Je ne suis pas une belle personne || Kumiko

couleur des yeux — Ses yeux sont bleu marine. ; couleur des cheveux — Couleur ébène sans compter sa mèche de couleur feu. ; taille — Légèrement plus grande que la moyenne, environne les 1m70. ; poids — Comment peut-on demander ça à une jeune fille ? ; tatouages ou piercings — Elle a quelques piercings aux oreilles et un tatouage. ; cicatrices — Aucunes. ; style vestimentaire — Certains disent que son style est particuliers, d'autres le trouvent sympathique, la demoiselle a un style assez particulier, parfois coloré et bariolé, parfois monochrome et grungy, parfois féminine et classe. Un vrai caméléon.

Une chose que je me tiens à corriger en premier. Ce cliché me turlupine un tantinet. Je suis japonaise certes, je l’assume, MAIS je ne suis pas la niaise qui trouvera que tout est mignon, qui dira devant tout « Hyaaaa kawaï desu ! » jamais, Ô grand jamais ! S’il y a bien une chose qui m’horripile c’est ce foutu cliché sur les japonaises. Je peux trouver des choses mignonnes, certes, mais je n’irais pas le crier comme une tocasse. Voilà, c’est dit. Je peux passer à la suite. Bon sang, ce que ça soulage de dire ça et de mettre les choses au clair.

N'y voyez rien de personnel, mais, je vous trouve très beau. Pourquoi ? Je trouve que le monde qui nous entoure est beau. Que les gens qui vivent ici-bas sont beaux, les animaux, les plantes. Malheureusement tout est éphémère. Quel triste sort nous a réservé ce monde. Je me délecte de la beauté qui ne sera plus demain. C'est magnifique de savoir que cela n'est pas fait pour durer, c'est encore mieux quand ça ne dure pas. Pourtant, parfois la mort vous rend tous tellement plus beaux. Et je suis cette personne qui vous embellie. Je capture de mes mains ce moment où vous êtes au meilleur de votre personne. Je vous admire un moment et puis je vous embellie. Vous trônerez dans mon carnet avec tous les autres que j'ai "fait". Vous serez tous tellement beaux. Vous noircirez mes pages vierges, vous allez colorer ces crayonnés fait à la mine graphite, je ferais ressortir chacun de vos traits pour que l’on vous reconnaisse, pour que vous laissiez votre marque dans ce monde. Certains diront que je suis sensible aux moindres petites choses qui font la différence, d’autres disent que je suis complètement folle. Voyez-moi comme vous le désirez, je me vois juste comme une artiste pour ma part.

J’aime beaucoup voir la surprise des gens quand ils voient que je suis calme. Ils me disent souvent "ah mais t’es pas une folle en fait." Non, je ne suis pas une folle, même si parfois ma tenue pourrait le faire croire. Disons que c’est quand je prends ma dose que je suis un peu plus posée. Ça me détend, je me sens juste bien et je fais ma vie. Il arrive juste que j’ai des accès de colère ou de violence quand je n’ai pas fumé. Oui, c’est une action de bon gros drogué en manque de sa dose, je sais.

Je ne suis pas la fille compliquée, pas la fille qui ira dire "Mais j’ai rien à me mettre aujourd’hui". J’ai toujours quelque chose à me mettre. Je m’habille en fonction de mon humeur, en fonction de mes envies, j’aurais toujours quelque chose selon ce qu’il faut. J’ai un peu de tous les genres, je n’ai pas de style défini, j’ai juste des vêtements en fonction de mes humeurs. C’est étrange, je conçois.

Grande rêveuse, j’ai toujours la tête un peu ailleurs, à imaginer des personnages, des lieux ou animaux que je pourrais dessiner. J’imagine des histoires de temps en temps, j’imagine un autre monde, où il n’y aurait pas de choses cruelles et dures, où on ne vivrait pas toujours la peur bien accrochée au ventre. Je sais, je suis un peu naïve.

J’ai de la goule, je parle sans arrêt. Je parle pour ne rien dire, pour des choses intéressantes, pour prévenir, pour faire la chieuse, pour faire la copine bienveillante. Je suis bavarde. Mais dans le fond j’ai peur qu'on voit quand j’ai mal, quand je souffre, alors je me protège avec la parole. Je déverse un peu trop de mots à la minute quand je ne vais pas bien, je parle vite, un peu trop vite, beaucoup trop vite. Si on me connais bien, on sait tout de suite quand ça ne va pas très fort.

