The world collides in a heartbeat ■ ft. Tadashi Kogane

'The world collides in a heartbeat.'"You."

Mai commençait doucement à pointer le bout de son nez. Dehors, le soleil battait, comme une veine pulsante au cœur de la ville. Le lycée était pratiquement fini, et les esprits s’échauffaient déjà : les vacances approchaient et tous faisaient des plans, imaginaient où ils iraient passer leurs prochains mois de tranquillité. Toi, Yue, tu rêvais à tout autre chose. Alors que la dernière sonnerie de la journée retentissait, tu n’avais pas sauté sur ton sac pour t’enfuir de ce cloaque, bien au contraire. Assis sur ta chaise, une main soutenant ton menton, tu regardais dehors comme si les nuages possédaient toutes les grandes questions que quelqu’un pouvait se poser en une vie. Soupirant, tu te relevais, t’apprêtant à partir, lorsqu’une conversation entre deux filles, un peu plus loin, avait attiré ton oreille. Il était question d’un meurtre glauque aux abords de la ville, et l’une des deux demoiselles précisa que la police se trouvait sur les lieux, précisant au passage que les transports en commun étaient fermés dans ce coin-là. Laissant donc les piailleries en tout genre sur le fait que tout cela était embêtant au possible, c’est les yeux brillant de passion que tu te dirigeas presque en courant jusqu’aux grilles du lycée, en sortant rapidement. Un souffle de liberté courrait en toi, te faisant courir presque aussi vite que le vent.

Le trajet te sembla atrocement long, alors tu en profitas pour passer quelques coups de fils à des amis, et tu appelas également ton colocataire, prévenant que tu ne rentrerais pas tout de suite. Il allait sûrement te faire faire la vaisselle pour avoir raté les cours de langues que vous vous donniez, mais qu’importe. Parce qu’au bout de la ligne de bus, se trouvait quelque chose qui, bien plus que la musique, te passionnait corps et âme. Tu voulais devenir médecin, Yue. Tu voulais aider les gens, tu voulais remercier comme tu le pouvais cette humanité qui t’avait recueilli, t’avait ouvert au monde. Tu voulais tout simplement faire quelque chose pour ces gens qui un temps, avaient prit soin de toi. Tu chérissais l’humanité bien plus que tout, mais tu devais avoue que voir un cadavre, pouvoir l’observer, tenter de comprendre les raisons de cette mort, étaient là des choses qui faisaient briller tes yeux. Bien loin d’être effrayé -ce qui était pratique, puisque ton pouvoir ne se déclenchait qu’en cas de frayeur-, tu y courrais en cet instant, priant pour t’introduire une fois de plus sur la scène de crime. Quoi de mieux pour apprendre ?

Oui c’était là ce que tu désirais faire de ta vie, petite étoile. Tu voulais arpenter ces champs de bataille, tu désirais te pencher sur ces corps puants de mort, sur cette vie qui avait déserté, et tu voulais comprendre les causes d’une telle chose, plus que tout. Le cœur battant à folle allure, tu descendis du bus avec fougue, collant ton sac sur ton dos en avançant le plus discrètement possible. Il y avait effectivement du monde. Des voitures de police, un fourgon pour l’équipe scientifique, et une longue bâche blanche déroulée pour cacher le corps. Rien d’anormal. A pas de loups, tu avais donc fini par te faufiler discrètement. Probablement était-ce tes lunettes noires et rectangles qui te donnaient l’air un peu plus vieux, mais l’on t’avais remarqué sans t’arrêter. Ils étaient tous occupés, après tout. Toi, ton regard n’avait pas pu quitter la main ensanglantée qui jonchait le sol, jusqu’à ce que tu relèves les yeux, et tombe sur une touffe de cheveux verts. Un homme, plus loin, une personne que tu n’avais jamais vu. Quelque chose passa en toi, et tu étais là, planté au milieu d’une scène de crime, le cœur fou dans ta poitrine, le sang hurlant à tes tempes, sans que tu ne comprennes pourquoi. Comme un réflexe, tu avais amené l’un de tes poings fermés contre ta poitrine, sûrement pour ne pas sentir cet organe qui te donnait la vie sauter hors de ton torse pour se rependre sur le sol. Certes, ça n’aurait fait qu’un peu de sang de plus sur le pavé, mais tu n’étais plus vraiment capable de penser à cet instant. Tu te sentais bouleversé.

