Brillante étoile, que n'ai-je ta constance ?

couleur des yeux — noirs ; couleur des cheveux — noirs ; taille — 1m55 ; poids — 47 kg ; tatouages ou piercings — non ; cicatrices — elle a une grosse cicatrice derrière son crâne, mais elle est cachée par ses cheveux. ; style vestimentaire — vêtements simples et confortables

Depuis qu'elle est arrivée il y a quelques années, Yukiko a toujours été très populaire. Enjouée et pétillante, elle avait toujours le bon mot pour réconforter les gens tristes, et toujours le temps de venir en aide à qui en avait besoin. Et puis, comment résister à cette petite tête frangée et toujours souriante ? Entourée de nombreux amis, son esprit était occupé par des problématiques simples : avoir des bonnes notes en classe, être remarquée par senpai, acheter des vêtements mignons... Que demander de plus dans la vie ? A la limite, elle aurait peut-être aimé que ses parents soient plus souvent à la maison – même s'ils faisaient des efforts pour avoir le temps de lui parler régulièrement par messages ou au téléphone. Mais bon, en soi, elle avait appris à ne plus leur en vouloir pour ça en grandissant, et appréciait quand même leurs efforts à leur juste valeur.

En bref, Yukiko avait une jolie petite vie tracée devant elle. Mais ce n'est pas celle qui nous intéressera, car pour elle, cette vie-là est derrière. Suite à un accident lors de sa première année de lycée, elle a perdu la mémoire, et les seuls souvenirs qu'elle a conservé, et donc sur lesquels elle se calque, sont ceux qui lui restaient de son enfance (jusqu'à ses dix ans environ).  

Et là, on peut dire adieu à l'adorable lycéenne enjouée et heureuse décrite dans le premier paragraphe de cette description. Parce qu'avant de déménager à Hoshikami et d'entrer au collège, Yukiko ne faisait pas autant d'efforts pour aller vers son prochain – elle n'en faisait même aucun. Indifférente, un peu farouche et souvent lassée, elle n'aimait pas consacrer de temps à autre chose que ce qui l'amusait vraiment (trouver des insectes, faire du vélo, regarder les fleurs et les poissons, se perdre dans le parc près de l'école...) et trouvait tout le reste franchement nul, ce qu'elle hésitait rarement à faire savoir. D'ailleurs, elle se faisait souvent gronder à cause de toutes ses bêtises, et en voulait beaucoup à ses parents (et, par extension, à tous les adultes, parce que de toute façon c'est bien connu, ils sont tous pareils).

Alors forcément, un esprit de gamine dans un corps de lycéenne, ça chamboule tout - elle a en vérité perdu bien plus que sa fausse personnalité depuis son accident. Toutes ces leçons durement révisées, les noms et visages de ses amis, les rues d'Hoshikami, et tant, tant d'autres souvenirs, plus précieux et uniques les uns que les autres. Si elle est "redevenue elle-même" depuis son accident, elle a perdu cette étincelle dans ses yeux qui donnait le sentiment aux autres qu'elle savait exactement ce qu'elle faisait, et n'est devenue qu'une gamine égarée de plus au regard vide, au grand dam de ses proches.

(Bonus fact : elle adore le jus de pommes, et ça par contre, elle ne l'oubliera jamais !)

(Le lendemain de son réveil)

« Aujourd'hui, Maman est venue me voir à l'hôpital. Le médecin a dit que je souffrais d'amnésie tardigrade. Enfin je crois, j'ai pas trop compris... Les médecins utilisent toujours trop de mots compliqués. Du coup je dois rester sagement dans la chambre. Je suis très vexée parce qu'ils m'ont donné ce cahier et des feutres pour faire du coloriage. Je suis une grande moi, j'ai pas envie de faire du coloriage... En plus du coup ça me fait une écriture toute grosse. Je suis sûre que les grands on leur donne des cahiers et des crayons (de grands) pour écrire (des trucs de grands), eux. C'est pas juste ! J'espère que le médecin va tomber dans l'escalier. Il a dit à Maman et Papa que je devrai suivre une thérapie pour m'aider à retrouver des souvenirs plus récents mais je comprends vraiment pas de quoi il parle, ça m'énerve !!! »

