encore bien rempli.

Maintenant il fallait que je retrouve la brune et sans mon odorat ça pouvait être compliqué. Par chance je connais la forêt comme ma poche,de plus j'ai bien fait attention à la route en venant ici. Il faut juste espérer qu'elle n'ai pas bougé, mais vu l'état de sa cheville il n'y avait aucun risque. Armé de ma lampe torche pour y voir plus facilement, je reprends la route en sens inverse, nettement moins rapide que lorsque j'étais un loup.

Après dix minutes, je retrouve la jeune fille qui par chance n'a pas bougé d'un pouce. A cette heure de la nuit il faisait nettement plus froid, je ne l'avais pas senti grâce à mon pelage, mais désormais je pouvais m'en rendre compte. Et on ne pouvait pas dire qu'elle est très couverte. Je soupire et m'approche d'elle, pointant la lumière vers le sol pour ne pas l'éblouir. Une fois à son niveau, je fouille dans mon sac pour prendre ma veste et je la dépose sur ses épaules.

- Bonjour, euh j'ai vu un loup blanc passé à côté de moi et après je t'ai entendu, alors je me suis dit qu'il t'avait peut être fait peur ou quelque chose comme ça…

Un inconnu qui l'aborde comme ça dans une forêt à une heure aussi avancée, ça a de quoi être flippant. En plus je la tutoie alors que je suis sensé ne pas la connaître… Comme pour la rassurer, je m’accroupis à ses côtés et regarde sa cheville qui était encore bien gonflé. Je lui donne la lampe torche et commence à chercher dans mon sac à dos. Étant du genre prévoyant, et encore plus lorsque je fais mes escapades nocturnes sous la forme d'un loup, je sors une trousse de secours.

- Je vois que tu as l'air d'avoir mal à la cheville. Je vais essayer de soulage un peu la douleur puis je te raccompagnerai. Ce n'est pas très prudent de traîner ici à cette heure… Tu as eu de la chance que le loup ne t'ai pas attaqué.

Délicatement, je presse la bombe de froid vers sa cheville enflée. Je lui jette quelque coup d’œil, attendant un peu qu'elle me parle de ce fameux loup. J'essayais de paraître calme, mais ce n'était pas facile, après tout elle m'avait enlacé et avait caressé mon pelage un moment. Je soupire un instant, je ne savais pas quoi dire. Et puis je ne voulais pas dire quelque chose de déplacer et qu'elle pense que je n'aime pas les animaux, mais en même temps j'étais bien obligé de dire qu'un loup pouvait être dangereux. Il ne faut pas qu'elle commence à croire que tous les loups sont aussi sympas que moi.

Je lui jette à nouveau un coup d’œil avant de doucement poser ma main sur sa cheville. J'enroule le bandage autour de sa blessure en espérant ne pas lui faire mal.

- Je vais te ramener chez toi. Je ne vais pas te laisser dormir ici, et puis  de toute façon rien ne dit qu'au matin ça ira mieux, tu pourrais être bloqué encore un moment. Et puis, même si le loup n'avait pas l'air méchant, je ne suis pas sur que l'on puisse en dire autant des autres...

Contrairement à lorsque j'étais sous la forme de loup, je la trouve nettement plus angoissée. Elle a plus peur d'un homme que d'un loup qui pourrait la manger ? Vraiment de plus en plus étrange… Je remarque bien son mouvement de recul bien sur, alors j'avance doucement jusqu'à elle, comme on pourrait le faire pour ne pas effrayer un chaton.

Lorsqu'elle me remercie, je lui fais un petit sourire comme pour dire « il n'y a pas de quoi ». M'occupant de sa cheville, je sens son regard qui passe sur moi, mais je préfère ignorer. Même si elle me détaillait, rien ne pouvait lui laisser penser que j'étais le loup, Enfin mis à part pour l’œil. Mais tant qu'elle ne voyait pas la cicatrice qui est identique, ça devait être bon. Après tout ça pouvait juste être une énorme coïncidence, personne ne se dirait dès le début « Oh tiens un œil en moins comme le loup, ça doit être parce que c'est la même personne ! ». Les étoiles avaient beau être connues, les humains ne savent pas toujours de quoi nous sommes capable.

