Il y a des paliers, des sortes de niveaux à atteindre pour savoir qui elle cache réellement sous ses cheveux, derrière ses prunelles bleutées. La première impression qui ressort le plus souvent d’Emmanuelle c’est que c’est une femme plutôt à double facette. Vous la connaîtrez en tant que personne. Vous la connaîtrez en tant que voix. Il y a, pour elle tout du moins, une différence notable entre la rencontre d’une personne seule, et d’une assemblée.
La véritable relation entre son caractère et la société, c’est l’objectif. Si cela la concerne directement, affecte directement son présent, peut altérer ses sentiments, bien la jeune fille se rétractera. Elle ne vous en dira jamais plus que ce que vous devez savoir. Elle ne parle jamais d’elle. Elle ne sait même pas qui elle est. Elle s’effraie. Dans l’autre sens, pour tout le reste elle est, disons… Franche. Elle parle ouvertement et sans sous-entendus. C’est à la limite de la provocation mais elle ne s’en rend pas compte. Elle est comme ça. Vous la faites chier ? Elle vous le dira. Une âme dynamique et confiante sur tous les domaines, excepté le sien.
Mais est-ce qu’être honnête, pour dire franc, est synonyme de méchanceté ? C’est votre point de vue. Certes, Emma ne possède pas la douceur nécessaire pour être qualifiée directement de gentille, pourtant elle rigole souvent. C’est un concept ancrée à sa personne. L’humour elle pense que ce n'est pas que pour les gens simplets d’esprit, qui pensent à boire des pintes le soir venu, à regarder les téléréalités pour le fun et n’y voit aucun intérêt. C’est un loisir stupide que de rire, dit-elle, toutefois celui qui n'est pas stupide ne mérite pas de vivre, rajoutera-t-elle. Ou bien tout simplement, elle l'a par peur de se dévoiler, un mur protecteur. Un prétexte pour rester en sécurité.
Toutefois, la brunette n’a pas de loisir propre, elle a beau se plaindre, elle est quand même curieuse de savoir ce qui pousse les gens à avoir de l’humour. Sa vie pourrait se définir au travail, aux études. Le travail intellectuel. Le travail appliqué. La concentration dans ce qu’elle fait, un être imperturbable lorsque quelque chose la prend avec envie.
Au final, Emmanuelle n’est qu’une femme sans chemin tout tracé, qui vit au gré du temps, qui a su faire évolué son caractère et qui le fera éternellement.
Réservée sur sa vie _ Confiante_ Franche _ Dynamique _ Un peu provocatrice _ Sens de l’humour _ Curieuse _ Intelligente _ Appliquée
Little Emma.
Ses petites prunelles s’ouvrant et se fermant à intervalle irrégulier, faisant apparaître entre chaque battement une pièce généreusement meublée par un somptueux mobilier. Où était-elle ? Elle ne se souvenait de rien, juste d’un choc et en se réveillant elle s’était retrouvée ici. Dans une maison. Sans aucun souvenir. Elle tourna délicatement la tête et aperçut une femme, puis un homme. Les deux se tenaient les mains amoureusement et lorgnaient la gamine avidement. Une petite fille égarée et adoptée par des parents polonais, les Sapoznik, des exilés, ils font partis de ceux dont les anciennes générations fuirent les dictatures et se réfugièrent en Israël. Elle était femme au foyer, à présent mère au foyer. Il travaillait pour les affaires étrangères, maintenant il était père. Une vie qui changea de tout au tout pour les deux camps. La panique s’infiltrait dans le corps de la jeune fille, il fallait qu’elle parte et vite, il fallait qu’elle revienne d’où elle venait. Mais, elle s’arrêta dans son élan : d’où venait-elle déjà ? Un trou noir, sa mémoire n’arriva à rien capter de logique, alors elle s’effondra au sol et lâcha des perles de ses yeux. «
Allons, Emmanuelle ce n’est rien ».
Emmanuelle, elle trouvait que ça sonnait plutôt bien.
