Un amateur de la tromperie, un séduisant businessman autant qu’un lycéen assoiffé de jolis petits culs. Le genre de gars qui s’adapte à tout le monde pour seulement n’être que le seul à vos yeux. Killian c’est ce mec-là. Foutrement bien taillé dans un beau mètre quatre-vingt cinq, des muscles dessinés à fleur de peau et une prestance si imposante qu’on se méprendrait sur le poids. Sa démarche assurée et si désintéressée bouleverse tout autant qu’elle fascine, un homme à vous captiver le temps d’un passage, à rester dans les mémoires autant qu’il le faut pour devenir votre pire cauchemar.
Approchez, approchez. Découvrez-le de plus près. Admirez ses prunelles dorées qui valent plus que de l’or, ses cheveux s’y concordant parfaitement. Un visage quelque peu enfantin pour son âge, des traits légers néanmoins plus forcés sur les bords. Mâchoire se voulant carrée, des lèvres fines et rosées ainsi qu’un nez agréablement sculpté. En soi, il n’est rien d’autre que le cliché du gars qui à une mauvaise tête, mais que vous suivez car il a du charisme. Croyez-le ou non, cela fait beaucoup, un simple sourire et vous voilà embobiner jusqu’à la dernière cellule. Quoi que, ce n’est pas une fatalité et vous pourrez toujours vous rattraper.
Comment ? Disons qu’il n’a pas le don de vous fuir comme le ferait le plus inutile des bandits. Il ne court pas. En fait il ne fait pas de sport, si ce n’est que de se muscler le bras à la branlette. Genou brisé, fracturé, explosé en plusieurs morceaux et ce à jamais. Il porte donc toujours des pantalons, même pour baiser, parce que faire l’amour il ne connaît pas. Il n’en a pas honte mais préfère que les gens ignore ses faiblesses, il préfère qu’on s’attarde sur ses tatouages, un au cou, un sur le flanc et qu’on s’adonne à lui toute une nuit.
A croire que les gens valent plus que l’argent.
A croire qu’ils sont assez intéressants pour qu’il pose son regard sur eux.
Jamais.
Marchant dans la rue, sa canne taillée dans un bois rosé, il tente de se tenir droit pour ne pas boiter. Toujours les mêmes sourires et les mêmes regards, ceux qui vous poignardent tandis que vous vous désintéressez absolument d’eux. Des admirations dans un seul sens, une réciprocité inexistante. En fait, le monde le gonfle, s’il avait eu l’occasion avant, il les aurait tous anéantis. Tous ces nantis qui ne valent rien, qui ne veulent qu’être au-dessus du meilleur, en vain.
Killian s’arrête et s’adosse à la muraille de brique derrière lui, sort un briquet argenté de la poche et le fait tourner entre ses doigts, allumant quelquefois la flamme sur laquelle il passe son doigt. Douce odeur de cramoisi, chaleur réconfortante et dangereuse. Il s’enivre d’un parfum du passé, s’envoûte du seul bien qu’il perçoit ici même. Un brise légère vient éteindre la flamme, il referme le tout et reprend son chemin.
La ville, cet ignoble lieu aux édifices grattant le ciel, c’est juste de la décoration. Les vitres majestueuses reflètent les bâtiments alentours, reflètent aussi la foule qui s’y égare. Elles reflètent d’en bas son apparence si fascinante. Si différente. Il sourit doucement et passe une main dans ses cheveux, qu’importe il sera toujours beau, il se trouve beau de l’intérieur. Il s’aime. Il pourrait faire un mariage avec lui-même. Il ne s’accroche pas aux gens, il les utilise dans son propre intérêt. Aujourd’hui ? Aujourd’hui il va à son rythme, il marche plus lentement qu’un escargot pour ne pas s’essouffler. Pour garder le plus longtemps son apparence volée. Il ne connaît pas le nom du gars, il l’a simplement trouvé à son goût et l’a touché, il a prit ses cheveux jais, ses prunelles bleutées et a continuer son chemin comme si de rien n’était.