Je hausse un sourcil en l'entendant répondre un peu brusquement pour finalement… me défendre contre moi même. J'allais sourire une nouvelle fois mais je me retiens lorsque je vois une grimace se dessiner sur son visage. Je ne veux pas qu'elle croit que je suis content de lui faire mal mais malgré tout, je suis obligé de continuer de la soigner afin de soulager sa douleur. Mes joues deviennent rouge lorsque je l'entends me complimenter sur mon pelage blanc. C'était assez difficile de rester stoïque face à de tel éloge, alors pour cacher mon embarras je tourne la tête et me force à tousser un peu. Puis, lorsque je la vois bouger, posant sa main sur mon épaule, je l'aide à se relever. C'est vraiment la pire idée qu'elle pouvait avoir. En forçant maintenant sur sa cheville, ça n'allait pas vraiment aidé la guérison… Alors que je veux la retenir, elle est déjà debout à s'éloigner de moi pour aller vers un arbre. Je peux comprendre qu'elle soit assez fière pour vouloir se débrouiller seul, mais ça devait être vraiment douloureux.

- Mais ça ne me dérange pas de t'emmener. Tu risques d'empirer ta blessure. Je ne m'y connais pas vraiment, mais imagines que tu viennes à te casser la cheville, alors qu'une entorse il suffit de quelques jours pour la soigner.

Je soupire en me redressant. Je range rapidement mes affaires dans mon sac à dos, gardant la lampe torche dans les mains. Il fait vraiment nuit et avec les racines un peu partout, je risque de me casser la figure. Je passe mon sac sur mon épaule et m'avance pour la rejoindre pour être prêt à la retenir si jamais elle tombe. Manque de chance, elle finit par se ramasser avant que je n'ai pu être près d'elle. Je grimace en imaginant la douleur qu'elle peut ressentir à ce moment là. J'accours rapidement à ses côtés, inquiet qu'elle ai pu se blesser un peu plus et je m'accroupis à nouveau pour l'aider à se redresser un peu afin qu'elle soit assise par terre.

- Tu vas bien ? Je t'avais bien dit de faire attention… Je soupire doucement. Allez je t’emmène, plus de discussion possible.

Je lui donne encore une fois la lampe torche, puis lui passe le sac pour qu'elle le mette sur ses épaules. Je me gratte un instant le bras autour de la griffure que je me suis fait tout à l'heure lorsque j'étais un loup. La cicatrisation est en train de commencer, ce qui venait au final me démanger. Doucement, je viens plus près d'elle, et faisant bien attention, je finis par la prendre sur mon dos en me redressant. Je la trouve déjà pas très grosse, mais l'avoir sur le dos me prouve qu'elle est vraiment maigre. Faisant régulièrement du sport, et elle étant très légére, je n'ai pas de problème pour la porter loin de là.

- Éclaire bien par terre que je ne me prenne pas les pieds dans une racine moi aussi… Alors tu habites vers où ?

Tout en attendant sa réponse, je commence à marcher. Elle habite forcément en ville alors déjà, commençons par sortir de la forêt.

La jeune fille a accepté plus facilement que je ne le pensais à être portée sur mon dos. En même temps, elle n’avait pas forcément d’autres options à part dormir dans la forêt. Mais ça, je ne l’aurais pas laissé faire, autrement j’aurais passé ma nuit à m’angoisser pour elle. Là au moins elle serait au chaud et en sécurité chez elle.