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On lui avait plusieurs fois expliqué le principe de son quartier : il regroupait les privilégiés et il était surveillé de l’extérieur par des militaires, tout le temps. Qu’importe l’heure. Le temps. L’humeur des gens. Elle avait bien compris qu’il s’agissait d’un endroit où seuls quelques riches, travaillant le plus souvent en lien avec l’Etat ou étrangers, pouvaient résider. Toutefois, elle voulait voir ce qu’il y avait au-delà des barrières. Plus loin que les militaires. Elle voulait fuir, s’évader. Comprendre le monde. «
Combien de fois t’avons-nous dit de ne pas franchir les grilles ? C’est dangereux là-bas tu sais. » Quand ils disaient là-bas c’était le plus souvent pour parler des terrains, qu’elle supposait vastes, qui lui étaient inaccessibles. Bloqués par de simples pions en uniformes. Il y avait toujours un moyen de s’échapper. Et elle réussit. Un soir de pleine lune, lorsque les parents étaient convoqués à une de ces fameuses réceptions. Elle franchit le grillage. Par en dessous. Et elle en était fière.
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Ses pieds foulaient la terre aride, ses chaussures n’étaient décidément pas adaptées à la marche. A la danse peut-être. Ici, il n’y avait plus rien. Juste des tentes, un désert parsemé de touffes herbues, mais surtout des tentes faites de matériaux différents : tissu, plastique, laine… Il était difficile de croire qu’un tel endroit sur Terre existait. Emma entendait le bruit de la poussière, poussée par le vent, des nuages parcourant le monde et aussi des balles. Une seule balle. Elle la frôla au niveau du tympan. Sans la blesser. Suivirent des hurlements, des cris de terreur et des pleurs incessants. La brunette ne comprenait pas, pourquoi d’un coup tout s’était transformé ? Les tentes avaient cédé leur place à des hommes, des femmes et des enfants. Bien qu’ils soient là, affolés, partant de leur camp vers un autre lieu, Emmanuelle restait plantée là, indécise et abasourdie. D’autres balles. Le bruit se dirigeait vers la droite, elle tourna la tête et… Quelqu’un lui attrapa le bras et la fit tomber brusquement au sol. La panique prit possession de son corps et tout devint flou.
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«
Oh, tu es réveillée ? ». Elle se frotta la tête plusieurs fois, la voix audible mais invisible. Comme si personne ne parlait, qu’elle rêvait, alors elle reposa sa tête sur le sol. Sol qui était devenue une couverture. La petite se releva subitement. «
Je suis là ». La voix était fluette, enfantine mais ne la voyait toujours pas jusqu’à ce qu’elle surgisse de sous un autre tapis, accompagnée d’un petit rire. «
Je m’appelle Octavia, mais tu peux m’appeler autrement si tu veux. » La gamine en face d’elle était bronzée, les cheveux bruns voire noirs, des pépites dorées et un sourire à couper le souffle. Elle l’attirait comme une pierre précieuse. «
Je…euh. Emma. » Le sourire ne s’effaça pas de ses lèvres. Et un apparut sur celles d’Emmanuelle.
Les deux filles restèrent en contact plusieurs mois, lorsque la brune décidait à s’évader, Octavia allait la chercher et toutes deux elles profitaient de la vie comme des enfants niais et innocents. Au fil du temps, elles devinrent bonnes amies, soeurs de toujours et ennemies d’une autre vie.
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«
NON ! C’est assez ». Il criait, les murs tremblaient sous sa voix et son visage se ridait tandis que celui de la petite s’empourprait. «
Mais… Papa. » Il la menaçait avec ce regard effroyable, elle commençait à pleurer. «
Emma, tu ne peux pas voir des gens de là-bas ? Tu comprends ?! C’est absurde et dangereux ». Les larmes glissaient toujours, les pleurs devenaient des hurlements. «
Mais elle est différente ! ». Puis un silence mort. Aucun n’émanait une seule nuisance. Elle venait de le perturber. Elle avait révélé l’identité de son amie. Traître. Son père la laissa en plan dans le salon, claqua la porte et sortit pour une raison encore inconnue à ce jour. Emma accourut à la fenêtre et y déposa ses mains moites, marquant d’une condensation légère le verre. Elle réfléchissait toujours à ce qu’elle venait de dire, était-ce mal ? Avait-elle été trop loin ? Ses paternels étaient stricts, cependant jamais aucun ne l’avait abandonné de la sorte, alors elle se sentait seule et triste. Emprisonnée dans une cage de fer, gardée par des lions enragés.