Boom.
Boom.

Un battement de cœur. Violent. Une résonance inconnue. Une reconnaissance nouvelle.

Apparemment, aujourd’hui était le jour où je devais rencontrer mon destin.

Evidemment, je n’en avais pas la moindre idée. Ce n’était pas comme si un ange m’était apparu en rêve, avec une énorme trompette pour m’annoncer la bonne ( ou mauvaise ?) nouvelle. Non. C’était un jour qui commençait comme les autres. Le réveil, avec le fond de la gorge sèche et ce sentiment à la fois lourd et vide dans le fond de ma poitrine. Je sais, comment quelque chose peut être lourd et vide à la fois ? Et pourtant c’est la seule façon que j’ai trouvé pour l’exprimer.

Lorsque je quitte mon appartement, c’est toujours après méticuleusement préparé. On ne voudrait pas paraître négligé n’est-ce pas ? Rasé de près, costume noir, chaussures impeccables, chemise verte et une cravate qui va avec le tout. A l’extérieur, le ciel bleu et une brise fraîche m’accueille. Merci à l’anticyclone de la région. Au commissariat tout est pareil. Je vais chercher mon badge dans mon casier et je rejoins ma station. Comme d’habitude, c’est le bordel, des gens qui parlent, qui crient, des téléphones qui sonnent, et les quelques poivrots habituels qui chantent à tue-tête dans leur cellule de dégrisement. L’odeur du café, de cigarette froide. Un léger parfum de transpiration et de renfermé. But it feels like home. Après avoir salué tout le monde je m’attelle à mon travail. Personne n’a le temps de chômer entre les requêtes de la division crépusculaire et les crimes “habituels”. J’ai revu mes rapports et puis je ai été dispatché avec les officiers Honda et Saito pour poser les questions habituelles aux suspects de l’affaire sur laquelle je travaillais.

Nous étions sur le chemin du retour, moi à l’arrière en train de revoir les déclarations des suspects quand la radio annonce un code 13 - c’est à dire un sujet à terre - mort. Il avait été trouvé à l’extérieur de la maison abandonnée, un endroit fort connu pour : 1) être soi-disant hanté, 2) être un bon endroit pour se bécoter quand on aime l’odeur de moisi et 3) être un squat où s’héroïner ou se cocaïner. D’où ma réflexion pleine d’esprit :

Quoi. Quelqu’un a glissé sur une seringue et en est mort ?

Une remarque qui ne déclencha pas une franche hilarité de la part de mes collègues. Un rictus, tout au plus. Meh. Si on ne peut pas rire de la mort, de quoi on peut rire, franchement ? Arrivés sur les lieux, on retrouve le pauvre mec, évidemment pas de témoins à proximité. On arrive avec la section scientifique, on examine, on déroule les bandes pour délimiter le périmètre, on appelle la scientifique mais ça ne devrait pas leur prendre deux heures pour déterminer la cause du décès vu que l’arme du crime était encore plantée dans le dos de la victime. Et pendant qu’on numérote les preuves et qu’on les récupère, j’enfile mes gants pour chercher une quelconque pièce d’identité. Et bingo, portefeuille, carte de banque, d’identité, permis et autre préservatif. Kenji Tsukuda, 19 ans. Tsss… ce gosse aurait dû se trouver ailleurs, à l’école, à la maison - je ne sais pas. Mais pas poignardé ici. La seule consolation que l’on pouvait avoir, c’est que ce meurtre ressemblait à un règlement de compte ou une bagarre qui aurait mal tourné. Rien de surnaturel ou de crépusculaire.

