[ chlodwig pfeiffer ] note à soi même : les maisons, c'est dangereux. [ terminé ]

La demoiselle avait fini sa journée la tête dans les dossiers. Elle était censée les trier, mais elle n’y arrivait pas. Elle ne savait pas comment elle devait s’y prendre. Les trier par genre ? par prise ? par couleur ? par thème ? Elle aurait aimé demander ça à son patron, mais cet abruti avait décidé de participer au pot de départ d’une de ses employées, et lui avait refilé tout le sale boulot. Tout ça parce qu’elle n’aimait pas la fille en question. Et parce qu’il la voulait dans son lit aussi. Elle en avait sa claque. Elle avait pris son sac, l’avait rempli de quelques clichés qu’elle aimait bien et qui ne manquerait à personne, et avait essayer d’empiler tout le reste. Un genre de bordel organisé plus bordélique qu’organisé, mais peut importait. Elle s’était tirée.

Elle était passée chez elle, avait posé ses affaires en vrac dans un coin de sa chambre, avait appelé quelques un de ses amis peu fréquentable, et ils s’étaient retrouvé dans son bureau. Ils avaient commencer par des cigarettes. Traditionnelles. Ils y avaient ajouté un peu d’alcool. Puis les cigarettes avaient pris une allure plus illégale. Ils avaient fini par avoir une soirée plutôt… divertissante. Fay avait fini la tête dans les étoiles, littéralement.  Ses amis avaient fini par gésir dans divers coin de la salle. Canapé, à même le sol, sur le billard. Elle avait décidé de prendre l’air.

Elle passait le clair de son temps la tête levée, un sourire accroché à son visage, divertie par les étoiles qui lui semblaient si proche et si lumineuse à la fois. Elle avait presque l’impression de pouvoir retourner là-bas, de pouvoir retrouver sa vie où elle n’était qu’à moitié consciente de ce qu’il se passait. Une autre partie d’elle même trouvait ça con. Elle appréciait son corps humain, où ses sensations étaient exacerbé. Elle aimait le pouvoir qu’on lui avait donné. Mais elle n’aimait pas sa situation éphémère. A ce moment là, elle avait littéralement un ange et un démon sur chacune de ses épaules.

Elle sourit, et baissa la tête. Elle ne savait plus où elle était. Devant elle, une maison lugubre, délaissée. Abandonnée. La bâtisse était recouverte de lierre et de mousse, les fenêtres étaient cassées, et la porte sortait de ses gonds. Elle trouva ça amusant. La tête embrouillée, elle eu la pensée fugace d’utiliser ce lieu comme lieu de travail le lendemain. Pensée aussitôt remplacée par l’enthousiasme de la visiter. Elle voulait se sentir vivante.

Elle passa un pied dans la maison, et ressenti les prémices d’un sentiment d’angoisse et d'excitation.  

Généralement, les gens qui entraient dans des maisons qui n'étaient pas les leurs étaient considérés des voleurs. Mais Chlodwig n'était pas un voleur. Il était un terroriste recherché par les forces de l'ordre. Et, même si on le voyait là où il était, il y avait fort peu de chances pour qu'on le prenne pour quelqu'un de louche. Après tout, même si cette demeure n'était pas la sienne, il n'était pas techniquement en train de commettre un crime : elle n'appartenait à personne. Et les gens disaient qu'elle était hantée par le fantôme d'une vieille dame qui l'avait autrefois habité. Ce qui n'était probablement qu'un ramassis d'idioties.

La seule fille qui hantait les lieux, c'était Chlodwig Pfeiffer. Comment ça, un garçon ? Non, non. Il s'agissait bien là d'une personne à l'apparence toute féminine. Une couverture comme une autre. Et un moyen, certes étrange, de décompresser, de fuir le poids du quotidien. Pas que celui-ci lui déplaise mais il fallait bien admettre que... de temps en temps, il fallait bien prendre un peu de repos. Et pour ça, rien de mieux qu'un peu de fromage. Le problème, c'est que le Quartier Général, tout sûr soit-il pour Chlodwig, ne l'était apparemment pas pour du fromage. Et qu'il n'avait pas le luxe de se procurer par lui-même cette denrée si appréciée quand il le voulait.

