Un endroit sûr ? Son camarade avait beau le lui dire, la méfiance du semi-russe ne cessait pas pour autant. Demeurant silencieux, son regard ne pouvait s'empêcher de parcourir les moindres espaces de cet endroit clos. Il se devait d'être prudent. C'est toujours dans les moments où l'on s'attend le moins que les bêtes surgissaient. Sa lèvre inférieure se trouva martyrisée plus d'une fois en raison de cette inquiétude constante. Rien que le léger bruit que fit son camarade pour se redresser sembla le paniquer. Il avait légèrement sursauté avant de s'insulter lui-même intérieurement. Bordel, qu'il devait être pitoyable à voir. Telle une petite bête complètement apeurée dans une nature qui lui est inconnue. Rentrer ? Bonne idée. Il s'empressa de se lancer à la suite de son camarade et refermer la porte du dehors appréciant la sensation d'être en sécurité. Une sensation bien illusoire au fond. De la même manière que n'importe qui pouvait faire irruption dans le jardin, n'importe qui pouvait pénétrer dans la demeure. Pourtant – comble du paradoxe – il se sentait mieux ici.
Rictus. Le regard se tournant vers son camarade qui venait de prendre la parole, il s'était machinalement rapproché de lui sans vraiment savoir pourquoi. Fenrir voulait se reposer ? Scène de déjà vu. Cette scène lui rappela celle de la nuit précédente et cette réminiscence lui décrocha un véritable sourire cette fois.
» En effet, on dirait que les rôles sont inversés.
Proche du lit, il aida Fenrir à ramener la couverture contre son corps. Moment semblable à de la douceur et de la sympathie. Une action complètement étrangère aux principes du crépusculaire. Pourquoi diable se montrait-il si proche de lui ? Au fond de son propre être, il n'était plus capable de dire s'il agissait purement par intérêt ou s'il éprouvait une affection sincère pour cette étoile. Troublé. Il était troublé. Probablement ce choc sur sa tête qui lui avait retourné toutes les idées. En repensant à la scène dans le jardin, il se sentait mal. Il s'était confié de son propre chef sur des éléments de son passé qu'il gardait refoulés depuis des années et des années. Pourquoi. Pourquoi s'est-il ainsi ouvert à lui ? Il n'avait pas prévu que le fait de devenir un terroriste le rende aussi sentimental. Faible oui. Une sensation de faiblesse commençait à l'envahir. Il devait se reprendre. Reprendre cette apparence de façade sinon il allait finir par faire des erreurs, des erreurs fatales pour sa situation.
» Tu me rejoins ?
Silence. Surprise. Le regard de Matvey se posa sur le corps allongé de son camarade se demandant s'il était sérieux ? Habituellement, il aurait enchainé une phrase amusée. Se moquant de son camarade tout en se mettant lui-même en avant. Mais visiblement, son arrogance s'était perdue avec ses autres neurones dans le choc frontal. Habituellement, il se serait assis sur le lit à proximité de l'étoile. Il se serait penché vers lui osant poser sa main sur sa hanche dont la courbure se laissait deviner dans le dessin de la couverture. Il lui aurait murmuré des phrases des plus tendancieuses se délectant des moindres réactions scandalisées de son visage … Seulement ça, c'était habituellement. L'idée lui avait tout de même effleuré l'esprit, mais l'envie lui était absente. Au contraire même, il s'était éloigné du lit abordant un visage anormalement calme. Le silence demeurait tandis que les pensées de Matvey se mirent de nouveau en place dans sa tête. Frottant sa tête en grimaçant légèrement avec la douleur, il finit par arquer un petit sourire en direction de Fenrir.
» L'invitation est tentante, mais non merci. Je te chanterais bien une berceuse pour que tu trouves plus facilement Morphée, mais je crains que mes talents mélodiques te conduisent plutôt chez Hadès.
En regardant Fenrir dans son lit, un léger sentiment de culpabilité commençait à envahir les tripes de Matvey et remonter jusqu'à son encéphale. Trop. Il avait trop abusé de la gentillesse de cette étoile et l'avait trop mise en danger. Qui plus est, il était la raison de sa crise précédente. Par sa faute, il n'était pas allé au travail risquant certaines inquiétudes de ses patients. Matvey devait devenir plus réaliste. Il n'était pas encore assez prudent. Il avait beau se méfier de tout, s'il ignorait d'où pouvait venir la menace, il était comme un aveugle cherchant son chemin. La route pour devenir un terroriste est longue. Il se pensait suffisamment bon pour pouvoir marcher dedans sans encombre. Mais le concret est bien différent de la théorie. Oui, il réalisait qu'il était encore loin de ce qu'il voulait être. Il devait mieux s'organiser, prévoir et adapter. Une chose qui n'allait pas se faire du jour au lendemain. Il devait également songer à se faire un nom au sein même du crépuscule. Il ne connaît pas assez les membres. En cas de pépin, il n'aurait que Fenrir – et encore c'est à voir – si qui compter. Alliés. Liens. Contacts.
» Je vais te laisser dormir Fen et je pense me retirer. J'ai encore des choses à faire et je ne peux rester chez toi éternellement.
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