Il n’avait pas fallu une heure pour que les curieux commencent à se rassembler sur le lieu du crime. Les gens sentent le sang et l’horreur ça les attire. C’est un vrai phénomène de société,comme ceux qui ralentissent sur l’autoroute juste pour voir les carcasses de voitures, déformées par l’accident. La même curiosité morbide, les mêmes vautours. C’est humain, j’imagine. Je les balaie du regard un instant. Ils ne sont pas nombreux aujourd’hui, il faut dire qu’on se trouve assez loin du centre-ville…

C’est alors que mon regard tombe sur ce jeune homme. Une chevelure flamboyante et de yeux tout aussi écarlates derrière ses lunettes de hipster. Ah, les jeunes...qui piquent les lunettes de leur grand-père pour avoir l’air cool et mettent des lentilles pour ressembler à des vampires. Bizarre. Encore plus bizarre que son apparence, c’était le sentiment qu’il inspirait. Je le regardais m’observer et pendant un bref moment tout autour de moi s’était arrêté. La lumière, le son. La terre s’arrêtait de tourner. J’avais le sentiment que je devais me rappeler quelque chose d’important, de significatif, mais que je l’avais sur le bout de la langue.

Jusqu’à ce que le légiste m’interpelle pour me fournir les détails de sa première analyse. Mais même lorsqu’il me parlait et que je l’écoutais, je ne pouvais pas m’empêcher de sentir cette paire d’yeux brûlants m’observer. Je le savais et cela restait quelque part dans le coin de ma tête, presque comme une obsession. Non. Exactement comme une obsession. Sauf que cela n’avait pas de sens. Cela n’avait pas de sens parce que je ne le connaissais pas, parce que c’était juste un gamin bizarre pour qui je n’avais aucun sentiment, pas même la moindre attraction à part cet étrange sentiment venu de nulle part qui commençait franchement à me taper sur les nerfs. Alors quand l’expert avait terminé son petit discours et que tout le monde commençait à prendre des photos des preuves avant de les ranger, j’ai traversé la scène de crime, je suis passé en dessous du ruban pour m’adresser au petit troupeaux.

Okay, ceci est une scène de crime, je vous demanderai de passer votre chemin et de laissez les enquêteurs faire leur travail. Il n’y a rien à voir. Merci.

Discours standard pour disperser les curieux avant qu’ils ne s’entassent trop. A l’exception du rouquin. Je pouvais toujours le voir me regarder avec ses grands yeux rouge. Je remarquais l’uniforme. Un gamin. Peut-être connaissait-il notre victime ? Enfin bref, peu importe le prétexte pour pouvoir le voir de plus près. Je le montrais du doigt.

A part vous. Venez un peu par ici.

J’attendais que le gamin viennent se pointer. Il n’avait pas l’air hostile. Et il n’avait pas l’air d’être le genre d’étudiant qui s’acoquinerait avec qui que ce soit qui finirait en victime de meurtre. Mais voilà. Je ne passais pas par quatre chemins :

Okay, quel est votre nom et qu’est ce que vous faîtes ici ?

Ca me semblait bien pour commencer.

DEV NERD GIRL

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L’air venait de brusquement perdre sa consistance. Tout était épais, mais semblable à du coton à la fois. Yue, tu avais l’impression d’avoir les jambes tremblantes. Incapable de faire un pas en avant, tu étais simplement resté là, planté non loin d’un corps ensanglanté, te fichant bien de l’état de ce pauvre jeune homme. C’était étrange, à quel point même quand tu le désirais, ton regard revenait sans cesse à cet homme à la tignasse verte. Tu te sentais attiré, totalement hypnotisé par ce qui était un étranger total. Pourquoi ? Oh bien sûr, durant tes cours spéciaux d’histoire des Étoiles, tu avais appris que chaque petite étoile était affilié à un humain. Tu savais que c’était là un lien puissant, plus fort que tout, qui pouvait t’unir à un humain de façon définitive. A la vie, à la mort. Que s’il arrivait quelque chose à ton humain, alors la même chose t’arriverait. C’était presque effrayant, de ton point de vue, tu sais, tu n’avais jamais connu ça. Les gens autour de toi étaient pour la plupart des étrangers, Yue. Des âmes de passages, des fantômes que tu croisais, à qui tu souriais avant de leur faire signe de la main pour ne plus jamais les revoir. Tu ne t’étais jamais réellement senti à ta place dans ses rues qui puaient l’hypocrisie. Tous t’aurais rejeté s’il savaient qui tu étais réellement, de quelle race tu étais issu.