Puisqu'il existait des idiots capables de manger le fromage de leur supérieur, Chlodwig n'avait plus vraiment le choix : il lui fallait en conserver ailleurs, là où personne n'irait chercher du fromage. Certes, les conditions de préservation ne seraient pas forcément les meilleures mais il pourrait faire avec. Le plus délicat, c'était le choix de l'emplacement. Quelque chose de relativement accessible - ne pas avoir à creuser par exemple - et où l'odeur passerait inaperçue. Quoi de mieux pour cela que l'endroit où tous les lycéens vont faire leur test de courage. Et d'où ils s'enfuient tous en courant parce qu'ils se font peur entre eux ?

C'est après une telle réflexion - mais plus élaborée quand même - que le jeune terroriste avait finalement décidé de l'endroit où il allait pouvoir cacher ses biens. Et où, si un problème se produisait, il pourrait toujours s'en débarrasser d'une façon loufoque qui laisserait penser à un fantôme ou des hallucinations. Enfin, il trouverait bien. De toutes façons, il n'avait aucune raison d'avoir des ennuis dans un endroit où personne ne venait jamais sauf pour se donner des frissons et se faire maudire par une entité inexistante. Leur problème.

Il n'avait pas eu trop de mal à trouver un endroit qui se prêtait bien à ce qu'il voulait faire au premier étage. La maison était dans un tel état qu'en se débrouillant bien, on pouvait faire tomber des choses en dessous à travers les lattes du plancher. Ce n'était donc pas une surprise qu'il ait été capable de trouver un petit coin dans le mur où il pouvait ranger sa boite de fromage et faire comme si elle n'avait jamais été là, le mur était bien évidemment dans un état suffisamment lamentable pour que rien ne soit jamais remarqué.

Tout ce qu'il avait à faire, c'était ranger ça sans se faire remarquer, sans que qui que ce soit ne s'aperçoive de l'endroit où la boite se trouverait. Pour ça, il était près à s'occuper de n'importe quel intrus qui commettrait l'erreur de venir le déranger, soit en passant sous la pièce où il se trouvait soit, carrément, en arrivant beaucoup trop prêt. Il y avait aussi quelques petits trous dans les murs qui permettaient d'inspecter le couloir, un peu comme si la maison avait été construite pour espionner les gens où leur faire peur. Si ça se trouve, des personnes mal intentionnées étaient venues faire ces trous exactement pour pouvoir effrayer leurs camarades. Il s'en fichait.

Et puis il n'aurait plus qu'à repartir, jeune fille innocente venue ici en quête de frayeur, saluant les gens qu'elle croiserait avec un petit air effrayé, pour faire comme si, alors qu'elle sortirait de la maison. Ou peut-être courant, courant vers l'extérieur pour s'échapper de ce lui hanté. Il aviserait bien. Mais son plan était parfait. Comme tous les plans.

Sauf qu'une jeune fille venait de rentrer dans la maison. Et que, s'il ne se dépêchait pas, il allait effectivement devoir s'occuper de quelqu'un, malgré le peu de temps qu'il aurait effectivement passé dans la vieille bâtisse. Sauf que ça, il ne le savait pas encore, même si, alerte, il se demandait déjà d'où venait le bruit qui était arrivé discrètement jusqu'à son oreille.

La demoiselle était dans une dimension tout autre que celle dans laquelle elle devrait être. Au lieu de voir la réalité pour ce qu’elle était, elle prenait plaisir à la transformer en quelque chose de plus…. fantasmagorique. Les lustres rouillés étaient devenu de splendides lustres à chandelles, les rideaux déchirés venaient de goûter à une nouvelle jeunesse dans son imagination. Les trous devenaient dentelles, les lambeaux se transformaient en plis, et chaque morceaux de tissus avait le droit à une couleur différente. Certains se paraient de rouge, ou de prune, alors que d’autres tiraient sur l’ocre et l’ivoire.

Son imagination n’avait pas de limite. Elle recréa une atmosphère de bal, ramassa ce qui devait être une fourchette, et dansa avec. Ca ne lui posait absolument aucun problème. Dans son monde, son partenaire était un bel homme fringuant, aux cheveux ébène, et des yeux perçants. On aurait dit un corbeau. Un beau corbeau. N’était-ce pas un croassement qu’elle entendait ? Peu importe. Elle observa sa voisine. Une charmante aristocrate de premier choix, aux manières exagérées, qui se tordait de rire à chaque blague. Y avait-il seulement quelqu’un avec rire, hormis elle même ? Fay passa une main dans ses cheveux. Ils étaient bouclés. Elle était pourtant persuadé de les avoir lâche, et plutôt décoiffés même.