Yukiko, agacée, commença à dessiner un monstre par dessus le joli coloriage de poney qui se trouvait sur la page où elle avait écrit cette terrible diatribe contre le secteur médical. Elle ne comprenait rien. Dans son dernier souvenir, elle était en train de s'endormir sur le porche de la maison de sa mémé, bercée par la brise qui caressait les cerisiers en fleurs... Sauf qu'elle ne s'était pas réveillé au bon endroit du tout. Et visiblement, quelqu'un lui avait cogné la tête en la mettant dans ce lit, parce qu'elle avait un gros bandage autour du crâne et ça lui faisait encore un peu mal. Elle regarda ses mains, perplexes. Est-ce qu'elles étaient devenues plus grandes ?
Même si elle avait fait la fière sur son cahier de coloriage, elle était rongée par le doute. Elle devait se souvenir de quoi, exactement ? Qu'est-ce qui s'était passé avant qu'elle se réveille ? Elle mit ses deux index sur ses oreilles pour bloquer tous les sons environnants et commença à réfléchir fort fort fort.

Mais rien ne lui revenait.

Elle poussa un long soupir et plongea sa tête dans l'oreiller.

**
**

(Une semaine avant son réveil, six mois après son accident)

- Shiemi ? Ca va ? Tu as l'air plongée dans tes pensées..
- Oui oui, ça va.
- Si c'est au sujet de Yukiko, je pense qu'il vaut mieux qu'on en parle. Ca n'aidera personne de tout garder pour soi-même...
- …

Shiemi enleva ses lunettes et les posa sur son bureau, par-dessus une pile de contrats à examiner. Elle passa une main dans ses longs cheveux noirs pour les pousser en arrière, et posa ses yeux marqués par les cernes sur une photo de Yukiko soigneusement scotchée sur le mur.

- Je... j'ai peur, Ren. Notre petite fille... Et si elle nous a oublié quand elle se réveille ?... Et si elle ne se réveille jamais ?

Trop fière pour montrer ses larmes même à son mari, elle tourna la tête vers la fenêtre et arrêta de parler, pour éviter que sa voix ne commence à trembler. Il sourit tristement et se rapprocha d'elle pour lui prendre la main.

- Après être tombée de cette hauteur à vélo, on a beaucoup de chance qu'elle soit encore en vie. Tellement, d'ailleurs, que ce serait impossible qu'elle ne se réveille pas, ou qu'elle nous oublie. (Il l'embrasse tendrement.) Aie confiance en elle, Shiemi. Notre fille est très forte.

Elle sourit à son tour, et hocha la tête. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'est avoir confiance. Elle décida d'ignorer les remords qui la rongeaient quant à son absence au chevet de sa fille, et remit ses lunettes avant de se remettre au travail.
Il fallait bien payer les frais d’hôpital.

**
**

(Trois mois avant son accident, rentrée scolaire)

- Bonjour tout le monde !
- Bonjour Yukiko ! On est dans la même classe cette année, c'est génial !
- Bonjour Yukiko, tu vas bien ?
- Yukiko ! J'ai écouté le CD que tu m'as prêté mais je l'ai oublié, je peux te le rendre demain ?