Mais aujourd’hui, les yeux plongés dans l’océan vert qui te faisait face, tu te sentais en vie. Il y avait cet écho, en toi. Ce petit son qui raisonnait à tes oreilles, et qui te donnait envie de courir, de humer la vie à plein poumons, de la crier au monde entier. Tu avais simplement l’impression que pour la première fois de ta vie en tant qu’humain, tu avais une raison d’exister. Une envie, soudaine, fugace, traversa tes paupières qui clignèrent un instant, sans même que tu ne puisses les arrêter. Tu voulais enlacer cet homme. Tu voulais te fondre dans sa chaleur et qu’il t’entoure de la sienne. Tu te sentais déjà si proche de lui, comme si vous vous connaissiez depuis toujours. Peut-être venait-il de là-haut lui aussi ? Ou était-il ton humain, le tien rien qu’à toi ? Un inspiration, un peu tremblante secoua ton torse et tu repris pied avec la réalité, alors que le monde se mit de nouveau à tourner. Les sons parvenaient enfin à tes oreilles, il te semblait même entendre l’autoroute qui respirait de nouveau non loin d’ici. Le soleil te sembla presque brûlant soudainement, marquant ta peau de façon indélébile.

Tes temps te faisaient presque mal alors qu’ouvrir les lèvres pour parler, répondre à cet homme, te sembla être la chose la plus dure du monde. Lentement, tu pris une autre inspiration, sans cesser de fixer le policier. Ou détective. En tout cas il était affilié avec les forces de l’ordre s’il se trouvait ici, et il te fallait trouver une bonne excuse, Yue. Sinon tu devrais partir rapidement d’ici et tu perdrait de vue l’homme à la chevelure verte. Et ça, tu allais tout faire pour que ça n’arrive pas, foi d’étoile. Tu t’avanças d’un pas, légèrement, un peu intimidé comme une bête sauvage. Tu n’osais presque pas t’exprimer, tu ne voulais que rester dans ton coin. L’observer de loin. Mais apprendre à le connaître à la fois. Tu te sentais perdu, assailli par des millier de sensations qui se battaient en toi.

« - Y-Yue Alioth monsieur… c’est mon nom. Je … je suis ici parce que… parce que je veux devenir médecin et j’étudie pour ça alors… alors je voulais voir si… si je pouvais aider ? »

Une excuse qui même à tes yeux, te sembla stupide.

C’était toujours là, comme un pulsation incessant dans l’arrière de mon crâne, comme une musique qu’on ne peut pas se sortir de la tête. C’était une sensation que je n’avais jamais ressentie avant. C’était un peu comme se tenir debout devant un gouffre, un peu comme essayer de se rappeler quelque chose d’important. C’était toujours là, et cela m’empêchait de me concentrer sur mon travail, sur mon enquête. Alors autant se confronter directement à ce mystère, plutôt que de le laisser envahir mon esprit et entraver mes capacités mentales.

Le fait qu’il soit un étudiant, ce n’était qu’un prétexte pour aller jusqu’à lui et lui poser des questions. Peut-être parviendrais-je à découvrir quel était cet étrange sentiment qui s’attardait, comme des racines qui s’implantaient le long de ma nuque. L’air de rien, professionnel, je lui demandais ce qui l’amenait ici. Dans mon métier, il vaut mieux avoir une bonne poker face. Heureusement je n’ai jamais eu de problème avec ça. Mon interlocuteur, en revanche, était clair comme de l’eau de roche. Il bafouillait, sans me quitter des yeux. Peut-être faisait-il partie de ces gens qui idolâtrisent ceux qui exercent ma profession. Ou peut-être, osais-je penser, ressentait-il la même sensation. Ou bien peut-être était-il impressionné, voire choqué par le cadavre de l’autre côté des rubans jaunes. Il voulait devenir médecin ? Je voulais bien le croire mais cela restait une très maigre explication pour justifier sa présence sur les lieux. Je n’étais pas dupe.