Elle ignora ces changements. Elle conversa avec son partenaire. Elle se mit à rire, d’un rire presque dément si on tenait compte de la situation dans laquelle elle agissait. Elle finit de danser, lasse, et se posa sur le canapé. Un nuage de poussière la salua, la faisant ainsi tousser. Pourtant, il semblait bien neuf. Étrange. Elle n’y prêta aucune attention, préférant jeter son dévolu sur le repas servi. Quelque chose en elle la retint de se nourrir, à sa plus grande déception. Son regard se posa alors sur le grand brun sexy avec qui elle avait dansé.

Elle lui prit la main. Elle prit la fourchette. Fit une révérence. Effectua une courbette maladroite dans le vide. Discuta avec lui. Conversa dans le vide. L’invita à se reposer dans une pièce quelconque. Alla maladroitement se poser dans le canapé à côté. Posa sa main sur le lit. Cogna sans le vouloir un mur. Hébétée, elle chercha du regard son cavalier, qui n’était nul part. Elle ne comprenait pas. Elle haussa les épaules, et s’allongea sur le canapé, face au plafond. Elle crut rapidement entr'apercevoir les étoiles.

Ce qui était discret comme le son d'un carillon se mua bien vite en quelque chose qui ressemblait plus à des sons de gongs. Autrement dit, c'était devenu totalement assourdissant. Tellement que Chlodwig n'avait même pas envie de savoir l'origine de ce bruit. Pas envie de devoir s'expliquer face à une personne un peu folle et totalement hors d'elle, même s'il était intrigué par son identité. S'il rencontrait cette personne, il y aurait des risques pour être embarqué dans un bazar monstre, quelque chose qu'il voulait éviter. C'était logique.

Alors il restait là, écoutant, observant. Pour l'instant, il n'agissait pas parce que l'intrus, quel qu'il soit, était encore à l'étage inférieur. Il préférait attendre un moment un peu plus calme. Ou celui où il serait en mesure de l'observer à travers les lattes du parquet, un peu comme un fantôme. Puis il s'en débarrasserait puisqu'il n'avait clairement pas le choix. Il ne le tuerait pas, non. Il l’assommerait. Et se débrouillerait après.

De toutes façons, maintenant, tout le fromage était en sécurité, à l'exception de ce petit morceau de camembert au creux de sa main. Il l'avala, le dégustant malgré la situation. Ça le calmait presque, le rassurant. Mais ce n'était pas suffisant. Parce que même s'il avait été capable d'élaborer un plan d'action dans l'urgence, Chlodwig avait quand même du mal à faire face à l'absurdité de la situation.

La preuve ? Tout simplement le fait qu'il avait prévu d'assommer cette personne en lui lâchant ce qu'il avait sous la main sur la tête. C'est-à-dire rien du tout. Il fouilla son manteau rapidement. Il avait bien un pistolet, de quoi se défendre. Mais c'était inutile, n'est-ce pas ? A part ça, rien d'autre que des poches vides. Des petits morceaux de papier, quelques crayons, son téléphone. Bref, pas grand chose qui soit suffisamment lourd pour se débarrasser sans causer trop de mal d'une autre personne.

Finalement, il la voyait. Elle était là, juste en dessous, sur le canapé. Un petit brin de femme qu'il ne connaissait pas. Et dont il se fichait quand même royalement. Vite, il fallait trouver quoi faire. Comment l'assommer, mettre en scène autre chose et laisser la folle là, même s'il était quand même intrigué par les raisons de sa présence ici. Et de son capharnaüm.

Du coup, que fit-il, cet idiot qui craignait de rencontrer cette jeune fille, bien plus frêle que lui ? Qui avait aussi, d'une certaine manière, un peu peur pour son fromage, au cas où elle bouge encore et se décide à tornader dans cette pièce où il était. Eh bien, rien de bien futé. Ou peut-être que si. Juste un petit morceau de papier de roulé qui passait à travers les fentes du parquet, prêt à tomber sur la tête de la charmante demoiselle.

Et qui finit par y atterrir, non sous la forme d'un simple objet mais sous celle d'un panda, au poids bien choisi de façon à ne pas trop amocher l'inconnue, preuve d'une intelligence qui fonctionnait encore même si, dans le feu de l'action, elle fonctionnait relativement mal. Il était beaucoup plus doué pour organiser des plans où réagir aux choses en en étant détaché.

