Le faux super-héros | Pan

Rencontre.

L’air concentré, le regard bovin, l’étoile semble bloqué dans ses pensées. Il est parfaitement immobile, le visage éclairé par une lumière pâle alors qu’un courant d’air frais glisse sur sa peau. Sa méditation est telle qu’on dirait un mathématicien en train de résoudre une équation complexe, ou un peintre en train de finaliser son chef d’œuvre dans son esprit.

Il lui manque quelque chose. Quelque chose d’important.

Il sait pas trop quoi, mais il lui manque quelque chose, alors il fixe le vide, espérant une révélation. Orion, débile qu’il est, contemple le frigo qu’il vient d’ouvrir sans savoir pourquoi depuis cinq bonnes minutes. Puis le referme sans rien saisir, oubliant comment il en était arrivé là. Ca arrive à n’importe qui, de se lever, d’ouvrir son frigo sans raison, et de plus savoir quoi faire, non ? En tout cas, Orion, crétin comme il est, ça lui arrive tout le temps. Et c’est pas quelque chose qu’il apprécie particulièrement, il se sent comme un animal en cage qui tourne en rond. Alors il attrape son veston, ses clefs, et claque la porte en sortant de chez lui, laissant derrière lui l’odeur d’encens brûlé, le bouquin grand ouvert sur sa table basse.

Il n’a pas trop d’idée sur ce qu’il va faire, il veut simplement prendre l’air. Une ballade lui parait être une bonne idée. Il tapote son smartphone à la recherche d’un évènement, d’une bonne idée, mais rien ne lui vient. Bon bah, direction le centre-ville, il trouvera bien de quoi s’occuper en glanant dans les rues. Et s’il s’arrêtait dans un bar ? Il vérifie l’heure et oublie immédiatement l’idée, passer pour le pilier de bar présent dès l’après-midi, seul, avec sa bière, très peu pour lui. Il rêvasse en se faufilant d’une rue à l’autre, il aurait dû rester au boulot et faire de la paperasse, c’eût été plus intéressant. Mais non, il avait été tellement efficace toute la semaine que cet aprem il avait pu partir plus tôt, faute d’avoir été placé sur une grosse affaire ou d’avoir des prélèvements à traiter.

Il finit par s’égarer volontairement à droite, à gauche, à droite, à gauche. Il connaît pas trop mal la ville, il saura se retrouver, il a déjà vu cette herboristerie devant laquelle il passe sans s’arrêter. Il s’est toujours demandé ce qu’on pouvait trouver ici, ça lui rappelle ses cours de botanique longs et rébarbatif. C’est sûrement très sympa comme domaine, mais ça l’est drôlement moins quand il faut apprendre une liste indigeste de plantes aux vertus médicinales.

Il s’arrête finalement devant une petite librairie, si discrète qu’elle en devient coquette. La façade est minimaliste, l’intérieur très petit mais s’enfonçant un peu en profondeur. Il décide d’entrer, au grand plaisir du propriétaire qui lui demande s’il peut l’aider. Orion hausse les épaules et regarde le carton d’occasion puis se laisse conseiller. Le voilà reparti avec un exemplaire de roman philosophique dans la poche.

Il remonte la rue tout sourire, satisfait de sa trouvaille. Malheureusement, une mauvaise surprise l’attend au carrefour. Ca s’enchaine assez vite dans son esprit. Un bruit de frein trop fort, trop crissant, et une silhouette mal placé.

« Att- ! »

Trop tard. L’étoile panique. Pulse d’adrénaline, et tout s’arrête. C’est comme une explosion dans son esprit, et l’instant d’après, tout est calme. Le grand brun regarde tout autour de lui afin de s’assurer qu’il a figé un assez grand périmètre. Rien ne bouge. La madame à sa gauche est raide comme si elle avait croisé le regard de médusa, et les deux amis de l’autre côté de la route. Orion commence alors sa marche vers l’abruti qui traverse n’importe comment prêt à se faire écraser.

Il entend alors un bruit. Il sursaute, prêt à faire un arrêt cardiaque. Il ne réalise qu’en levant la tête qu’il s’agit d’un insolent piaf qui a décidé de survoler la scène en nargant tous les êtres figés ici bas. L’étoile l’insulte de tous les noms pour cette mauvais surprise et pousse l’inconnu jusqu’au trottoir, réfléchis, puis le fait tomber par terre avant de s’installer sur lui. Oui oui, sur lui, sans gêne. Roh, ne le prenez pas pour un pervers, il faut bien mimer une chute. Bon, peut être que si la victime avait été un vieux papi rabougri, il se serait pas collé comme ça, soyons honnête.

«   -tion ! »

L’énergie reprend ses droits et ils se prennent le bitume en plein thorax. Le policier bondit sur ses jambes pour se redresser et tend sa main à l’inconnu encore au sol.

«  Ca va ? Rien de cassé ? »

Le conducteur s’est arrêté en pleine voie et passe la tête par la fenêtre, visiblement très inquiet. Mais tout devrait bien aller, n’est-ce pas ?