Le sale type qui lui loue l’appartement pour presque rien, l’a forcé à aller voir un psychologue. Non mais, un psychologue. Réellement ? Il le fait car c’était la seule manière pour lui de garder le loyer, sinon ça l’emmerde plus que tout. Payer pour voir un type qui ne fera que redire la même chose. Dépenser son oseille dans autre chose que l’alcool et les filles, ça le dérange. Il ne dirait pas qu’il est au chômage, ô non, il travaille de son plein gré la nuit, dans des bars plus que douteux. Il photographie aussi, de temps en temps ou quand les gens lui demandent. Et quand aucune de ces activités ne rapporte assez, il s’empresse de pirater les comptes en banques, les sites et tout ce qui lui fera toucher le pactole. Le prix de ce toubib, ce n’est rien, mais ça vaut quand même une heure avec une jolie fille.
Il rigole, il aperçoit la porte en chêne au loin. Plus vite sera-t-il arrivé, plus vite il s’en ira, c’est ce qu’il se dit. Il préfère ça qu’autre chose en fait. Plutôt voir le bon côté des choses que de se terrer dans les mauvais moments. Il pousse la porte et la claque derrière lui.
Il sait qu’il va s’amuser.
Il n’y a pas de salle d’attente, seulement un long couloir sombre aux murs gris, ternes et sans âme. Une porte dont la lumière jailli par dessous, lumière cinglante et aveuglante, comme celle produite par les néons blafards des hôpitaux. Il fait claquer sa canne sur le sol pour entendre les détonations sous le parquet vieilli. Foutaises, il ne vient pas ici pour se faire comprendre mais pour se faire enchaîner comme les autres. Ancré dans la société tel un bon homme de son temps. Il appose ses doigts sur la poignée. Est-il assez crédible ? Un rictus apparaît, il est toujours crédible. C’est Killian. Il est le paria de ce monde, celui dont on ne connaît pas le visage. Celui dont on ne connaît pas le nom. Il se moque bien de tous ceux qui sont actuellement à sa recherche. Personne n’est capable de le retrouver. Il vient comme il part, il manie le déguisement mieux que personne. Ce n’est certainement pas un petit gars de l’autre côté de son bureau qui fera la différence. Il enclenche le mécanisme et se plonge dans la lumière du cabinet.
Killian s’approche, confiant, un visage plus carré qu’à son habitude, une peau hâlée et des cheveux bouclés et noirs, tombant sur ses oreilles. Il a envie de rire, il se retient, il n’est pas fou. Fou. Dérangé. Totalement déboussolé. Le type lui désigne d’un air taciturne la chaise devant le bureau. Killian s’y assoit, il contemple alors la petite plaque noire aux lettres dorées où l’on peut lire
Docteur Underwater. Première pensée du patient qu’il est, c’est de se dire qu’il finirait mieux noyé que sur sa chaise en cuir. Le noyé sort donc un calepin et un dossier plastifié violet qu’il pose avec délicatesse sur le bureau, faisant place nette. Killian soupire et croise les jambes, le type lui lance alors un regard venimeux.
— Bien, commençons la séance, Monsieur … ?— Appelez-moi Killian, ça ira plus vite, cracha-t-il.— Très bien. Je suis là pour vous aider, c’est d’ailleurs pour cela que vous êtes venu jusqu’à moi. - le toubib n’a pas l’air compatissant, juste d’un pauvre con -. Ici, le secret médical est de mise, tout ce qui se dira restera entre nous. N’ayez crainte. - un silence sépare les deux hommes pour quelques minutes, puis il reprend en toussotant-. Je me permets de commencer par votre… origine. Vous savez, ici il n’est pas rare de croiser des gens aux dons fabuleux. Je ne jugerai pas, je suis simplement ici pour vous comprendre. Dites-moi Killian, faites-vous partie de ces êtres-là ?Il regarde autour de lui, se pince le bras discrètement et sourit au docteur.
— Je ne crois pas en ce genre de chose, vous savez. Je suis un humain, qui ne croit qu’en lui-même.********
FLASHBACK | 5 ans.
Les gens tombent. C’est une vérité absolue, du moins pour ce qui était une part de lui. Killian n’a jamais été que Killian, c’était avant un personnage fort déplaisant, attisant le regard des curieux et se haïssant. Il est tombé, il s’est décroché de là-haut en un fragment de seconde. Certains témoignent d’une météorite, d’autres d’une étoile filante bien trop volumineuse mais pour Killian, ce n’est qu’un passage oublié. Aucun souvenir, mémoire effacée. Il s’est retrouvé là sans trop savoir pourquoi, dénué de tout, planté au milieu d’un jardin en Dakota du Sud.