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Une rafale. Non pas de vent, mais de tirs. Il faisait nuit noire et la lune brillait à travers les rideaux fins et parme. Elle repensait à ce jour-là, où les gens hurlaient au rythme du même bruit, elle n’était pas inquiète. Pourtant, ils se rapprochaient. Ils étaient dans l’enceinte du quartier. La petite, plus très petite maintenant, le comprit quand son père arriva dans la chambre, précipité. Il ne faisait plus attention au parquet. Ni même aux portes. Il lui criait juste de venir, de se dépêcher. Il lui disait de courir si elle tenait à la vie. Donc elle courut. Vite. Très vite. Sur le palier, une voiture les attendais, blindées et aux vitres teintées. «
O… » Un militaire la prit par le buste et la posa dans la voiture, attacha sa ceinture. «
OCTAVIA ! ». Le déclic, ses lèvres bougeaient seules, elle se débattait entre ses parents jusqu’à atteindre la portière. Elle le répétait sans cesse. «
OCTAVIA ! ». C’était un refrain d’une chanson redondante. Ils la maintenaient en place, la voiture commençait à avancer. Elle passa le portail qui la séparait des terres arides.
Et une dernière fois, elle vit son sourire dans la lueur de la nuit.
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Tokyo, plein mois de Juillet. Cela faisait déjà quelques années que Israël n’était plus qu’un pays lointain, un mystère gravé dans les mémoires, un mystère trop ancien pour être résolu. Depuis le temps, son père avait réussit à prendre une place plus importante au niveau des affaires étrangères au Japon, la mutation avait plutôt bien marchée et l’exil s’était passé sans encombre. Octavia n’était pour la petite, plus qu’une simple ombre tirée d’un fabuleux rêve, une ombre qui parfois parlait durant son sommeil et lui accrochait un sourire béat aux lèvres. La vie d’adolescente était un moment bien compliqué à définir dans une vie, si ce n’est que l’école prend le dessus sur la découverte et les rencontres, si le rire n’est qu’un facteur de bons souvenirs et qu’au fond, tous les jeunes ont la même envie, la même ambition : être ce qu’ils sont de meilleurs.
Malgré les bons résultats obtenus au lycée, Emmanuelle décida de s’enfuir pour une autre ville Japonaise : Hoshikami. En soit, ce n’était pas l’endroit rêvé pour effectuer des études de droit, mais c’était sûrement le meilleur pour s’intégrer au parti des Aurores. Elle en avait entendu parlé, dans les journaux ou simplement par des murmures dans la rue. Elle voulait les rejoindre.
Il y avait cette motivation depuis son départ, il y déjà au moins sept ans, aujourd’hui elle entame sa dernière année, la dernière ligne droite vers un avenir dans la politique prometteur. Une fin rêvée touchée du bout des doigts. Des fois, quand les gens lui demandent la véritable raison de son adhésion aux Aurores, elle se contente de sourire et de répondre : «
Je crois que cela me concerne plus qu’il n’y paraît ».
Il y a une chose qu’elle n’a jamais révélé. Une chose qui est gravée dans sa mémoire depuis cette rencontre. Elle se souvient d’Octavia lui plantant une épine dans le doigt, de son regard étonné et du sien aussi. Elle n’avait rien dit, et Octavia s’était contentée de rire. «
Oh, tu es de ceux qu’on appelle les Bénis ? ». A l’époque, elle n’avait pas compris le lien avec ce qu’elle venait de faire, et après de nombreuses expériences et rumeurs, elle avait fini par comprendre qu’elle n’était rien d’autre que ce que la population appelait Etoile.
Une simple Etoile perdue sur Terre.