Fromage et Retrouvailles — ft. Chlo

Déambulations. Chlodwig n'aimait se balader en ville, bien au contraire. Il aurait voulu pouvoir rester cloîtrer dans un coin de leur Quartier Général, bien à l'abri. Mais il n'était pas non plus le genre de personne qui se sentait à l'abri dans un lieu aussi fréquenté que celui-là. Les Crépusculaires étaient déjà un petit nombre et certains se baladaient aisément sans prêter attention au fait que, recherchés, ils pouvaient se faire capturer au moindre coin de rue. Et le moindre capturé, la moindre beuverie en trop pouvait être celle qui signalerait la fin de l'organisation, un peu trop frêle pour se défendre correctement si l'on venait l'assiéger chez elle. Il était indispensable de visiter également la ville, de prendre le risque de sortir, encore et toujours, pour savoir comment s'échapper, où étaient les impasses et quels recoins seraient propices à une fuite. Ou alors il pouvait fuir dans la forêt. Mais cela ne changerait rien au fait qu'adviendrait un moment où lui, Chlodiwg Pfeiffer, terroriste, serait obligé de revenir à la civilisation et de fuir, encore et toujours, comme il avait dû fuir alors qu'il était innocent. Parce qu'il n'était pas idiot et qu'il avait eût vent de ces expériences sur les étoiles que menaient les gouvernements avant d'avoir commis l'irréparable, qu'il savait qu'une production de pandas intéresserait bien trop la Chine pour son bien au vu des réactions déjà produites.

Ce qu'il aimait, c'était se balader un tant soit peu déguisé dans des rues bondées, celles où la présence d'autres personnes permettait de se construire un bouclier, de prendre rapidement des otages si le besoin s'en faisait sentir, celles où les terroristes ne se baladaient tout simplement pas. Mais ces rues ne sont pas les seules de la ville, même si elles en constituent les artères principales. Et, pour effectivement fuir quelqu'un, de telles lignes droites ne serviraient à rien, ne conférant pas de réelle possibilité de semer un adversaire sans utiliser la foule à son avantage, foule pouvant tout aussi bien être utilisée contre lui s'il ne faisait pas assez attention, qu'il n'était pas parfaitement préparées. Dans chaque ville, il y a ce labyrinthe de rues bien peu fréquentées, qui serpentent encore et encore, endroit idéal pour se cacher et semer des poursuivants. Le lieu de bien des activités peu légales, mais également celui où des policiers descendaient sans doute assez souvent, dans le but de porter atteinte à ce monde illégal qui se tissait sous la ville et dans lequel il avait fini par tomber, cette toile d'araignée dont on ne pouvait plus s'échapper une fois que l'on s'était englué dedans. Et il était pris dedans, comme une proie pour le monde de la Justice qui finirait bien par l'avaler si les choses n'évoluaient pas de manière favorable.

L'étoile divine existait. Ça, il en était certain. Il était une étoile et il se souvenait de sa vie, là haut, dans l'espace. S'il était arrivé là, c'est justement qu'elle existait et qu'elle ne pouvait pas n'être qu'un mythe. Et si elle aimait vraiment les humains, voulaient vraiment qu'ils les protègent alors elle réagirait d'une façon ou d'une autre. Les écrasant comme des fourmis ou cédant à leurs caprices. Mais pour cela, ils devaient attirer ses yeux, causer du chaos. Et pour ça, ils devaient faire des choses. Mais ils ne faisaient rien. Rien du tout. Enfin, si un petit peu, mais leur présence n'était pas vraiment visible dans la société et l'on ne pouvait pas vraiment dire qu'ils avaient fait grand chose pour la secouer, l'ébranler correctement. Aujourd'hui, il ne faisait que visiter la ville, que se familiariser avec la façon dont elle était construite. Rien de plus que cela, rien de moins. Mais demain, peut-être, il agirait. Il produirait un peu de désordre d'une façon ou d'une autre et se retirerait paisiblement sans que rien ne vienne le déranger, sans que rien ne mette en danger la vie des autres. Mais qui clamerait haut et fort que le Crépuscule était là et qu'il était actif. Et qui, semant quelque peu la pagaille, encouragerait les gens à paniquer, à réagir à outrance et à propager encore et encore la peur et l'agitation.

Droite, gauche, gauche. Il avait un plan mais il ne s'en servait pas vraiment puisqu'avoir l'air perdu au beau milieu de la ruelle était un peu trop dangereux à son goût. A la place, il l'avait étudié avant de sortir et avait tenté de mémoriser autant que possible la façon dont les rues s'intersectaient. Il ne restait qu'à observer attentivement pour repérer les endroits trop encombrés par des poubelles ou des choses du genre, ceux où l'on pouvait trouver des escaliers extérieurs permettant de grimper jusqu'en haut d'un bâtiment de déverser quoi que l'on veuille en bas. De petites choses comme ça, des détails qui pouvaient faire ou défaire un plan et qui étaient, au final, l'aspect le plus important d'une visite en ville, celui auquel on se devait de prêter attention, même si l'on était juste venu jouer une partie d'échecs avec un amateur de fromage ou quelque chose du genre. Il n'y avait aucune raison de vraiment relâcher sa garde un seul instant, après tout, on ne pouvait pas dire qu'il était compliqué de la maintenir et d'entretenir un esprit vif et alerte. C'était une question de réalisme et, s'il n'en était pas sûr, il espérait bien que les autres membres du Crépuscule faisaient de même parce que sinon, ils risquaient de courir droit dans un mur. Après tout, il n'étaient pas des soldats, pas entraînés pour la plupart. Juste de simples gens qui avaient leurs forces et leurs défauts, qui ne s'étaient jamais vraiment frotté à la violence. Et potentiellement des maillons faibles qui craqueraient face à la torture, qui n'auraient que peu de chances de s'enfuir si on les débusquait parce qu'ils ne s'étaient pas préparés, n'avaient pas passé et repassé des scénarios dans leur tête, jouant d'énormes parties d'échecs grandeur nature où les inconnues abondaient.

Croquant dans un morceau de fromage qu'il venait de couper avec un peu de mal pendant qu'il marchait, il tourna encore. Ce fromage était vraiment de bonne qualité et il fondait adorablement sur la langue, au point qu'il aurait voulu pouvoir le goûter avec du pain. Mais trouver du bon pain au Japon, c'est aussi quelque chose de compliqué alors il se retenait, faisait avec. S'il n'avait pas été poursuivi, recherché, il aurait pu tranquillement se trouver de bonnes adresses. Ou faire du pain maison. Oui, il pouvait se faire ça, il allait falloir qu'il y songe un peu plus tard, lorsqu'il s'agirait d'établir une nouvelle liste de courses réaliste. Levant les yeux, il s'aperçu qu'il y avait quelqu'un dans la ruelle. Pas un japonais, l'air un peu perdu comme s'il cherchait quelque chose. La personne en question lui rappelait quelqu'un, même s'il ne parvenait pas à savoir qui ou où il pouvait l'avoir vue, mais elle ne semblait pas dangereuse, quelqu'un dont il n'avait pas avoir peur, vu qu'il était armé et que, si on le surprenait d'une balle, il pourrait toujours s'en sortir. Quelqu'un qui l'intriguait, ce qui l'entraîna à prendre la parole, à poser une simple question. Il avait un peu envie d'en savoir plus, sa curiosité titillée par cette impression que c'était une connaissance alors qu'il ne s'en souvenait absolument pas.

« - Vous cherchez quelque chose ? »