Plaçant mes mains sur mes hanches je lui adressais un sourire malicieux, sans toutefois le quitter des yeux pour lui mettre la pression. C’était ma façon de faire et j’ajoutais avec une pointe de sarcasme :

Vous réalisez que ceci est une scène de crime ? Le fourgon là-bas c’est celui de la morgue, pas une ambulance. Je crois qu’on ne peut plus rien pour lui, non ? C’est un peu le principe d’une scène de crime...

Je l’observais. Ses cheveux et ses yeux rouges, traquant le moindre soupçon de mensonge. Etrangement je me sentais attiré vers lui mais pas d’une façon amoureuse ou sexuelle. C’était pour ça que cela perturbait. C’était un sentiment nouveau, que je ne connaissais pas. Mais en même temps il y avait quelque chose de… familier.

Mais peut-être que vous pourrez m’aider...

Je sortais la carte d’identité de la victime, que je venais de récupérer. Avec mes doigts je masquais son identité. Pas question de révéler des informations confidentielles. En revanche je lui montrais la photo.

Est-ce que vous connaissez cet individu ?

DEV NERD GIRL

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Ses yeux te regardaient, et le monde venait alors de prendre une autre consistance. Tu n’étais plus capable de discernement, Yue, et il fallait que tu te reprennes avant de totalement te ridiculiser. Tu étais là en présence de quelqu’un d’important, d’un détective qui pourrait, si ça se trouvait, t’épauler dans ton apprentissage. Tu aspirais à devenir médecin, après tout, et ce n’était pas là quelque chose de négligeable. Il pourrait t’apporter son aide, si seulement tu étais capable d’arrêter de le fixer comme s’il avait été la plus belle chose que tu aies vu de toute ton existence. Ce n’était pas tout à fait faux, après tout. Parce que tu le regardais, et tu semblais presque toucher du bout des doigts une aura brillante autour de lui. De la même couleur que les étoiles que tu pouvais projeter quand tu étais effrayé. Ton cœur ne cessait de tambouriner, une symphonie que tu n’avais jamais connu. Là, planté autour de cette scène qui puait la mort et le désespoir, tu n’arrivais pas à détacher tes yeux de la beauté qui te faisait face. Tu penserais sûrement cela ironique, quand tu rentrerais à l’internat, dans la chaleur de tes draps. De voir la magnificence alors que la mort rodait non loin d’ici, vous observant probablement tous. Tu ne te sentais pas vraiment gêné, seulement hypnotisé. Tout semblait plus étrange, la scène avait prit une autre vie que celle qu’elle possédait. Tout semblait se passer au ralenti, à défaut de ses deux grands yeux verts qui te regardaient parfois.

Il n’était pas possible que cet homme ressente la même chose que toi. Tu pouvais le voir à ses yeux, à la façon dont il évitait de croiser directement tes pupilles sans néanmoins s’effacer totalement de votre champ de vision. Il voulait te voir dans le coin, peut-être était-il tout simplement intrigué par qui tu étais ? Oui ce devait être ça. Après tout, tu étais un jeune étudiant sur une scène de crime, il y avait de quoi s’interroger. Ce fut grâce à cette pensée que tu te repris, hochant la tête à ce que disant l’autre homme, avant de t’approcher comme demandé. Battant des paupières en redressant tes lunettes correctement sur ton nez, tu te penchas alors, pour tenter de voir de loin cette main qui dépassait effectivement du drap immaculé. Peut-être n’aurais-tu besoin que de voir cela pour déduire quelque chose d’un meurtre si sordide ? Tu pouvais sentir l’odeur acre du sang percuter tes narines, te rappelait que malgré ton cœur hurlant, il y avait quand même plus grave. Tu te mis alors à la hauteur de la victime, t’accroupissant en regardant droit devant toi. Tu n’usais que de tes yeux, sans pouvoir toucher la victime. Après tout, ça aurait été dérangeant que tu y laisses tes empruntes alors que tu venais seulement aider.