Docile, la brune reste un instant contre moi avant d’enrouler ses bras autour de mon cou, à ma plus grande surprise. Un sourire se dessine sur mon visage alors que je me mets en route, la jeune femme éclairant consciencieusement le chemin du retour. Au vue de sa taille, je me dis qu’il aurait été clairement impossible de faire cela tout en étant un loup. Tant pis si elle m’en veut de l’avoir abandonnée à ce moment-là, moi je sais que j’ai bien fait.

Je remarque que nous avons quitté la forêt lorsque mon pied se pose sur le bitume bien éclairé par les lampadaires de la ville. Sans rien dire, j’acquiesce en entendant la direction à suivre. Habitant aussi par là-bas, je peux dire que je connais assez bien la route. Nous avançons dans la ville encore endormie, exceptionnellement nous croisons une voiture à un croisement de route. Passant devant une vitrine, je regarde furtivement le reflet dedans. La jeune fille ne semble plus du tout effrayer, bien au contraire elle a même l’air d’apprécier cette petite promenade nocturne. Nous passons ensuite devant mon immeuble, mais je ne dis rien. Elle serait capable de descendre de mon dos et de me dire de rentrer chez moi car son appartement n’est plus très loin, que ce soit vrai ou non. Mais encore une fois, hors de question de la laisser se débrouiller seule dans cet état. Surtout que c’est en partie de ma faute.

- Ce n’est pas un souci, c’est aussi pour moi que je t’aide. J’aurais vraiment culpabilisé si je t’avais laissé seule dans la forêt C’est où chez toi ?

La jeune fille m’indiqua la route à suivre et je me remis en marche. J’étais assez fatigué à cause de la métamorphose, j’utilise mes dernières force pour porter la brune jusqu’à chez elle. Ensuite j’irais sûrement m’écrouler dans mon lit après avoir rampé de fatigue dans les rues. Du coup sa proposition de thé, aussi sympathique soit-elle, devra passer à la trappe. Je risque fortement de m’endormir sur son canapé autrement. Mais cette jeune femme me plait. Elle semble intéressante, gentille et surtout elle n’a pas peur de moi que ce soit en tant qu’humain comme en tant que loup. Et puis je dois l’avouer, j’ai encore envie que quelqu’un caresse ma fourrure, depuis Liam plus personne ne le fait, et pourtant c’est si agréable…

- Tu sais, je crois que ce loup est souvent dans la forêt mais tard dans la nuit pour ne pas être dérangé par les humains, enfin je présume. Alors tu devrais faire attention de ne pas trop traîner là-bas, surtout vers deux ou trois heures du matin. En plus si tu es encore sans lampe, veste ou autre chose, tu risques d’avoir des problèmes. Et ce n’est pas sûr que quelqu’un soit encore dans les parages à ce moment-là.

Et voilà comment de manière très subtile je donne rendez-vous à la jeune fille pour venir me voir après ma transformation. J’espérai juste qu’elle écoute mes conseils pour la prochaine fois. Car si j’apparais une nouvelle fois en humain face à elle pour l’aider, cela pourrait finir par éveiller des soupçons.

Nous finissons par arriver devant l’immeuble de la brune, je m’approche du digicode pour qu’elle puisse déverrouiller la porte et nous pénétrons dans le hall. Je regarde autour de moi en attendant ses indications. Consciencieux, je suis plus que déterminé à la conduire jusqu’au pas de sa porte. Utilisant l’ascenseur, nous arrivons rapidement à son étage. Doucement, faisant bien attention à ce qu’elle ne s’appuie pas sur sa cheville, je la pose à terre.

- Au faite, merci de m’avoir proposé du thé tout à l’heure, mais après réflexion, il se fait tard et j’ai juste envie d’aller dormir. On remet ça à une prochaine fois. Je lui souris. Et fais quand même attention aux loups si tu retournes dans la forêt, je doute qu’ils soient tous aussi gentils que le blanc…

Tout en parlant, je récupère mon sac à dos ainsi que ma lampe torche que je range à l’intérieur. Une nouvelle fois, je gratte la griffure à mon bras, attendant que la jeune fille me rende ma veste.