Son sourire était radieux. Peut-être qu'à ce stade de mensonge, elle avait fini par y croire elle-même. Elle se fichait éperdument d'être dans la même classe que cette crétine, et l'autre abruti pouvait bien s'enfoncer son CD dans la fente appropriée. Mais pourtant, son sourire était radieux. Peut-être plutôt que c'était la satisfaction de réussir ce que tous les autres rataient qui la faisait sourire ? Ou peut-être tout simplement que c'était le sourire de quelqu'un qui maîtrisait chaque aspect de sa vie au millimètre près.
Elle avait accordé un soin immense à éviter toute sorte de conflits ou de situations problématiques, ou à les passer sous silence lorsqu'ils relevaient du hasard, de telle sorte que les seules préoccupations qui lui restaient étaient superficielles et facilement réalisables. Pour avoir de bonnes notes en sport, elle allait régulièrement courir au parc. Pour avoir de bonnes notes en maths, elle révisait régulièrement à la bibliothèque. Etc.

De temps à autre, elle prenait son vélo pour aller à la forêt ou à la plage, et se changer les idées. C'était sa petite récompense personnelle, et dans les mauvais moments ça pouvait même devenir sa motivation à avancer. En effet, lorsqu'elle et ses parents avaient déménagé, elle avait décidé de devenir une fille et une élève modèle, d'une part pour qu'ils arrêtent de la gronder, d'autre part pour gagner son indépendance le plus rapidement possible. Son dossier scolaire irréprochable lui permettrait d'aller dans une université prestigieuse et loin d'ici (idéalement à l'étranger), lui permettant d'à la fois satisfaire les exigences de ses parents et se libérer de leur tutelle. Tant pis si sa future étoile devait l'attendre ici.

Pendant l'assemblée générale, elle prêta attention aux visages des camarades qui l'entouraient, se disant qu'elle n'avait plus que trois ans à tenir avant de s'en séparer pour toujours.

**
**

(Environ un an après son réveil)

« Cher journal,

Après avoir passé des mois avec cet horrible monsieur méchant qui me retenait enfermée chez moi et qui faisait que de m'embêter (note de la joueuse : un professeur particulier pour la remettre à niveau hein, pas un pedobear), je suis allée voir le proviseur de l'académie avec Maman et Papa. Ils m'ont dit que j'allais avoir cours en première année de lycée à partir de la prochaine rentrée... Je veux pas retourner à l'école moi, c'est encore pire ! C'est comme guérir de la grippe pour attraper la peste noire...

Maman m'a dit que si je voulais travailler avec eux plus tard il ne fallait pas que je prenne trop de temps à me réinsérer dans mes études, mais je m'en fiche, je déteste être enfermée, et je déteste tous ces gens qui font semblant d'être gentils !

Pour me venger, j'ai mis du wasabi dans le thermos de thé vert qu'elle emmène au travail tous les matins. Bien fait, sale truie !! »

Elle ferme son journal et s'allonge dans l'herbe. Son regard se perd dans les nuages. Combien de temps avait-t-elle perdu ? Et pourquoi le destin lui donnait-il cette seconde chance ? Elle n'eut pas le temps de se perdre dans ses pensées, parce qu'un nuage en forme de banane la fit éclater de rire. Enfant (et maintenant), Yukiko avait toujours eu besoin de très peu pour s'amuser lorsqu'elle était toute seule.

**
**

Petite chronologie pour s'y retrouver (et parce que sinon je vais oublier) :
Elle est arrivée à Hoshikami lorsqu'elle avait 12 ans (avant ça, elle passe une enfance tranquille et rythmée par ses propres bêtises), où elle est devenue une parfaite élève modèle. Elle a eu son accident à 15 ans, pendant les vacances d'été de sa (première) première année. Du coup elle est tombée dans le coma pendant six mois. Après son réveil, elle a passé un mois à l'hôpital parce que les médecins voulaient surveiller son état physique et mental. Voyant qu'elle se portait plutôt bien, ils ont décidé de la laisser rentrer chez elle, et ses parents ont engagé un professeur particulier pour qu'elle rattrape les cours de collège qu'elle avait oublié – comme elle n'avait jamais fini sa première année, ils ont préféré qu'elle la recommence intégralement à la prochaine rentrée.