Un gamin seul et dépourvu de toute compréhension de ce monde, isolé et face à un autre. Il était petit pour son âge, blond comme les blés et des yeux d’un doré époustouflant. Jamais un enfant n’avait été si attrayant, il voulait le toucher, le serrer dans ses bras. Alors il tendit le bras vers le gosse qui afficha un sourire étrange.
— Tu n’es pas comme les autres. On dirait que tu es une peinture mal faite.Peut-être que rien de tout ça ne vous évoque quelque chose, mais pour Killian c’est la base de son histoire. Ce qui l’a forgé. En fait, avant même qu’il s’en rende compte, le petit l’avait porté jusqu’à l’intérieur, le déposant près d’un miroir. Un monstre. Un enfant sans trait. Un enfant sans membres finis. Un enfant dénaturé et mutilé. Voilà ce qu’il était. Ses doigts ne trônaient pas sur sa main, son visage ne comportait que deux yeux noirs distincts, le reste étant un fouillis de tâches brunâtres. Il se contemplait dans la glace tandis que l’enfant le maintenait par le bras telle une poupée de porcelaine qui manquait de tomber à chaque geste. Il n’avait pas peur lui, il lui chuchotait des secrets dans l’oreille le plus souvent.
Quand il le sortait du placard.
Il représentait plus un jouet qu’un humain à proprement parler. Apeuré par la pénombre, aimé par un petit garçon. Une vie vagabonde où il devait se cacher, une vie terrée dans le silence. Parfois, il se postait devant le miroir et tentait de mouvoir ses lèvres, les sons sortait mais rien ne l’assimilait à un être humain digne de vivre. Même ses larmes n’étaient que des fragments de sa peau. Une entité démoniaque, un enfant du chaos. A part son physique, il était
normal. Il jouait, il courait. Il riait aussi, puis il pouvait partager.
Les deux enfants s’asseyaient souvent près de l’arbre, l’unique dans la rue, près du fleuve.
— D’ailleurs, je m’appelle Ian. Et lui, n’avait pas de nom.
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Le mec l’écoute avec attention, mais paraît troublé par ses réponses : vives et courtes, sans réelles explications. Il semble en attendre plus de Killian, mais Killian n’en donne jamais plus que nécessaire, les paroles sont aussi précieuses que l’argent et les putes. Le temps l’est bien plus encore. Il fusille du regard le psychologue, tapant frénétiquement sur le bras du fauteuil, grattant ses ongles dessus tel un chien enragé. A peine quelques minutes qu’il voulait déjà s’en aller, toutefois il devait rester, il ne devait pas éveiller les soupçons. En somme, il ne voulait pas remettre les pieds dans cet horrible institut.
— Hm… Expliquez-moi ce que vous regrettez, la plupart des personnes se sentent mal dans leur peau car elles ont agit de façon immorale. Le brun pouffe, se sentir mal dans sa peau est la pire des expressions que quelqu’un peut utiliser. Il ne regrette rien du tout, sinon il se retrouverait à l’état de néant, de faible et il a passé depuis longtemps cette étape. Ses lèvres se serrent, il détourne le regard, admirant les tableaux et animaux empaillés à faire froid dans le dos. Le docteur Underwater gratte au même moment sur son calepin des vaguelettes tout en lorgnant sur son patient.
— Pourquoi êtes-vous venu au Japon ? Si je ne m’abuse, votre prénom ne semble pas d’origine nippone. — C’est le seul endroit où je suis en sécurité, lance-t-il avec avec un ton moqueur,
le seul pays où mon cadeau de bienvenue n’est pas un missile que l’armée tient à la main. ********
FLASHBACK | 17 ans.