J’ai une grande gueule, un bon franc parler. Je blesse parfois involontairement les gens, parfois volontairement. Parfois je tente de fermer ma gueule, parfois je n’y arrive pas. Je lance des piques sans arrêt, je jure, je fais mal avec les mots, je suis mauvaise. Je ne suis vraiment pas une belle personne.
De quoi ? Ce que je pense des étoiles ? Haha… Je n’en ai parlé à personne mais il faut bien le faire un jour. Je n’aime pas parler de ça, pour moi c’est comme parler de ses convictions politiques, de sexualité ou des étrangers, c’est un sujet tabou avec moi. Pourtant, c’est une chose qui me fascine, des êtres tombés du ciel, arrivés sur terre et qui sont liés à nous. Un lien fort qu’on le veuille ou non. C’est quelque chose de formidable, ça me fait penser aux histoires pour enfants quand on parle de notre bonne étoile, en fait, je me sens un peu comme une grande gamine quand on me parle de ça.


Le dessin lui permet de s’évader Croque souvent des gens qu’elle voit se presser dans la rue Ne se promène jamais sans son carnet à croquis Elle a cependant besoin de sa dose quand elle veut faire une toile  Fume juste « ce qu’il faut » dans la journée, pas trop, elle connait ses limites Ne bois pas énormément, sauf en soirée avec des amis Souriante malgré tout Sociable, aime parler avec un peu tout le monde

Je n’ai rien de bien intéressant à raconter sur moi, enfin, ne serait-ce qu’avant mon adolescence. J’étais une enfant comme les autres, aimée et chérie de ses parents. Le truc le plus basique vous me direz. C’est plus vers mes quinze – seize ans que ça a commencé à changer, que ça a commencé à devenir le souk dans ma tête. Quand je me disais que j’étais différente des autres dans ma manière de voir le monde, quand je trouvais que bon nombre de choses étaient belle parce qu’elles étaient éphémères, parce que le monde était voué à mourir, parce que rien n’était éternel. Certains ont cessé de me fréquenter en me traitant de « freak », d’autres me trouvaient cool et sont venus me rejoindre. C’était sympathique, je me sentais à ma place après ça. Je me sentais tellement vivante d’être avec des gens qui me ressemblaient.

Et puis à la fin du lycée j’ai choisi d’intégrer les études d’art. Je retrouvais certains de mes amis, d’autres ne purent intégrer les arts par refus de leurs parents. Et puis la pression de mes parents se faisait ressentir petit à petit pour mes notes. La société japonaise que voulez-vous, je déteste cette pression qu’impose la société. Je m’évadais en dessinant le soir, je représentais tout ce qui se passait sous ma fenêtre, les gens qui passaient, les oiseaux dans les arbres, les maisons pâles. Mais c’était lassant à force. J’ai fini par sortir sans dire quoi que ce soit pour croquer tout qui me fascinait, tout ce que je trouvais beau. Je restais parfois dehors jusqu’à tard pour croquer ce que je voulais dans les moindres détails, tout en fumant mes pétards. J’étais bien. Même si en rentrant je me faisais engueuler par le daron. Ça me passait au-dessus de la tête, j’étais dans mon petit monde, ma petite bulle qui me protégeais de tout, qui faisait de moi une personne intouchable, même mon père et sa pression ne pouvait pas détruire ce petit monde que je m’étais construit, il était parfait.

Un soir, alors que je croquais, un type venait s’assoir à côté de moi. Il sentait l’herbe à plein nez. Il avait la tête levée au ciel, il ne disait rien. Il avait l’air d’être dans un état second puis il posait ses yeux sur ce que je dessinais, sans mots dire. A un moment il avait ouvert la bouche, j’ai cru que c’était pour me demander des trucs par rapport à ce que je dessinais, mais non.

« Je m’en roule une, tu voudrais partager ? »

J’haussais un sourcil pour montrer mon incompréhension. Un inconnu me proposait le plus calmement du monde de partager son herbe, sur le coup je ne disais rien, je continuais mon dessin. Il avait dû me voir certaines fois pour me proposer de fumer avec lui, ou il était tout simplement stupide au point de partager avec des personnes qu’il ne connaissait pas. J’ai accepté plus tard.

Au fur et à mesure, je le côtoyais un peu plus. Je trouvais que c’était un mec vraiment étrange, il avait une drôle de dégaine avec son air stone toute la journée, les mains dans les poches de son pantalon et son sweat trop grand. En réalité, je le côtoyais pour lui prendre de la came de temps en temps. Je ne l’aimais pas spécialement, je ne le détestais pas non plus, disons que ce n’était pas mon meilleur pote. Il glissait quelques tentatives douteuses de rapprochement de temps en temps, j’avais bien comprit qu’il voulait me mettre dans son lit, je changeais habilement de conversation pour ne pas aborder ce sujet.

