the cosmos and the void || pv. enju

Le destin ne vous demande pas votre avis. Ça vous tombe dessus d’un seul coup, et ça vous laisse un sale goût en travers de la gorge. Une sensation vachement déplaisante pour Benjamin. Si on lui avait dit qu’il trouverait son humain, et qu’en plus il serait pas capable d’aligner deux phrases intelligibles en le voyant, il aurait ri. Il aurait ri tellement fort qu’il en aurait pleuré. Et ensuite, il aurait frappé la personne qui aurait osé balancer une telle connerie.
Enfin, ça faisait un petit moment déjà ; à quoi bon ressasser le passé hein, je vous le demande. Mieux valait oublier ce léger incident de parcours, non ? Après tout, il allait se débarrasser du lien, de ses responsabilités, et plus besoin d’y penser !
Sauf qu’en attendant, ils étaient toujours liés. Et ça c’est la merde. Si y’en a un qui crève, l’autre aussi, et Ben avait déjà failli se faire avoir. En plus, c’était son devoir en tant qu’étoile de protéger son humain. Et ça, ça rime à rien ; pourquoi protéger un type qu’on connait même pas, et qui devrait pouvoir s’en sortir seul ?
J’suis pas son père.

« Tch. »

Un claquement de langue. Frustration. Benjamin shoota dans un caillou qui trainait sur le trottoir, avant de remonter son masque chirurgical, pour dissimuler ainsi une moitié de son visage. Cela dit, c’est juste pour la beauté du geste, on va dire. Parce que soyons réalistes. C’est un peu con, et ça sert à rien, y’a personne dehors à cette heure-ci. C’est bien pour ça qu’il prenait ce bus, d’ailleurs. Pour rentrer chez lui, dormir, et glander encore plus demain. A quoi d’autre pourrait-il passer ses journées, en ce moment, hein ? A part se balader et prendre l’air aux heures où on croise plus personne, sa vie était bien vide ces derniers temps.
Ça manquait d’action.

Le truc chiant, quand on est lié à quelqu’un, c’est qu’on n’est plus prioritaire. Franchement, j’aimerais bien être égoïste, aujourd’hui encore, mais j’ai l’impression que ça va devenir compliqué. La preuve, mon cœur se met à battre comme un fou, à cogner contre ma poitrine comme s’il voulait s’échapper. Et ce serait une bonne chose, d’abandonner cette enveloppe corporelle trop contraignante, trop fragile et stupide. Enfin, quoiqu’il en soit, je me retrouve là, debout dans la rue, et l’anxiété me gagne. Sans raison, notez bien. Donc devinez quoi : ça ne vient pas de moi.
Comment fonctionne le lien ? Est-ce que mon corps reçoit des signaux pour dire « bouge ton cul et aide ton humain » ? L’estomac au bord des lèvres, je me remets à marcher, les épaules baissées, avant d’être submergé par l’angoisse. J’étouffe un juron. Mon pas s’accélère sans que je sache vraiment où je vais.
Et merde.
Je devais prendre le bus et finalement je suis là, en train de courir sur la route. Tu parles d’un retournement de situation. Cela dit, si une voiture ou un camion pouvait avoir la bonté de débouler sans prévenir, on se débarrasserait de nombreuses choses ennuyantes en un rien de temps.

Dans tous les cas, je me retrouve bien rapidement au milieu de rues plus éclairées que nécessaire. Arthur va me tuer si je me fais chopper. Et je vous parle même pas de ce qui m’attend en prison. Des trucs horribles, peut-être. J’en sais rien en fait, j’ai juste entendu des histoires à ce propos. Ça m’intéresse un peu. Bref, je reprends mon souffle tant bien que mal, en jetant des coups d’œil à droite à gauche, le plus discrètement possible. J’allais me mettre à trottiner, pour quadriller la zone et trouver ce qui m’amène ici, mais finalement, la chose se révèle de la manière la plus élégante du monde.

« Gnjgkfznfad. »

Poétique, c’est le moins qu’on puisse dire. Les sourcils froncés, je me dirige vers la masse qui vient de produire ce son ; et en vérité, c’est un bien petit tas, finalement. Je porte ma main à son t-shirt, et je soulève dans le but de l’aider à se redresser. Mais vous aurez bien remarqué que je n’ai pas la corpulence la plus impressionnante des environs, alors ce sera juste un coup de main pour lui. Il a qu’à faire le plus difficile.
Mais c’est pas vraiment comme ça que j’imaginais les choses, même pour une deuxième vraie rencontre, on va dire. Là, ça ressemble à un coup de foudre, en plus agaçant, plus répugnant, pas comme dans les films. Je sais même pas qui c’est ce dude. Une mimique de dégoût marque mon visage, alors que les mots sortent de ma bouche sans que je puisse les contrôler. Comme du vomi.

« ……suis ton étoile et j’vais te protéger. »

C’EST TELLEMENT CLICHE PUTAIN. Les mots que je n’aurais jamais voulu prononcer sont partis tous seuls, et je n’ai officiellement plus de contrôle sur moi-même. Du verbiage. Faut que j’me casse, y’a trop de lumière ici. Je tourne les talons, les épaules encore plus voutées qu’auparavant, les dents serrées. Mais j’ai pas vraiment le choix, si ? Je dois protéger ce vermisseau, même si ça me rend malade. Et le protéger de quoi, hein ? Y’a personne là. Pourquoi il était en panique ? J’me suis fait rouler par son petit cœur tressautant, c’est tout ce que je vois comme hypothèse. Alors, comme le gars pas décidé que je suis, je reviens sur mes pas.

« J’sais pas qu’est-ce qui était après toi, mais tu devrais bouger, pt’être. »

Et moi je suis censé surveiller s’il se met en sécurité ou un truc comme ça ? Genre pour faire mon job d’étoile ou je sais pas quoi.