What have we here ? - ft. minami

Il attendait patiemment que l’heure tourne. Encore chez lui à 5 minutes de son rendez-vous avec son prochain patient, il écoutait le calme et s’en nourrissait, plongé dans une réflexion intense, cependant, une réflexion dont il ne pourrait poser mot. Les insectes glissaient sur sa combinaison et déambulaient contre, chatouillant la surface de sa peau sous cette couche de vêtement, il ne les regardait pas, la sensation qu’il ressentait lui permettait bien de reconnaître qui était quoi - tantôt un papillon, tantôt une fourmi, tantôt une libellule - il avait tant observé, senti, détaillé cette faune et cette flore qui peuplait son jardin que cela en devenait ennuyeux.

Deux minutes.
Son corps se lève lentement, il se craque les os.
Une minute trente.
Il saute du rocher sur lequel il était perché, s’écrasant contre le bois abîmé de son domicile.
Une minute.
Devant la glace, il s’observe, tripote sa coiffure qui allait bientôt perdre sa contenance. Un soupir.
Trente secondes.
Vingt.
Dix.
Cinq.

Le voilà dans son bureau, assis sur sa chaise roulante qu’il s’amusait à faire vasciller de gauche à droite, vêtu d’une chemise ouverte sur la naissance de son buste, l’ouverture de ses boutons permettant à sa paire de lunette d’y prendre place. Sa montre indique l’heure à laquelle le rendez-vous était fixé - il finit par se lever avant de se diriger jusqu’à la porte qui sépare son cabinet de la salle d’attente. Quelle tête son ou sa patiente allait-elle avoir ? Qu’est-ce qu’il ou elle allait lui raconter ? Serait-il à la hauteur de ses attentes ? Il en frissonnait d’excitation, ce sentiment envahissant toujours sa poitrine et déformant son visage en un large sourire avant chaque rendez-vous.

14h31.
Une minute de retard.

La porte s’ouvre sur la salle d’attente, alors que ses pupilles se posent sur la forme assise sur un des sièges installés. C’est une jeune femme, frêle, ordinaire, ou presque. Humaine, étoile ? Il ne le savait pas, mais elle le rendait déjà curieux. Il lui offre un sourire alors qu’elle s’avance - petite femme, il dirait même un mètre cinquante cinq.

Une petite courbette, simple formalité comme les autres dans ce pays, alors que ses lèvres s’entrouvrirent. Bonjour, vous devez être mademoiselle Minami Momotarou, n’est-ce pas ? Il lui ouvre la porte pour qu’elle puisse passer avant de la refermer derrière lui.

Installez-vous où bon vous semble. Ses doigts pointèrent le mobilier. Le siège en face de mon bureau, le sofa, ou le divan, je m’adapterai à vos envies. Il attend qu’elle prend place. Elle semblait étrangement tendue - il le sentait de là.

Alors qu’il vint baisser légèrement ses stores pour que le soleil ne l’éblouisse pas trop, ses pupilles se posent sur la jeune femme.

Très bien mademoiselle Momotarou, parlez-moi un peu de vous. Il marque un bref temps de pause. Qu’attendez-vous de moi, et accesoirement de cette séance ? Je suis à l’écoute.

Alors elle a opté pour le divan. Intéressant. Le psychologue vient donc prendre un siège pour se placer plus ou moins face à elle, pas totalement, pour ne pas briser une éventuelle barrière invisible qu’elle s’était forgée et ne pas violer son périmètre de sécurité. En une seconde le voilà armé d’un callepin, neuf, et d’un stylo niché entre son index et son majeur, prêt à l’écouter.

Et il l’écoute, oui. Il l’écoute se plaindre et remettre en question les capacités psychothérapiques de son métier. Classique, il n’y réagit même pas et se contenta de faire rouler son stylo entre ses doigts et taper le bouchon contre le papier.