Lorsqu'il redescendit, Chlodiwg pu constater qu'effectivement il avait bien réussi à assommer la personne - même si ça il s'en doutait - sans faire trop de dégâts. Ni à elle ni au panda qui avait quand même dû bien être effrayé par une telle venue au monde. Maintenant, il ne restait plus qu'à camoufler un petit peu son acte. A le faire passer pour les actions idiotes d'un gamin en mal d'amusement.

Pour se faire, rien de plus simple. Sortir les stylos de ses poches, plus particulièrement le marqueur qui s'y trouvait, et dessiner n'importe quoi sur le visage de la belle au bois dormant. Une fois cela fait, prendre un autre petit morceau de papier, y inscrire un numéro et une phrase idiote. Style "Envoie un message et tu auras des pandas et du fromage, ma belle.". Rien de bien original mais il n'allait quand même pas non plus y réfléchir, hein ? Plutôt détaller des lieux en vitesse.

Une fois le petit papier glissé dans l'une des poches de l'autre endormie, avec un numéro où elle pourrait vraiment le joindre - après tout, si elle le faisait, il pourrait s'amuser et, peut-être, la manipuler pour lui faire faire quelque chose à sa place - il empoigne le panda. Pas encore assez gros pour lui échapper celui-là. Il ne sait pas trop ce qu'il va en faire et se barre. De toutes façons, de là à leur QG, il ne rencontrerait sans doute pas grand monde s'il ne le le voulait pas.

En tout cas, un jour, il faudrait vraiment de ce côté impulsif qu'il avait parfois. Et qu'il apprenne à gérer son stress, un peu comme aux échecs. C'était mieux que de se retrouver avec un panda sous le bras sans avoir la moindre idée de la manière de s'en débarrasser. Au pire, il l'offrirait à Hu. Ouais voilà, il pourrait toujours faire ça. Il était mignon, ce panda, après tout.

Le canapé était pas confortable du tout, ce qui était plutôt logique étant donné qu’il n’était pas dans la fleur de l’âge. Le tissu était déchiré et usé si bien que des ressors venaient saluer le dos de la demoiselle. Ce n’était cependant pas ce qu’elle vivait. Pour elle, il était admirablement confortable, et bizarrement bien adapté à son dos. Elle observa le plafond. Ses hallucinations se mêlaient à la réalité, l’empêchant de savoir si le plafond était réellement en bon état comme elle l’imaginait, ou s’il était vraiment abîmé et en mauvais état comme elle pensait se l’imaginer ?

Bizarre. Elle cru entendre quelque chose grincer, mais elle plaça se bruit irritant sur le dos de ses hallucinations - qui étaient du coup, la réalité. Elle se redressa, et s’assit. Elle baissa la tête sur le dossier, et continua de fixer le plafond. Puisqu’elle était au premier, il y avait sûrement un étage. Elle n’y prêta pas attention. Son attention se concentra sur ce qui lui sembla être une toile d’araignée. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Elle se frotta les yeux, pensant que la fatigue commençait à prendre le dessus.

Elle le cru vraiment lorsqu’elle vit un maigre bout de papier se transformer en panda pour lui tomber dessus. C’est seulement à ce moment là qu’elle pensa commencer à halluciner. Ce qui était assez effrayant au final. L’animal la percuta, et le noir l’enveloppa avec douceur. Son sommeil, si on pouvait l’appeler comme ça, fut sans rêve. Elle ne s’agita pas, se contentant de rester pendant quelques heures de rester allongée là, inconsciente de sa folie passagère, et de ce sommeil qui avait été volontairement provoqué. Le seul souvenir qu’elle en garda le lendemain matin, ce fut un mal de crâne aussi bien physique que psychologique.

Encore dans les vapes du sommeil, elle se redressa, et observa choquée ce qui l’entourait. Elle ne se souvenait pas d’avoir mis les pieds dans un lieu aussi délabré. Aussi poussiéreux et abîmé. Elle soupira, et essaya tant bien que mal de nettoyer son jean qui avait fini dans un état plutôt déplorable à la suite de ses aventures nocturnes. L’odeur de ses vêtements était nauséabonde, de telle manière qu’en rentrant chez elle, elle s’était hâtée de vider ses poches, déposant les papiers dans un coin, et reposant ses clés près de la porte afin de les passer à la machine illico.

Elle observa ses amis qui étaient resté chez elle, et soupira. Elle sortie une bouteille au hasard, et s’en servi un verre. Sans qu’elle s’en rende compte, le fond du verre reflétait un papier roulé en boule, sur lequel un numéro était inscrit, et dont elle n’avait aucun souvenir…