« - On ne dirait pas qu’il s’est débattu, j’en conclus qu’il connaissait son agresseur ? Oh et… regardez, l’usure de ses chaussures. Il y a de la boue sur les semelles, ce qui veut dire qu’il a marché dans de la terre mouillé, et il a plu il y a deux heures de cela. Il y un terrain vague non loin d’ici, et vu son âge, c’est un étudiant qui a séché les cours pour venir ici. »

Tu pouvais te révéler terriblement bavard lorsque que l’on touchait aux choses qui t’intéressaient. C’était comme la musique, tu étais intarissable à ce sujet. Relevant le visage vers ton vis-à-vis, l’air incertain, tu attendis sa réponse.

J’avais l’habitude des curieux. Parfois certains visages revenaient, les gens et leur curiosité morbide, qui pensaient qu’être proche de la mort avait quelque chose de.. je ne sais pas… transcendant ? Et pourtant il n’y avait rien de transcendant sur le fait de se tenir à côté d’un cadavre. Des restes humain, ça pue, ça se chie dessus et je parle pas des autres fluides corporels qui fermentent à l’intérieur et finissent par ressortir d’une façon ou d’une autre. Bien loin du glamour des pompes funèbres, la réalité de la mort. Mais ce rouquin, c’était un nouveau. Du moins c’était la première fois que je le voyais. Cet étudiant, je l’approchais pour lui demander s’il connaissait la victime. Il m’ignora complètement -chose dont j’avoue, je n’avais pas l’habitude et qui contribuait à ce sentiment bizarre et incompréhensible que j’éprouvais. A la place, il se contenta de s’accroupir et de débiter des observations, qui malgré tout restaient impressionnantes pour quelqu’un qui se trouvait assez loin.Et même si la plupart de ses observations n’étaient pas nouvelles, il m’apportait en revanche une information assez importante : le terrain vague qu’il mentionnait. Je connaissais son existence, mais pas son utilité… Intéressant.

Mais je gardais cela pour moi, pas la peine d’informer un civil de quoi que ce soit. C’était contre le protocole.

Okay….Bon travail, monsieur le détective en herbe. Par contre ça vous dérangerait de répondre à ma question ? Cet individu, vous le connaissez ? Et qu’est ce que vous savez sur ce terrain vague ?

Je détestais absolument qu’on m’ignore de la sorte. Les jeunes de nos jours… aucun respect. Mais où va le monde ? Je me le demande.

DEV NERD GIRL

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Cet homme était réellement étrange. Après tout c’était vrai, tu ne l’avais jamais vu. Tu ne le connaissais pas, il n’était qu’un inconnu aux cheveux verts que tu avais rencontré quelques secondes auparavant. Et même s’il te semblait l’avoir déjà connu toute ta vie, il n’en restait pas moins un inconnu total. Tu réalisas cela lorsqu’il te parlas, te sortant avec force et caprice de ta réalité, de la bulle que tu étais formé pour observer le corps un peu plus loin, ou en tout cas, pour en observer ce qui dépassait. Ca avait été dur, et la plupart des gens ne te parlaient pas si mal. Enfin, au lycée, il y en avait forcément. Le monde n’était pas tout rose après tout, mais tu n’y prenais pas réellement garde, à ce genre de mots. Et même quand cela te concernais, tu détournais simplement le regard, faisant mine de rien entendre. C’était bien plus pratique, et te ramenais moins à des souvenirs douloureux. Cette époque où certaines brutes s’amusaient à te terroriser, à te jeter à terre pour te mettre en miette. C’est d’ailleurs à cette époque là que tu avais découvert ton don. Le choc avait été si intense pour toi et tes camarades que tu n’étais pas retourné à l’école, préférant fuir, préférant retourner à la chaleur de ton foyer.

Vous aviez ensuite déménagé. Changé de ville, changé de maison et d’école. D’environnement. Tu avais été un homme nouveau depuis, changé, préférant ignorer totalement tout ce qui s’était passé auparavant. Mais la réponse du détective te ramenas sur terre. Presque choqué, tu avais relevé des yeux brillants vers lui, un peu écarquillé. Tu ne comprenais pas une telle véhémence. Alors en douceur tu avais fini par te relever, époussetant tes vêtements. Cela te donnait un semblant de consistance, te donnant l’impression de faire quelque chose d’utile, même si ce n’était pas réellement le cas. Tu cherchais surtout à gagner du temps, à laisser les secondes s’égrener les secondes s’égrener pour que ton coeur qui s’emballait si fort se calme. Oui tu devais retrouver ton calme, ne rien montrer de ta panique, de ta peur. Seulement, les réflexes corporels étaient bien trop forts pour toi, et tu t’étais retrouvé là, les pieds plantés dans le sol et une sorte de lueur du fond des yeux. De la peur pure et simple. Reculant d’un pas, tu lanças un dernier regard à la victime, avant de hocher la tête à la négative.