Pour que je vous rassure, il est évident que vous devez me parler de vos soucis... Certaines personnes viennent à mon cabinet pour avoir un soutien moral, une personne à qui parler plus que de se faire guérir, comme vous dites. Mais bon, là n’est pas le sujet, poursuivons.

Elle essayait de se détendre - en vain. L’atmopshère était tendue, et ça se sentait, et pourtant, Fenrir ne bougeait pas d’un pouce, se contentant de l’examiner de ses pupilles bleutées avec insistance. Lorsqu’elle finit par articuler le souci qui ronge sa vie, il prend rapidement note - des mots clés notés par ci par là qui pourraient éventuellement lui servir à l’avenir.

Il sourit et s’enfonce un peu plus dans son siège, rongeant le bouchon nuit du bout des dents. Qu’exercez-vous comme travail ? Suite à sa réponse, il prend note, alors que ses yeux se plissèrent. Je vois. Il marque un temps de pause alors que son corps se redressa un peu. Pourquoi continuer à travailler là-bas ? Le salaire ? Vous savez, les droits de la femme sont le plus précieux des biens... Il exhale un petit soupir. L'harcèlement sexuel ou même tout attouchement non consentant peut être puni par la loi, vous devriez songer à porter plainte. Ou, si vous ne voulez pas opter pour une telle solution, changer de travail peut être une autre alternative. Croyez-moi mademoiselle, la santé mentale est primordiale pour que vous puissiez vivre correctement, vous aurez beau avoir tout l'argent du monde, si le mental ne suit pas, rien n'ira bien. Il esquisse un petit sourire amusé avant de déplier ses lunettes et les enfiles, dégageant les mèches qui encombraient sa vision. Son regard se pose sur sa patiente, la détaillant.

Que pensez-vous de tout ça ? Il se mord la lèvre, rongé par la curiosité.

Il l’écoute attentivement parler. C’était donc le salaire. Pas étonnant, les temps sont durs, trouver un salaire décent en plus d’un métier qu’on aime n’était pas spécialement simple. Elle avait l’air si jeune, peut-être n’a-t-elle pas fait d’études très longues, qui plus est. Fenrir soupire et lui jette un petit regard.

Mais pourquoi être trop bonne avec les gens qui abusent de cette bonté ? Vous avez su me rembarrer tout à l’heure, vous devriez être capable de faire pareil avec un patron un peu trop insistant, pas vrai ? Tout semble si contradictoire, mademoiselle Momotarou... Votre vie vous appartient, tout comme votre corps. Porter plainte vous permettrait d’avoir d’éventuelles indemnités, et dans tous les cas, les aides du chômage seraient toujours là… Ses bras rejoignent les accoudoirs.

J’ai une solution. Le regard tranchant. Que pensez-vous de l’idée de me raconter la vérité, mademoiselle ? Petit sourire. Je sais reconnaître les mensonges, tout vous trahit, votre expression, votre pouls… Vous savez, je suis quelqu’un de confiance et rien ne sortira de mes murs. Vous ne devriez pas être si craintive. A présent, si vous le voulez bien, parlez-moi de ce que vous êtes vraiment. Votre travail, les raisons de votre malaise et de cette pression. Vous, votre personnage.

IElle niait. Il arqua un sourcil, ne comprenant pas vraiment cette action. Un simple “hm” résonnant du fond de sa gorge alors qu’il se contenta de griffonner sur son calepin. « Mythomane compulsive. » ainsi qu’un petit dessin illustrant son faciès présentement. Il voulu sourire, mais elle brisa ce silence si paisible. Sa faute, vraiment ? Il exprima une moue, plutôt blessé dans son ego à vrai dire. C’était la première fois qu’on lui disait une telle chose, même si on avait aussi pas mal remit en question son boulot de psy et sur l’efficacité des séances.

