Enryo Sakuran (100%)

Extérieurement, un mot pourrait définir Enryo : la normalité. Il ressemble à un jeune Japonais tout ce qu’il y aurait de plus classique. On ne peut pas dire qu’il soit très grand avec ses 169cm ni bien épais avec ses 53kgs, mais il s’inscrit dans ce qui est commun au Japon. Certes, certains de ses muscles se dessinent sous sa peau mais ce n’est vraiment pas un foudre de guerre et c’est plutôt dû à son faible poids combiné à son manque de graisse, Enryo ayant une alimentation très japonaise principalement à base de poissons, de légumes et de riz.

Ses cheveux bruns et raides sont assez courts et ne cachent pas des yeux qui sont souvent complètement inexpressifs. Il n’est pas désagréable à regarder si on aime bien le style crevette avec ses lignes en douceur mais aucun trait saillant ne vient non plus marquer les mémoires. Il en est de même pour ses tenues vestimentaires. Étant lycéen, il porte évidemment l’uniforme de son établissement et lorsqu'il n'avait pas besoin d'être aussi formel, il semblait plutôt porter des vêtements issus des magasins comme Gap ou Uniqlo. Bref, rien que du très classique et rien d’extravagant, à mille lieux de ceux qui s’adonnaient au cosplay, aux coupes décoiffantes ou aux teintes farfelues.

Il est assez difficile de se prononcer là dessus. Il n'est pas méchant pour deux sous mais il reste constamment muré dans son silence, à écouter souvent de la musique avec son baladeur mp3. Il peut vous sourire et vous lancer un visage avenant mais dès qu’il s’agira de communiquer, pas un mot ne sortira de sa gorge. Il vous fera comprendre ce qu’il souhaite par gestes, en utilisant la langue des signes si vous la maîtrisez, ou éventuellement en écrivant sur un petit calepin qui ne le quitte jamais. Dans la rue, il adoptera le comportement normal de tout jeune de son âge, plutôt effacé, attendant sagement dans la file d'attente que son train arrive et faisant la queue au combini pour désigner du doigt un hot-dog. Pour les rares camarades qui s'intéressaient à lui, il pouvait se montrer très serviable, prêt à aider pour les devoirs. En revanche, pour ceux qui s'attaquaient à lui par simple volonté de s'affirmer, il semblait n'en porter cure, voire même parfois déconnecter complètement du monde où il se trouvait, lassant finalement des garnements qui ne trouvaient pas très plaisants de s'en prendre à quelqu'un sans grande réaction.

Difficile de dire donc quels seraient ses qualités et ses défauts. Une constante toutefois : il fallait toujours que tout fût propre autour de lui au point que cela tournait parfois au trouble obsessionnel compulsif. Par exemple, s’il repérait une tache sur sa main, il filait le plus rapidement possible aux toilettes les plus proches et frottait énergiquement ses mains. De même, il remettait tous les objets autour de lui en place et pourrait aussi s’en prendre à vos affaires s’il traînait près de vous. Au fond, c’est peut-être ça le colocataire de rêve ? Discret et maniaque.

Toute histoire commence par une famille, et cette famille là, la famille Sakuran, n'attirait vraiment pas l'attention. Le père disposait d'un emploi de bureau pour une entreprise quelconque et travaillait beaucoup. La mère travaillait dans l'administration d'une grande surface et gérait le personnel. Leurs salaires à tout deux permettaient de bien vivre, d'avoir un bel appartement, mais rien qui ne fût extravagant non plus !
Enryo Sakuran est né près de Tokyo et y vivait jusqu’à peu, dans ce grand appartement avec ses parents. Jusqu'à l'âge de dix ans, Enryo ne présentait rien d'extraordinaire : il allait à l'école et tâchait d'obtenir les meilleures notes tout en attendant avec impatience la sonnerie indiquant la fin des cours, il demandait toujours à ses parents de faire un tour de manège de plus au centre commercial, il voulait plus tard conduire des trains ou être docteur.

Un petit garçon charmant et insouciant comme pouvaient l'être tous les garçons à cet âge.

Tout cela changea brusquement le jour de ses dix ans. Il s'enferma soudain dans un profond mutisme. Plus aucun sourire ne vint illuminer son visage, plus de jeux dans la cour, plus de demandes pour encore faire un tour de manège.
Sa mère s'inquiéta de ce changement si brutal mais son père, arguant du fait qu'Enryo venait de fêter ses dix ans et souhaitait simplement déjà commencer sa crise d'adolescence, ne s’alarma pas outre mesure. Les résultats à l'école ne chutèrent pas, bien au contraire. En fait, le jeune garçon passait tout son temps sur ses leçons, au point de ne sembler vivre que pour cela désormais. Quand parfois il n'avait plus de leçons, il commençait à lire sur toutes sortes de sujets. Ou il s'essayait à la musique. Toute sorte d'activité qui ne lui demandait pas de sortir de sa chambre ou qui au contraire le maintenaient à l'extérieur, dans les bibliothèques ou les conservatoires. Après des essais au violon, il fit comprendre qu'il n'aimait pas cela et passa à l'alto plutôt qui produisait pour les oreilles du jeune garçon un son plus chaud. Il s'essaya vaguement au piano, ou plutôt, au synthétiseur qu'il avait reçu pour son 14ème anniversaire, avant de s'y perdre totalement, comme dans tout ce qu'il semblait entreprendre.

Les années passèrent mais Enryo resta enfermé dans sa muraille de mutisme. Sa mère, rongée d'inquiétude, voulait l'emmener voir un psy mais son père s'y opposait tout le temps. À quoi bon ? Tous les jeunes passaient par une crise comme celle-là, c'était bien connu. On n'allait tout de même pas mettre 30.000 Yens au bas mot chaque semaine parce qu'Enryo traversait une crise d'adolescence ! Et de plus, il était devenu pour ainsi dire le meilleur élève ! C'est ce dont rêvaient tous les parents. Alors pourquoi dépenser une fortune pour un psy ?

Un jour, la mère d'Enryo n'y tenant plus, elle inscrivit son fils en secret à un pensionnat. Elle ne s'était même pas renseigné à ce sujet, se laissant guider par une vague superstition concernant des "étoiles" qui protégeaient ceux qui en avaient besoin et que l'on disait se trouver dans cette ville. Tout ce qu'elle souhaitait surtout, c'était que son fils changeât d'environnement et ce pensionnat était relativement éloigné tout en étant le plus facile d'accès pour son garçon.
Elle n'avait même pas parlé de son projet à son fils qui de toute manière n'en connaissait guère plus que sa mère sur la ville. Une fois que le père fut parti au travail, elle emmena Enryo à la gare de Shinjuku et lui donna un billet de train pour l'aéroport, un billet d'avion ainsi que les papiers d'inscription pour l'académie locale.
Elle embrassa alors son fils chéri puis le laissa là. Ce dernier, un peu dérouté, regarda la voiture de sa mère s'éloigner en restant sur le bord de la route. Il ne tarda pas à se faire bousculer par la foule trépidante près de la grande entrée de la gare. Il baissa les yeux sur les notes griffonnées par sa mère, se tourna vers le bâtiment et observa la nouvelle entrée sud, ouverte récemment.

Enryo, avec son gros sac rouge rempli de ses affaires n'avait plus qu'à monter dans le train...