« - N-Non Monsieur… je ne le connais pas. Mais le terrain, je le connais. J’y viens de temps en temps. C’est un endroit dans lequel les étudiants aiment se retrouver pour… enfin... »

Rougissant, tu baissas la tête, incapable de terminer ta phrase. Tu n’étais pas très commun à ce genre de choses, Yue. L’amour et les contacts physiques, tu n’y avais jamais réellement eu droit, alors ça te mettait réellement mal à l’aise. Tes joues avaient d’ailleurs pris une merveilleuse teinte carmin, alors que tu te tordais les doigts un peu plus fort.

« - … enfin vous voyez… »

Ses capacités d’observation étaient assez impressionnantes pour quelqu’un de si jeune et de si loin. Je décidais donc de le ranger dans le panier avec les fans de séries policières qui pensent qu’elles reflètent la réalité et que tous les enquêteurs ressemblent à Horatio Caine. Mais qui sait, peut-être que ce gamin éprouvait également une certaine fascination pour la mort, après tout c’était de son âge… Son âge par contre, c’était quelque chose que j’avais du mal à déterminer. Il était plutôt petit et avait l’air jeune mais..son développement, quelque chose ne collait pas avec un simple lycéen en pleine croissance. Mais ce n’était pas le seul détail qui me perturbait à propos de ce jeune homme. Ce sentiment, tremblant, battant à l’intérieur de moi. Comme une force surnaturelle, une main invisible posée sur mon cou, cherchant à me contrôler et contre laquelle je luttais de toutes mes forces. J’étais au boulot, pas question de flancher.

Il avait l’air si familier et pourtant si inconnu. Je continuais à creuser dans le fond de ma mémoire sans succès. Et pourtant… comment aurais-je pu oublier un gamin aux yeux et aux cheveux rouges ? J’étais ennuyé par son manque de réponse - ce qui le rendait suspicieux d’ailleurs, qui chercherait à éviter une question si ce n’était parce qu’il avait quelque chose à cacher. Avec mes mots, je lui faisais comprendre sa grossièreté, et il se releva, me fixant avec ses grands yeux magnétiques. Lui qui était si sûr de lui tout à l’heure semblait désormais… carrément stressé. Alors, quelque chose à se reprocher ? En tout cas j’étais sûr que ce n’était pas lui qui avait porté le coup - l’angle et la hauteur ne concordaient pas. Notre rouquin était trop petit.

Au milieu de ses balbutiements, qui commençaient à devenir intéressants, il s’arrêta soudainement, ses joues prirent une couleur pivoine et il baissait la tête. De mon côté je rangeais la carte que j’avais utilisé pour l’identification. J’attendais toujours la suite donc je le pressais un peu.

Pour...quoi ?

Cela pouvait être pas mal des choses qui auraient pu faire rougir ce gamin. Quoi que ce soit de sexuel, l’utilisation de drogue, écrire des poèmes à son/sa bien aimé(e) ou même encore faire des châteaux avec des ordures, ou même jouer à battle royale ( ça aurait du sens, tout à fait).

Ca ce sont les adolescents. Ils font les malins entre eux mais une fois qu’il se retrouvent face à une figure d’autorité, ils perdent leur moyens. J’insistais, avec un rictus moqueur sur les lèvres.

Vas-y, gamin. Rien de ce que tu diras pourra me choquer. Ni ne sera retenu contre toi.

Je pouvais évidemment émettre des inférences des suppositions. Un terrain vague pour du sexe, ça me semblait possible. Mais là où on peut avoir des faits, un témoignage, on ne se contente pas de suppositions bancales. Mais si ce rouquin éprouvait tant de difficulté à avouer un truc pareilà son âge, le monde allait le manger tout cru.

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