La poussière étouffe la majorité d’entre eux, ils se bousculent dans la galère infernale qu’est leur vie actuelle. Les rangers tapent les gravillons aux alentours de la base et le soleil brille de mille feux, chauffant les casques métalliques des hommes. Les treillis suspendus au fil dehors, volant vers l’ouest à chaque rafale de sable, ils s’adonnent à leurs passe-temps habituels : les alcools, les cartes et la frime. Il n’est pas du genre à se montrer, il est là parce qu’il souhaitait changer d’air. Il ne pouvait plus faire de mal aux gens ainsi, alors il s’était engagé lui aussi. Pour soutenir son pays. Pour devenir quelqu’un. Mais les conditions de vie étaient plus dures que prévues, les lits n’étaient que des tapis au sol tandis que les repas se composaient exclusivement de pain bouilli et de boyaux de chèvres, entre autre.
Il profitait de la pagaille de dehors pour se détendre, rentrant directement vers sa chambre. La base était de plein-pied, des chambres étalées sur tout le long d’un couloir, chacune comprenant trois lit simple avec un petit coffre. Dans sa chambre, les autres soldats avaient accrochés des portraits de leur femme et de leurs enfants, à croire qu’ils allaient périr dans cette mission, cependant ils étaient tous volontaires cette fois. Ils étaient les soldats de trop, ceux qui devaient venir si les autres échouaient, ils entendraient alors la sonnerie d’alerte, ils laisseraient tout ici et partiraient pour l’inconnu.
Un gars de la chambre arriva, il avait dans la trentaine et reluqua le gosse qu’il était.
— Dis-moi petit, t’as quel âge ? — Dix-sept ans.— Et c’quoi ton nom ?— Killian Scheigge.— Pourquoi t’es venu ? Tu aurais pu faire de grandes études, tu perds ton temps ici. Je pense que tu devrais rentrer, il n’est jamais trop tard. Du moins…
La sonnerie d’alerte retentit dans tout le bâtiment et ils l’entendaient aussi dehors. La terre se fit détruire par une centaine d’hommes, les cartes s’éparpillèrent et les photos restèrent intactes jusqu’au jour où elles furent renvoyer aux familles, avec leurs affaires.
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Il rigole nerveusement, la blague de mauvais goût est passé comme il l’espérait, le type est devenu livide. Blafard. Encore un de ces gars qui se prennent pour les meilleurs, les plus aptes à vous conseiller mais qui ne tiennent pas à la vérité. Qui ne la perçoivent même pas. Ils se font simplement manipuler par les autres et c’est ça qui l’amuse. Killian relance la chose toujours avec ce ton acerbe.
— Ils ont pas apprécié que j’épluche leurs collègues sur le champ de bataille vous voyez. Ils trouvent que la peau c’est mieux sur les muscles qu’en guise de ceinture. -le médecin se prête à un jeu inexistant, pensant qu’il s’agit d’une plaisanterie-. Ils ont pas aimé que leurs femmes se fassent violer dans les prisons, ils voulaient pas les entendre crier de douleur en pleine nuit. Alors je les égorgeais, leur tignasse brunes entre mes mains, le couteau sur leur gorge saillante, une pression légère et tout explosait sur les barreaux. Le fer gris se transformait en un boyau gigantesque couvert de sang. — Je vois, au moins vous avez l’imagination bien développée, ce n’est pas plus mal. - il écrit encore des vaguelettes sur son carnet -. Et donc, vous étiez un tueur, c’est bien cela ? — Moi ? -il ricane et pose une jambe sur l’accoudoir-. Personne ne sait qui je suis réellement. Je suis comme un fantôme qui vous hante jour et nuit. ********
FLASHBACK | 22 ans.
Un jeune homme en haut d’un immeuble. Il détient un Walkman dont les écouteurs sont nichés dans ses oreilles, modèle ancien. Il porte un fusil à lunette qu’il tient de travers en guise de guitare acoustique, puis interprète passionnément les premiers accords fictifs d’une chanson qui lui tient à coeur, qu’il a entendu plusieurs fois dans son enfance. Il chante à tue-tête.
Naaaaaaannnnn niiiiannn nioouun.