Hiro avait tenté de m’inviter à une soirée qu’il faisait avec des amis à lui en assurant qu’il y aurait des gens assez sympathiques et de quoi s’amuser. Je m’étais dit pourquoi pas alors j’avais pris la peine de me déplacer, surprise une fois arrivée sur place.

« Eh, où sont tes potes ?
- Pas là, je voulais être tranquille avec toi.
- T’étais quand même obligé de m’inventer des mythos pour que je vienne chez toi et qu’on soit seuls quand même, t’es vraiment grave comme mec. »

Je le trouvais de plus en plus bizarre ce mec, il n’avait presque rien chez lui, à part un canapé miteux, un vieil écran cathodique, une table en plastique avec toute sa drogue étalée dessus et un lit plus loin. C’était vraiment pas la joie, je n’avais qu’une envie : partir, mais il avait de la came pour moi alors je suis restée. Je l’ai suivi et je me suis assise dans son canapé. Il a roulé un pétard et a ouvert la bouche pour me dire :

« T’en pense quoi des étoiles et des humains toi ? »

Je n’ai rien répondu, je me suis contentée de regarder mes pieds et d’attendre qu’il me passe son joint. Bien évidemment je n’allais pas répondre à ce genre de question, c’est comme quand les gens vous demandent ce que vous pensez de la politique, de la sexualité et des étrangers. J’ai tiré dans son joint, levé la tête au plafond pour recracher la fumée avant de lui tendre sa roulée. Il enchainait :

« Je pense que c’est pas normal moi, ça devrait pas exister. Ils nous apporteront que de mauvaises choses, j’en suis sûr. » Silence radio pour ma part. « Tu sais Kumi’, j’ai trouvé un truc cool, les gens les voient comme le mal, mais dans le fond c’est un visionnaire le mec qui dirige le truc.
- De quoi tu parles ?
- Des crépusculaires Kumi’. Le mec qui les dirige il voit que le bien pour nous tous, il veut changer le monde, rendre les choses bien, il a raison. On serait tellement mieux sans le lien qui uni les humains aux étoiles. On serait tellement heureux sans tout ça. Tu ne penses pas ? »

Pas de réponse. Je n’allais pas donner mon avis là-dessus, surtout pas à lui et surtout après qu’il ait déjà commencé à se défoncé avant que j’arrive, il pouvait réagir de n’importe qu’elle façon. Je restais interdite, les lèvres pincées pour ne rien dire. Il s’impatientait, il voulait que je lui réponde, je n’allais pas le faire, je n’allais pas lui dire ce qu’il ne voulait pas entendre, je ne voulais pas alors j’ai continué à rester fermée à cette discussion.

« Putain mais répond Kumiko, je t’ai vue plus bavarde que ça. Ouvre-la ou je te force à cracher le morceau. Je veux juste que tu sois avec moi contre eux bordel ! »

Oh non, moi je ne voulais pas être contre eux et encore moins avec lui. Il se rapprochait de moi, je voulais fuir mais il était trop près, beaucoup trop près. Ce gros tocard était en train d’essayer de m’embrasser en tentant de glisser sa main sur mes cuisses. Ma main était partie toute seule, lui remettant les idées en place et le remettant dans une position plus convenable. Je me relevais pour prendre ma veste. J’avais envie d’appeler la police pour signaler qu’il faisait affaire avec les crépusculaires et j’ai chassé cette idée, je pouvais aussi me faire coincer pour avoir consommé de la drogue. Je songeais à le balancer plus tard. Il ne méritait pas grand-chose de toute façon, ce n’était qu’un déchet à ce stade.

« Tu me dégoutes Hiro, tu comprends pas ça depuis le temps que je le glisse subtilement ? Je veux juste ta came.
- Mais moi je t’aime.
- Et moi j’en ai rien à faire de toi, tu t’es attaché à moi simplement parce que t’es seul et désespéré. Je veux pas de toi. »

Les mots étaient un peu durs mais il fallait bien que je lui dise la vérité. J’étais partie en claquant la porte et marchant le plus vite possible pour qu’il ne me rattrape pas, même s’il en était incapable avec la dose qu’il avait dans le sang. C’est quelques jours plus tard que j’ai appris sa mort, une overdose. Voilà qui arrangeait bien des choses, pas besoin de le balancer à la police.

Jusqu’à maintenant, pas grand-chose ma foi. Mise à part que j’ai quitté le domicile familial, le daron m’avait mise à la porte, il ne supportait plus de me voir comme je suis, il me jugeait trop désobligeante à son goût. C’était avec plaisir que je me suis tirée de chez mes parents. Je me sentais libre et enfin maître de moi-même, de mes moindres faits et gestes, il n’y aurait plus personne pour me dicter ce que je devais faire dans mes études et ça, ça me plaisait.