le tigre et la souris | + yue motochika

« Et sérieusement, fait quelque chose pour ton bureau, décores-le, on dirait une cellule. Ou un bureau de croque-mort, au choix. » Cette phrase l’avait fait tiquer. Surtout qu’elle servait de conclusion à un mail on ne peut plus sérieux qu’il avait reçu. Au plus le temps passait, au plus Hǔ se disait que ses Hommes perdaient le respect qu’ils avaient pour lui. Peut-être était-il trop gentil avec eux ? S’il avait décidé d’ignorer ce qu'il venait de lire, il n’avait pu s’empêcher de remarquer que, en effet, son lieu de travail était bien terne. Il ne s’en était jamais rendu compte, mais maintenant qu’on le lui avait fait remarquer, il ne pouvait s’arrêter d’y penser. Et maintenant, ça l’énervait. Beaucoup. Sur son clavier, il avait tapé « comment égayer une pièce » dans Google (excusez–le, il n’a pas un master en décoration, il est pas censé savoir ce genre de choses) et fût forcé de constater que beaucoup des liens sur lesquels il cliquait stipulaient que le moyen le plus simple, le plus rapide et le plus cheap pour rendre une pièce un petit peu plus sympathique, c’était d’y rajouter des fleurs ou des plantes vertes.

Et c’est donc pour cette raison qu’une quarantaine de minutes plus tard, il était en ville, quelques billets dans la poche zippée de sa veste et ses cheveux dissimulés sous un bonnet, prêt à aller se procurer une plante chez le fleuriste du coin. Il aurait pu demander à quelqu’un de s’en charger pour lui, mais il n’était pas sorti depuis un moment, et de toute façon il était habitué à faire en sorte de ne pas s’attirer de problèmes. Il suffisait de ne pas avoir l’air suspicieux, de se fondre dans la masse, et d’éviter le contact visuel avec les probables flics qu’il risquait de croiser, un jeu d’enfant que tigrou avait appris à maîtriser au fil des années. Et de toute façon, comme on dit, on est jamais mieux servi que par soi-même.

Il s’arrêta devant la devanture d’un magasin, qui semblait exposer fleurs en masse, et tentait d’attirer la clientèle à l’intérieur grâce à des slogans pseudo accrocheurs. Il leva les yeux vers l’enseigne et soupira, de toute façon il n'allait pas faire quatre fois le tour de la ville à la recherche d’un fleuriste alors qu’il en avait un sous les yeux. Aller.

Il poussa la porte de la boutique, ses poumons se remplissant d’un air blindé de senteurs variées et à ce stade, il n’arrivait pas à savoir si c’était une sensation agréable ou tout le contraire. Dans tous les cas, c’était moins agressif pour les narines que de rentrer dans un magasin de parfums, desquels il était tout bonnement impossible pour Hǔ d’en ressortir sans maux de tête. Les fleurs, c’était plus doux. Plus subtil.

Après le premier contact olfactif, vint le contact visuel. Well fuck. Beaucoup de fleurs, beaucoup de plantes. Trop de fleurs, trop de plantes. Ca le gavait déjà. Comment est-ce qu’il pouvait savoir ce qu’il allait prendre ? Fallait avoir fait des études de plantes pour s’y retrouver, là. Ca existe, les études de plantes ? se demanda-t-il, suite à sa précédente réflexion.

Bon. Il voulait régler son affaire le plus vite possible, et essayer de se dépatouiller seul n’allait sûrement pas l’aider dans sa quête. C’est ainsi qu’avec la plus grande assurance du monde, il s’approcha de la première personne qui semblait être une employée. Un sourire au coin des lèvres, il l’aborda.

« Bonjour, est-ce que vous auriez des plantes pour, heu.. égayer ? »

Et non, il n’avait pas trouvé mieux. Ce n’était pas comme s’il savait ce qu’il cherchait, de toute façon.