La chanson débute, il passe alors son fusil devant sa bouche et s’en sert de microphone, un anglais parfaitement maîtrisé et appris qui vont jaillir le premier couplet. Soudain, son attention est attirée par quelque chose au loin. Il épaule son fusil, vise tout en chantant puis tire. Recharge immédiatement, tire de nouveau. Il se déplace comme une ombre, rapide et précise, il recharge encore, s’immobilise pour lancer de nouveau des balles. Rapidement, Killian se saisit d’un appareil photographique, il le braque dans la même direction, fait le point et prend une photo. La chanson reprend dans la bouche du jeune homme, il s’arrête de nouveau, se plaquant au sol et reprenant son fusil. Il vise tout près, se lève et tire une balle. Il ne se rend pas compte des efforts fournis, il accourt à l’endroit du crime, laissant son walkman de son poste. Killian se retrouve debout, au même endroit, revenant en tirant un homme par les mèches qui entourent son visage. Il le projette au sol. Le gars tente de se calmer mais son regard le trahit, il veut simplement hurler, ce qui fait doucement rire le blond.
— Non ! Je ne veux pas mourir.— Je ne veux pas mourir - il affiche un sourire malicieux-. C’est la phrase la plus idiote que je connaisse.Le gars continue de gémir au sol, une balle dans le pied étalant une tâche rougeâtre.
— Je vous en prie ! Je ne suis pas d’ici, je ne vous veux pas de mal, je suis simplement photographe. — Photographe ? - tout sourire s’efface, il tape nerveusement du pied et jette son arme à terre -. — Oui, photographe de guerre. — Et tu m’as pris en photo ?Un silence règne entre les deux hommes, le photographe avale sa salive plusieurs fois avant de répondre.
— Oui, je voulais avoir un franc-tireur dans mon album. Je vous ai vu tirer, je suis monté mais si vous voulez… Les pellicules sont ici -il désigne le sac-.— Moi aussi. - Killian tousse - Je suis photographe. Je m’appelle Ian. Photographe de guerre. - il lui montre les photos une par une -. Regarde, je les ai toutes prises.— C’est très beau. — Non ! -il s’empourpre et s’énerve comme à son habitude -. Ce n’est pas beau. Les gens ont tendance à penser que ce sont des endormis, mais non… Ils sont morts ! Je les ai tués. Le blond fouille dans le sac du photographe, il en sort un appareil muni d’un déclencheur souple. Regardant dans le viseur, il mitraille l’homme de plusieurs photographies. Ensuite, il dévoile un ruban adhésif massif, noir et attache l’appareil photographie au bout de son arme. Le photographe toujours a terre, s’étonne.
— Qu’est-ce que vous faites ? Killian verifie que l’appareil est correctement fixé, il lie le déclencheur à la gâchette. L’homme continue de se plaindre.
— Ne me tuez p….Il tire, l’appareil photo s’enclenche au même moment. L’image de l’homme se faisait transpercé par la balle apparaît, alors Killian adresse un salut mesquin à l’homme avant de se relever et de reprendre son arme en guise de microphone. Il replace ses écouteurs puis imite une batterie. Et s’en suit une éternelle chanson rythmée par trente-deux coups de batterie.
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Ce qu’il hait par dessous tout avec les médecins, enfin surtout ceux qui auscultent de loin, c’est cette manière de tout noter. Chaque geste, chaque mot, même la couleur de votre veste comptait. Cela ressemblait plus à un interrogatoire qu’un simple rendez-vous médical. Il se sent mal à l’aise, tire sur sa cravate et desserre rapidement le noeud. Il faudrait peu de temps pour prendre la porte, pour s’enfuir et pourtant quelque chose le retient scellé à son fauteuil. Il sait pertinemment qu’un mouvement de trop et il sera découvert, que toute cette mascarade ne pourra plus durer, même les mots auront du mal à sortir, il respire doucement. Profondément. Aucun de ses membres ne bougent, même ses pupilles se concentrent sur un seul point de la pièce. Avec une aisance singulière, il interpèle le psychologue.
— Vous savez pourquoi ils m’appellent Killian ? - il ne laisse pas le médecin répondre -. Vous savez pourquoi ils me rabaissent et cherchent à me nuire ? Comprenez-vous la réelle signification de ce nom, docteur ? Soudain, l’atmosphère médicale s’évapore, comme si une ombre de hantise s’était abattue sur le cabinet. Monsieur Underwateur ose à peine hocher la tête en guise de réponse négative.
