— Refaire le monde ; avec Sora Hideo

Fébrile, Oksana patientait. Assise à l’intérieur d’un bar, près d’une fenêtre, elle observait d’un air pensif la neige tomber. Son manteau, accroché au dossier de sa chaise, la gênait quelque peu et effleurait le sol. L’étoile était partagée entre son envie de fumer et son rejet du froid. À cette pensée, elle se dit qu’elle devait vraiment s’ennuyer pour se confronter à pareil dilemme. Elle souleva l’ourlet de sa chemise pour regarder l’heure : elle était en avance. Bien trop en avance, comme d’habitude. Être à l’heure, c’était déjà être en retard. Voilà pourquoi cela faisait presque dix minutes qu’elle se tenait là, à se tortiller sur sa chaise pour enfin trouver une bonne position.

Sur la table, deux cafés fumants attendaient. Cela valait mieux : au moins, la personne qu’Oksana attendait n’allait pas perdre son temps à commander et ils pourraient entrer dans le vif du sujet. Sora Hideo ne devrait pas tarder à arriver. La femme s’étira, avant de poser ses mains sur sa tasse. Chaud. La vapeur parvenait presque à embuer ses lunettes. L’odeur du café l’apaisait. Malgré sa mauvaise réputation, Uwabami était plutôt calme en journée. Lorsque la nuit étendait ses voiles sombres, les prédateurs sortaient. Les plus faibles se terraient dans leurs habitations miteuses. Pourtant, dans ce bar, nulle trace de rixe. Les bagarres survenaient, avant de disparaître. Le parti en place laissait faire, mais l’Aurore allait tout changer. Étoiles ou humains, plus personne n’aurait peur en sortant le soir.

Ils allaient gagner. Chaque jour, Oksana s’en persuadait. C’était de cela qu’elle allait parler en ce jour, avec le sympathique candidat d’Aurore. L’énergie et la jeunesse de Sora devaient pouvoir séduire ; encore fallait-il bien les utiliser. Lorsque l’étoile entendit la petite cloche tinter, elle se retourna pour apercevoir son collègue. Elle lui fit un petit signe de la main pour l’inviter à s’asseoir.

« Bonjour Sora. Tu n’as pas eu trop de mal à trouver ? »

Formalités. Oksana n’était pas du genre à s’inquiéter pour les autres. Mais il fallait bien, parfois, se forcer un peu. En tant que porte-parole, elle se devait de s’entendre avec tous ses camarades.