Ma faute ? Vraiment ? Il soupira avant de plisser les yeux. C’est vous qui avez fait appel à moi, pas vrai ? Comment cela peut-il être de ma faute, alors que je n’ai encore rien dit, mit à part vous poser des question ? Tenter de garder son calme, alors qu’il titillait un peu sa patience olympienne. Je suis désolé si vous me trouvez trop insistant ou curieux, mais je suis psychologue, mon travail est de vous connaître pour mieux vous assimiler et choper le problème à sa racine, alors je ne peux rien faire sans vous interroger sur votre vie, et vous-même.

Il réajuste sa monture sur son nez, poussant un grand, et profond soupir.

Merci de me dire où est le problème.

Elle finit par se calmer, et dévoiler ce qu’il attendait. Energique, spontané, il note tout, chacun de ses mots, même ses petits moments d’hésitation, attentif, captivé par ces révélations plus qu’intéressantes. Il souligne certains mots, en barre d’autre, rajoute des choses ca et là, avant de mordre le bouchon de son arme d’encre après sa tirade.

Je vois. Intéressant. C’est un étrange syndrome, et je dois avouer ne jamais en avoir entendu parler, je me renseignerai davantage dessus dès que possible. Il lâche son calepin et les pose sur ses jambes avant de croiser les bras et d’observer sa patiente.

Peut-être est-ce parce que je suis une étoile que vous réagissez comme ça ? Peut-être avez vous eu une mauvaise expérience avec quelqu’un qui me ressemblait, et que votre cerveau n’a pas réagi comme il le devait ? Par ailleurs, je ne pense pas qu’il soit réellement possible de percevoir le caractère d’une personne par sa voix à moins de posséder un certain pouvoir, et je ne pense pas que ce soit votre cas. Bien entendu, je ne dis pas que vous mentez. Mais je pense que ce trouble psychologique influe sur la voix de votre interlocuteur et non pas son caractère. C’est vrai, après tout, un homme avec une voix grave ne sera pas forcément un homme d’un mètre 80, grand et imposant, pas vrai ? Sourire, pour détendre l’atmosphère.

Si ça peut vous rassurer, bien que j’en doute, je n’ai pas un mauvais fond. Et quand bien même, je ne le montrerai jamais à mes patients, par respect, principe, et diplomatie, je suppose ? Vous êtes vous déjà trompée sur la couleur qu’une voix avait auparavant ? Il brandit son calepin, alors qu’un large sourire déforme ses lippes pâles.

Par ailleurs, tant que vous y êtes, expliquez moi quelle couleur représente quel trait de caractère selon vous, je suis curieux.

La pointe de son crayon danse frénétiquement contre la feuille vierge, il note, encore et encore, alors qu’un sourire hautement satisfait et intéressé étira ses lèvres pour y former une courbe amoureuse, il papillonne entre chaque temps de pause, attendant qu’elle décrive toujours plus ce syndrome si curieux.

Etais-tu si sadique et cruel, Fenrir ? Seul dieu le sait, mais tu n’as jamais eu ouï d’un tel trait de caractère venant de toi, prouvant donc à quel point tout était erroné - ou peut-être pas. Il relit une dernière fois ses notes avant de regarder sa patiente.

Je pense voir ce que vous voulez dire. Ca doit être un monde assez… Haut en couleur, pas vrai ? Un monde à la fois tragique et magique… Fascinant. Il se racle la gorge pour ne pas se laisser emporter. Merci de vous être ouverte à moi, mademoiselle Minami. Je pense que vous ne devriez pas vous renfermer sur vous-même vis à vis de votre maladie. Une couleur, peu importe sa teinte reste belle, qu’elle soit noire ou rose, dites-vous que chaque être humain a un bon fond, même si certains se cachent bien de le dévoiler dirons-nous… Il faut savoir gérer son stress et relativiser. Je pense que ça vous aidera à avancer un peu plus dans la vie.

Un sourire presque affectueux. Maintenant que vous êtes plus à l'aise, parlons de vos soucis de salaire.