—Je vais vous dire. Je voulais vivre. Je voulais connaître la sensation de la chaleur des gens, de leurs paroles de soutien. Je voulais voir comment ça faisait de vivre. Mais ça trop peu de gens peuvent le comprendre, surtout ici. Des nantis qui naissent avec des cuillères en or dans la bouche, des enfants gâtés simplement par la nature. Qui ne connaissent pas la réelle signification du mot monstre. Ils sont effrayés par leur propre imagination. Ils épouvantent le noir de la nuit, sans se rendre compte que le danger est souvent plus proche qu’il n’y paraît. Souvent trop proche même.
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FLASHBACK | 9 ans.
Les larmes coulent le long de ses joues informes, il a grandit depuis ces quatre années passées. Le miroir est toujours à la même place, le reflet est quasiment identique et pourtant il sent que tout change. Il est de plus en plus isolé, mis à l’écart dans son placard. Ian dit qu’il ne peut plus autant jouer avec, car l’école lui prend plus de temps, il joue aussi du piano dans le salon avec ses parents. Alors, il l’attend, il attend qu’il vienne le chercher. Des fois, il voudrait bien s’amuser avec les jouets de Ian, mais il a bien mieux à faire. Ça fait déjà deux années, même plus qu’il a compris qu’il était différent. Un jour, pris de colère, il avait frappé Ian et avait pris son apparence. Il s’amusait, de temps en temps à tenter de la reproduire, en vain. Il savait que s’il n’était pas là, il restait une part de ce monstre descendu sur Terre. Néanmoins, il sait aujourd’hui qu’il n’a rien à perdre, que son
ami n’est qu’un leurre.
Il pleure toujours. Ian s’en approche doucement, lui demande ce qui ne va pas. Réclamant un câlin, il le prend dans ses bras, les deux garçons sont enlacés et il en profite pour s’emparer encore une fois de cette nouvelle peau si agréable. Il se sent bien comme ça, il aimerait y rester pour l’éternité. Les pleurs ont cessé, il se décale doucement, sous le regard étonné de Ian.
— Tu as toujours été mon meilleur ami.— Je sais.De sous sa chemise il déploie l’arme trouvée dans la chambre parentale, il vise sa nuque et le sang éclate sur le miroir, sur les vitres et Ian agonise. Ian le supplie d’appeler ses parents, mais il ne veut pas, il hoche la tête en lui rappelant à quel point il est désolé. Il lui tient la main, puis relance une balle. Le souffle se coupe, il ne reste que les sanglots d’une étoile déchue.
— On ne pouvait pas être deux Ian. Ce sont les plus fort qui gagnent.********
Le simple fait d’avoir autant parlé le fait céder, son enveloppe volée de brun aux bouclettes et aux yeux bleus disparaît peu à peu. Elle s’efface et laisse voir son vrai visage. Ses cheveux blonds plaqué tout autour de son visage aux traits moins durs, ses prunelles d’or et son sourire toujours aussi moqueur. Il ne bouge pas, il se fiche éperdument du gars en face de lui, et d’un calme extraordinaire continue.
— Alors je l’ai buté. Une balle qui se nicha…Il resserre son noeud de cravate, replace sa veste et remet correctement ses jambes à terre. Il est a présent le Killian qu’il avait décidé d’être à cette funeste époque. Sa main vient frôler le tissu noir et sort de la doublure une arme à feu, de petit calibre. Il souffle dessus rapidement, ne laissant le temps au docteur Underwater de se lever, vise avec un geste un peu maladroit et tire.
—… Pile entre les deux yeux. Détonation. Le malaise qui s’était installé se volatilise d’un coup, il y a une trace sanglante sur le mur. La séance est enfin finit, ça valait le coup se dit-il. Satisfait, il observe la scène. Le gars à la tête aplatie sur son bureau, une flaque de sang autour. Killian prend soin de soulever pour vérifier qu’elle a bien atteint l’écart entre les deux orbes. Il se félicite de son geste, s’applaudit et range son arme dans sa veste. Il ouvre la porte et la referme aussitôt, se tournant vers l’homme sans vie.
— La seule chose que vous pouvez regretter, c’est de ne pas avoir assez profiter de votre vie. Bonne nuit monsieur Underwater. Il l’ouvre de nouveau et disparaît dans la ville surpeuplée.