♫ broken and empty, but you don't care ♫ [Pv Susanne ♥]

J’ai remarqué l’heure tardive en sortant de chez une connaissance à Hoshikami qui m’avait invitée à dîner. Une vieille dame que j’ai un jour aidée et qui depuis insiste pour que je lui rende visite à de chacun de mes passages en ville. Elle doit se sentir seule depuis le décès de son mari, c’est la conclusion à laquelle j’arrive à chaque fois, après qu’elle m’ait raconté sa semaine et questionnée sur la mienne. La solitude est le pire des maux pour une personne âgée, lorsque ses enfants habitent trop loin ou sont trop occupés pour lui rendre visite. Je me suis pris d’affection pour cette femme et je ne veux pas qu’elle en souffre. Je lui ai d’ailleurs promis de l’inviter au restaurant lors de ma prochaine venue.

Les devantures des commerces commencent à s’illuminer alors que le soleil se couche. Je laisse derrière moi les allées aux restaurant bondés et emprunte une rue moins animée. Il fait bon, aujourd’hui.

Je ne prête pas grande attention aux autres passants. Je songe à ma chambre d’hôtel où je vais très certainement passer le reste de ma soirée. Je n’avais pas d’autre projet, ce soir, que ce repas en toute intimité. Je ne me rends pas à Hoshikami pour sortir la nuit et faire la tête. Je ne sais pas trop ce que j’attends de cet endroit mais je m’y sens apaisée, j’aime y revenir dès que je peux, même si ce n’est le temps d’un week-end. Quand je n’ai pas pris du travail avec moi, je m’y promène, je découvre les lieux et sympathise avec les habitants. J’observe cet équilibre précaire entre humains et étoiles qui pourrait basculer du jouer au lendemain, ces vies paisibles que le chaos guète. Les Aurores œuvrent pour le bien de tous et c’est pour le bien de ces gens qui nous trouveront un moyen de rompre le lien.

Un murmure m’interpelle et me sort de ma contemplation des façades qui bordent l’autre côté de la rue. C’est une jeune femme, une jeune fille, à qui je ne saurais donner d’âge au premier abord tant sa voix m’apparaît usée, comme celle de quelqu’un qui aurai trop ou trop peu parlé. Je m’arrête aussitôt, sur le qui-vive. Son apparence ne laisse pas place au doute. Si elle n’a plus mangé depuis deux jours, cela fait bien plus longtemps qu’elle erre dans la rue. Je la regarde humblement baisser la tête et je me rends compte qu’à vivre dans un monde ou l’argent ne manque pas, je suis devenue aveugle à la misère, à ceux qui, pour unique faute, n’ont pas eu ma chance. Je lutte pour le bonheur, je lutte pour la paix, et j’oublie que pour chaque festin auquel j’ai droit, d’autres meurent de faim.

Contrairement à ceux qui crachent sur les mendiants sous prétexte qu’ils choisissent la facilité, je ne pense pas que mendier soit facile ; il faut mettre sa fierté de côté après avoir tout perdu. Je ne suis pas riche mais je gagne bien ma vie. Cette soirée que j’allais passer à ne rien faire, autant en tirer parti pour venir en aider à cette fille. C’est ce que je me dis, alors que je baisse ma garde.

-Je n’ai pas d’argent liquide sur moi mais je peux te payer un repas dans le restaurant au coin de la rue.

Je me penche pour essayer d’apercevoir son visage.

- Je m’appelle Susanne, comment t’appelles-tu ?

Je ne peux pas aider de la sorte chaque personne qui croise ma route, je le sais. Mais la part de moi qui croit en l’utopie d’un monde meilleur m’assure que chaque action peut faire la différence.

Je n’ai pas besoin de plus qu’un sourire pour savoir que j’ai fait le bon choix. La jeune fille m’apprend qu’elle s’appelle Hope, c’est un prénom porteur d’une grande signification. Certainement me suis-je trompée en affirmant que les mendiants n’ont plus rien. Il leur reste leur identité, comme Hope qui a l’espoir auquel se raccrocher. Et c’est peut-être le plus douloureux, d’être traité comme si on n’était plus rien, qu’une plaie, alors qu’un jour on a été quelqu’un, quelqu’un comme tout ceux qui nous regardent de haut.

-C’est un très joli prénom, enchantée, Hope.

Derrière la personne usée par des journées passées en rue, je commence à découvrir l’être humain, l’être de pensées et de sentiments que l’ignorance blesse. Et je devine la beauté de sa voix, suppose celle de ses rires. Depuis combien de temps est-elle empêtrée dans ce triste quotidien, de puis combien de temps n’a-t-elle pas ri à en attraper mal au ventre ?

-Tu peux me tutoyer. Ce n’est pas nécessaire de me remercier… Mais si tu y tiens, quand nous serons arrivées, je voudrais en apprendre un peu plus sur la personne à qui j’offre un repas.

Je lui souris doucement et commence à marcher, l’invitant à me suivre. Elle ne me doit rien, j’ai pris l’initiative de l’aide de mon plein gré. Du pain et de l’eau, dans le meilleur des cas, ça remplit simplement l’estomac avant que la faim ne revienne à la charge. Ça n’apporte pas à son corps les nutriments dont elle a besoin. Elle est jeune, la jeunesse est synonyme de résistance, mais la maladie guette l’affaiblissement de chacun pour frapper, sans distinction. Certes, un bête plat chaud ne révolutionnera pas sa vie, mais je me convaincs que l’instant présent lui sera agréable.

-Je ne suis pas d’ici alors j’aime entendre les histoires des habitants de cette île.

Le restaurant n’est qu’à quelques foulées, nous ne tardons pas à l’atteindre. Il est plutôt discret comparé à ceux qui se font concurrence le long des grands axes et sa clientèle, moins nombreuse, est aussi plus calme. Il se dégage de l’enseigne une ambiance chaleureuse et les lumières qui fendent la nuit ont de quoi apaiser les âmes égarées. Je souris une nouvelle fois à Hope pour la rassurer et l’entraîne à l’écart, jusqu’à une petite table pour deux personne disposées dans un renforcement, à l’abri de la plupart des regards. Je lui tends la carte.

-Commande tout ce que tu veux, ne regarde pas les prix. J’ai déjà mangé alors je ne vais prendre qu’un café.